Ce matin, je pars chasser chez mon ami Patrick à Sarrancolin, nous avons décidé de participer à la battue du jour avec l'équipe de chasse communale. Ici la chasse ne commence pas de bonne heure, vers 9h30 nous descendons au village à la salle des chasseurs. Il n'y pas grand monde, seul un des chasseurs qui prépare des frites pour midi. Les autres sont allés faire le pied. Nous attendons un moment, d'autres chasseurs arrivent et nous discutons devant un bon feu de cheminée. Si personne ne trouve de pied nous allons chasser le grand cervidé et au fond de moi c'est bien ce que j'espère mais au retour des équipes de pied nous comprenons vite que plusieurs sangliers ont été repérés. Nous hésitons un peu à partir chasser le sanglier mais il est déjà 11h30 et nous ne ferons rien ce matin, nous décidons de tenter le coup.
Nous partons nous poster, nous garons les voitures au bord d'une piste puis nous la quittons pour remonter dans une gorge ombragée et enneigée où il risque de ne pas faire très chaud. Patrick prend le premier poste, le 0, nous laissons un posté au 1 puis au 2, les postes sont très espacés. Les chasseurs décident de me laisser au 2 bis et les 3 derniers postés continuent à grimper encore un peu. Le poste 2 est à plus de 150 mètres plus bas et le posté suivant sera à au moins 80 mètres au-dessus de moi. Nous allons chasser le versant de gauche, je remonte un peu sur le versant opposé et me cale derrière un gros hêtre qui me cache un peu. Je contrôle mes possibilités de tir à gauche,
puis à droite.
Je nettoie les feuilles mortes et les brindilles sous mes pieds pour ne pas faire de bruit s'il me faut bouger un peu pour décocher puis l'attente commence. Cette bonne petite marche m'a bien réchauffé et pour l'instant je n'ai pas froid. Le président de la chasse est parti contrôler un pied et lâcher les chiens en face, de l'autre côté de la montagne. Tout est calme pendant un bon moment puis je commence à entendre au loin les chiens qui se rapprochent doucement par ma gauche. Tout à coup, il me semble entendre un bruit de pas qui se rapproche à mi-pente sur le versant d'en face. Le bruit arrive de ma gauche et se rapproche doucement.
Ce n'est pas le traqueur, les pas se précisent, il s'agit de plusieurs animaux. Je tente d'apercevoir de quoi il s'agit au travers de la végétation mais sans succès. Le bruit s'arrête régulièrement puis s'interrompt un long moment. Les cris des chiens ont cessé. Le froid est vif et je passe mon arc d'une main à l'autre pour pouvoir me réchauffer un peu en mettant les mains au poche mais ce sont surtout mes pieds qui me fond de plus en plus souffrir. Immobile, les pieds dans la neige sans voir le soleil qui brille pourtant sur un joli ciel bleu, l'attente commence à devenir pénible.
Les chiens recommencent à donner de la voie un peu plus loin, au même moment les animaux se remettent sur pied face à moi. Ils se décalent un peu pour se mettre à tourner en rond dans les buis juste en face de moi. Un grognement ne laisse plus de doute, il s'agit de sangliers. Ils piétinent en tournant sur 10 à 20 m² mais je n'arrive pas à les voir. Je surveille toutes les zones découvertes au tour des buis mais rien faire. Les chiens s'éloignent et les sangliers s'immobilisent à nouveau.
L'attente reprend dans le calme, le froid est vraiment incisif, les pieds et les mains sont de plus en plus douloureux, je décide de poser même l'arc un moment pour mettre mes 2 mains au poche. Après un long moment de calme, l’écho du souffle de 2 tirs de carabine, qui semble avoir été tirés derrière nous sur la chasse d'Hillet, se font entendre en bas dans la vallée. Un moment plus tard, des chiens se mettent à donner de la voie dans notre dos et se rapprochent de plus en plus.
Je reprends mon arc, les chiens se rapprochent toujours, je me tourne face à la pente et me prépare. Les pierres roulent au-dessus de moi puis le bruit du galop des animaux se fait entendre. Ils viennent sur moi. Ils s'arrêtent régulièrement pour repartir de plus belle. Ils sont maintenant tout près, à moins de 30 mètres mais impossible de les voir car un gros massif de buis me les cache.
Ils redémarrent, un coup de carabine claque vers le poste au-dessus de moi. Un sanglier couine puis un second coup de feu retentit puis un troisième. J'aperçois un sanglier blessé qui traverse la gorge à 40 mètres au-dessus de moi. Des viscères pendent sous son ventre. Il remonte le versant d'en face mais au bout de 30 mètres il commence à ralentir puis chute plusieurs fois sans arriver à monter d'avantage. Il se met alors à longer avec difficulté la courbe de niveau pour venir passer en face de moi. Il penne beaucoup et s'arrête régulièrement.
Que faire, il semble bien touché mais la battue n'est pas terminée. Des voies résonnent au-dessus de moi, les postés se parlent entre eux. Je lance au posté au-dessus de moi : "ton sanglier est juste devant moi, il est blessé et essaie de s'enfuir ". Le posté me répond qu'il ne le voit pas, je lui dis que vais tenter de l'intercepter et je quitte mon poste, arc à la main. Je traverse la gorge et remonte le penchant d'en face vers l'endroit où j'ai vu le sanglier mais je le perds de vue un moment à mesure que je me rapproche. Le sol est très glissant et je surveille mes appuis, les yeux vers le sol quand j'ai une impression bizarre.
Je lève les yeux et aperçois le sanglier qui est juste au-dessus de moi à 3 ou 4 mètres. Il est menaçant, de 3/4 face, la tête basse tournée vers moi, le poil hérissé, il me fixe en claquant des dents. Je comprends vite que ça sera lui ou moi dans pas longtemps, j'arme rapidement mon arc, au même moment, le sanglier s'élance vers moi en grognant. Je n'ai pas vraiment le temps de viser et décoche sur lui de face mais ma flèche le frôle sans l'entaillé. J'ai juste le temps d'esquiver à la façon du torero. Le sanglier me frôle en passant juste au ras derrière moi puis s'enfuit en redescendant pour s'arrêter 50 mètres plus loin pour se coucher.
Le posté arrive, c'est son sanglier et il mérite de le finir. "Où il est " ? Je l'accompagne vers son sanglier pour le lui monter car il ne le voit toujours pas. Nous nous approchons à environ 10 mètres du sanglier qui se redresse et claque des dents derrière un tronc couché. Le chasseur épaule, vise et veut tirer mais rien, le clic du percuteur mais pas de coup de feu, il réessaye une autre fois, rien. Je réencoche et arme alors que le sanglier commence à repartir. J'arme, vise et décoche. Ma flèche se plante au milieu du dos et reste plantée. Le sanglier tente de s'enfuir mais il fait à peine 4 mètres, se met à tituber, roule sur le côté sur quelques mètres et se cale contre un arbre. Encore quelques soubresauts et s'est terminé. Ma flèche ressort à la base du coup, le coup de feu lui a explosé une patte arrière et ouvert l'abdomen sans éclater les intestins. Il aurait certainement mis un long moment à mourir d'une telle blessure.
Entre temps, 2 coups de carabine ont retenti plus bas, un posté a tué un second sanglier, un frère de cette petite femelle, ils étaient 5, 4 bêtes rousse et la laie. Les sangliers en face de moi ont dû se débiner et ne seront pas inquiétés pour aujourd'hui.
Je redescends la petite laie vers les voitures avec le tireur qui porte mon arc. Ça fait du bien de marcher un peu pour se réchauffer après une matinée au poste.
Alex
Atteinte :