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20 juin 2022 1 20 /06 /juin /2022 18:17

VENDREDI 10 JUIN

Ce matin, je finis de préparer ma valise et règle quelques affaires avant de partir chez Lionel sur Auch. J'ai un peu la boule au ventre, je n'ai toujours pas digéré le séjour catastrophique à la pourvoirie du lac Suzie où nous étions partis à 4 et où personne n'avait vu d'ours. Le pourvoyeur nous avait également vendu de superbes pêches au doré sans jamais nous y amener. Je m'en veux encore car c'est moi qui étais à l'origine de ce voyage. Seul Lionel retente l'aventure avec moi cette année et nous avons une grosse pensée pour notre ami Renaud qui aurait bien aimé venir mais ses finances ne le lui permettent pas. Cette fois, nous partons dans la réserve faunique des Laurentides, à environ une heure au nord de Québec,

avec l'équipe Chassomaniak présidée par Mathieu POULIOT qui propose plusieurs destinations via Next Hunt Adventure.

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Nous devons rejoindre Christophe chez lui, à Escorneboeuf, pour midi. Nous mangerons ensemble avant de partir pour l'aéroport de Blagnac où nous laissera sa copine vers 15 heures.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Notre avion doit décoller vers 19h30 mais voyager au Canada est un vrai parcours du combattant. Nous commençons par enregistrer nos bagages de soute et pour cela il nous faut présenter notre passeport, notre AVE (Autorisation de Voyage Electronique), notre QR code ArriveCAN et notre passeport sanitaire mais Christophe et Lionel peine à retrouver les documents sur leurs portables respectifs et cette étape s'éternise.

Nous portons ensuite nos valises hors gabarit vers un tapis spécial puis passons le contrôle avant la porte d'embarquement. Lionel et moi passons sans encombre mais Christophe a droit à un contrôle de son bagage de cabine. Nous n'avons pas trouvé de vol direct pour Québec, nous devons donc prendre un premier avion pour Paris. Après un vol sans encombre, nous arrivons à l'aéroport Charles de Gaulle vers 20h30. Nous n'avons pas besoin de récupérer nos bagages en soute qui seront automatiquement transférés vers notre correspondance pour le Canada. Notre second vol n'est qu'à 13h30 le lendemain, nous prenons donc un petit repas avant de chercher une zone pour dormir. Nous allons ainsi passer la nuit sur un canapé avec des voyageurs ayant raté leur avion. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

SAMEDI 11 JUIN

Au petit matin, nous commençons, au grès des informations glanées auprès de plusieurs personnes, à nous diriger vers notre terminal, qui s'est affiché sur le tableau d'affichage des vols, les vrais gersois à la capitale. Venus à bout de ce labyrinthe, nous passons le contrôle avant d'aller prendre un petit déjeuner et attendre notre avion à la porte d'embarquement. Après un vol sans encombre, nous arrivons à Québec vers 14h40, heure locale. Ici le masque est encore obligatoire dans l'aéroport. Il nous faut répondre à un questionnaire à une borne puis la douane nous laisse passer sans encombre. Le douanier très sympathique qui a observé nos arcs avec attention nous souhaite une bonne chasse. Ça y est nous y sommes mais, en sortant de l'aéroport, nous attend une mauvaise surprise. L'hôtel Econolodge que j'avais réservé en ligne en France était annoncé à 1,5 km de l'aéroport mais en rentrant l'adresse sur le GPS de mon portable, le parcours le plus court est annoncé pour 4,5 km. Nous décidons tout de même de faire le chemin à pied avec nos valises. Alors que je repère un merle américain et commence à le prendre en photo, un québécois amusé vient à notre rencontre pensant que nous avions repéré une marmotte. 

Merle d'Amérique (Turdus migratorius) Mâle

Merle d'Amérique (Turdus migratorius) Mâle

Nous engageons la discussion alors qu'un ami à lui nous rejoint. Ils sont très enthousiastes à l'idée que nous allions chasser l'ours à l'arc et nous souhaitent également une bonne chasse. Nous en profitons pour leur demander de nous guider un peu vers notre hôtel puis suivant leurs explications et mon GPS, nous nous mettons en route. Plusieurs taxis s'arrêtent pour tenter de nous convaincre de monter mais nous continuons notre chemin sans vraiment nous rendre compte du périple qui nous attend. J'essaie en vain de joindre Mathieu avec qui je suis en contact depuis des mois pour l'organisation du séjour, ma connexion internet est très mauvaise. Je parviens enfin à le joindre un peu plus loin. Alors que nous faisons une halte, nous dérangeons 3 grosses marmottes qui foncent se réfugier sous un algéco posé près d'un bosquet, non loin de la route. Mathieu viendra nous chercher demain matin à 10 heures. Nous reprenons notre chemin et prenons à droite sur une grande avenue. Alors que nous n'avons fait à peine 1/3 du chemin. Un automobiliste interpelle Christophe plus en retrait pour lui proposer de nous amener jusqu'à notre hôtel. Il se gare un peu plus loin et charge nos bagages avant de nous amener jusqu'à notre destination qui était encore loin. Nous n'étions pas arrivés, nous ne savons pas comment le remercier et nous n'avons pas de liquidité sur nous mais il nous dit que c'était un grand plaisir pour lui et nous souhaite également une bonne chasse. Je l'avais déjà dit à mes compères mais cela se vérifie encore, les Québécois sont d'une gentillesse à laquelle nous ne sommes pas habitués en France. Nous prenons possession de notre chambre d'hôtel et nous nous posons un peu avant de ressortir pour chercher quelque chose à manger. Nous élisons un petit snack-glacier très américain et très proche de notre hôtel. Lionel, qui avait promis à notre ami Renaut de manger une poutine en pensant à lui, tient sa promesse alors qu'avec Christophe nous élisons un hamburger. Une bonne glace nous servira de dessert. Nous retournons ensuite à l'hôtel pour une bonne douche et une nuit de sommeil.

DIMANCHE 12 JUIN

Le lendemain, après un bon petit déjeuner pris à l'hotel, nous attendons l'arrivée de Mathieu. Nous sortons devant l’hôtel un peu avant 10 heures. Une merlette vient se poser sur le trottoir à notre droite avec des vers de terre dans le bec.

Merle d'Amérique (Turdus migratorius) Femelle

Merle d'Amérique (Turdus migratorius) Femelle

Nous supposons que son nid doit être proche mais nous n'imaginions pas autant. Elle s'envole et se pose juste au-dessus de moi, au-dessus d'un des piliers qui tient la structure métallique au-dessus de nous. Son nid est posé là et ses oisillons l'accueillent becs ouverts. Elle les nourrit puis saisit une déjection d'un oisillon et l'avale avant de se poser pour couver ses petits.

Merle d'Amérique (Turdus migratorius) Femelle au nidMerle d'Amérique (Turdus migratorius) Femelle au nid

Merle d'Amérique (Turdus migratorius) Femelle au nid

Mathieu finit par arriver, un peu après 10 heures, avec un énorme pickup noir GMC et déjà caméra au poing pour filmer notre réaction. Nous changeons nos affaires puis partons. Il nous faut passer chez un ami à lui qui tient un restaurant pour prendre les repas préparés pour la semaine, faire ensuite quelques courses puis trouver un magasin de chasse ouvert pour acheter nos permis de chasse à l'ours et de pêche avant de partir pour la réserve faunique des Laurentides. Mathieu est une vraie star, les gens l'accostent où qu'on aille, il est très connu au Québec, notamment pour la tournée des films Chassomaniak.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Mathieu est une vraie star, les gens l'accostent où qu'on aille, il est très connu au Québec, notamment pour la tournée des films Chassomaniak dont notre aventure fera certainement partie en 2023.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

La ville de Québec laisse place à un paysage sauvage composé de forêts, lacs et rivières sous quelques grosses averses.

Paysages des Laurentides prises durant notre séjour Paysages des Laurentides prises durant notre séjour
Paysages des Laurentides prises durant notre séjour Paysages des Laurentides prises durant notre séjour
Paysages des Laurentides prises durant notre séjour Paysages des Laurentides prises durant notre séjour

Paysages des Laurentides prises durant notre séjour

Je scrute la météo de la zone depuis plusieurs jours et si elle ne se trompe pas nous ne verrons pas beaucoup le soleil. En discutant, Mathieu nous annonce que nous sommes les premiers français à venir chasser avec lui sur son territoire qui fonctionne depuis 30 ans mais qu'il a pris en gérance depuis 2 ans. A notre arrivée à la réserve faunique gérée par la Sépaq,

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nous devons attendre que notre chalet soit libéré par ses occupants avant de nous installer et manger un bout.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Nous nous changeons ensuite rapidement pour la chasse, préparons nos arcs avant d'aller nous entraîner un peu pour vérifier nos réglages. Rien n'a bougé pour moi et Christophe mais Lionel est inquiet car son arc tire trop à droite. Mathieu nous explique que la zone vitale de l'ours est plus en arrière que chez les herbivores et nous montre plusieurs photos d'ours avec le point rouge matérialisant la zone à viser. Il nous conseille de tirer de la largeur d'une main, en arrière du défaut d'épaule, sur un ours plein travers.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il est temps de partir pour la chasse, Mathieu possède une centaine de poste et fait chasser environ 45 chasseurs par an. Dès qu'un ours est tué, le poste est fermé pour l'année. La zone des postes n'est pas couverte par le réseau téléphonique et internet, nous devrons attendre le soir pour avoir des nouvelles les uns des autres. Nous déposons Lionel, son poste est proche d'un barrage de castors, les ours sont très friands de ces gros rongeurs. Mathieu l'accompagne pour lui montrer son poste au sol et appâter le site puis nous continuons. C'est Styve, un des guides, qui déposera Christophe qui n'est pas du tout sur le même secteur que nous. Il sera posté sur une plateforme à 3 mètres du sol. Le territoire est assez éloigné de notre chalet. Chaque poste est espacé des autres d'environ 5 km. Mathieu vient se poster avec moi pour filmer ma chasse. J'ai opté pour un affût au sol car je ne chasse jamais en tree-stand mais cette position, cumulée à la présence d'un caméraman, va fortement compliquer ma chasse. Le sentier qui mène à mon poste est tellement discret que Mathieu le manque 2 fois en passant devant. Il gare son pickup et nous partons chargés sur le sentier qui s'enfonce dans le bois d'épinettes très denses, jusqu'à une zone d'appâtage plus dégagée, au fond d'une combe. Le vent est bon et remonte vers la piste. Mathieu me montre notre poste qui domine la zone de nourrissage sur une bute à notre droite. Je monte mon matériel et la valise des caméras alors que Mathieu part appâter. Je pose les sièges pliants et la valise puis analyse mon poste alors que mon guide remonte après avoir tambouriné sur le bidon pour annoncer son remplissage aux ours du secteur. Il a vidé le sac d'appât de chez Meunerie Soucy

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et le remonte au poste. Les moustiques et mouches noires m'assaillent déjà et je me presse d'allumer mon Thermacell.

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Les moustiques s'éloignent au bout de quelques minutes mais les mouches noires n'y semblent pas sensibles et continuent à me persécuter. La chaise pliante risque de me gêner au moment de me lever, je préfère la replier et m’asseoir sur le sac derrière la barrière en branches de sapin qui sera mon écran de camouflage. Mathieu me montre un crocher pour suspendre mon arc contre l'épinette à ma gauche et me demande d'essayer de me lever et d'armer mon arc. Le sol a été creusé pour former une marche sur laquelle je pose le sac d'aliment vide et m'assois dessus.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

La pluie est annoncée pour ce soir mais j'ai fait le choix de ne pas prendre de vêtements étanches trop bruyants, j'ai mis un t-shirt, un sweat et ma veste camo par-dessus laquelle j'ai enfilé un dossard orange fluo unis, obligatoire pour la chasse à l'ours au Québec.

Mathieu s'installe derrière moi et cale le trépied de sa caméra avant de s’asseoir sur sa chaise pliante. Un crâne de femelle orignal, trouvé sur place avec la carcasse lors de l'aménagement du poste, est accroché dans l'arbre au-dessus du bidon et a donné le nom à ce poste : "le crâne suri".

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Un coup de télémètre, le bidon est à 16 mètres. L'attente commence rythmée par les allés et venus des tamias et des écureuils qui se succèdent auprès du bidon nourricier. Quelques lièvres variables américains viennent régulièrement prendre part au festin. Rapidement, la pluie commence à tomber. Je mets la capuche de ma veste Solognac et subit l'averse sans broncher. Je suis vite trempé. Mathieu me propose un vêtement étanche mais je le refuse. De son côté, il a dû ranger la caméra au plus fort de l'averse pour éviter de trop la mouiller. La pluie finit par se calmer et Mathieu réinstalle sa caméra en m'expliquant que la pluie et surtout le vent ne favorise pas la sortie des ours car ces derniers sont plus vulnérables. Les intempéries limitent leur odorat très performant et leur bonne ouïe, leur vision n'est déjà pas bonne en temps normal, ils perçoivent surtout les mouvements. Les averses s'espacent et sont moins prononcées. Vers 19h30, alors que nous sommes au poste depuis 16 heures, un mouvement attire mon regard à 15 mètres sur la droite. Un ours regarde vers moi, ramassé en boule, il me semble obèse mais pas très grand. Je reste immobile, un petit ours arrive derrière, c'est une ourse suitée, interdiction de tirer. Elle s'avance un peu en longeant la crête qui remonte sur notre droite. Mathieu qui l’aperçoit alors me touche l'épaule et j'acquiesce sans bruit. L'ourse et son jeune tournent un instant, ils semblent inquiets puis disparaissent derrière la crête.

Pendant 30 minutes, plus rien à part les lièvres et les écureuils puis je sens, dans mon dos, que Mathieu a repéré quelque chose. Je me tourne doucement, vois la direction de son regard et qu'il allume sa caméra. Je scrute le fourré de feuillus sur la droite du bidon. Quand j'aperçois du mouvement. L'ourse revient mais elle est accompagnée de 2 oursons. Un des oursons s'avance, renifle près du bidon puis retourne dans le fourré. Au bout d'un moment, il revient au bidon et commence à bouger les troncs qui l'empêchent d'accéder à l'ouverture du bidon et tourne sur l'avant du bidon. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

L'autre ourson moins téméraire, le rejoint prudemment.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Ils se mettent à manger. L'ourse très méfiante, s'avance doucement.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Elle tourne ensuite sur le secteur en humant l'air, donnant de grands coups de nez en l'air. Elle est énorme, elle me paraissait plus petite tout à l'heure. Elle regarde régulièrement vers nous mais ne semble pas nous voir. Elle s'éloigne dans les fourrés sur la gauche, revient vers ses oursons, tourne et retourne, hésite plusieurs fois à venir manger

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

puis finit par se décider après environ 20 minutes de vas et viens. Elle se présente presque plein travers à cheval sur un gros tronc qui passe sous son thorax, l'arrière train relevé et le poitrail au sol.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Elle se redresse quelques fois pour surveiller les alentours puis passe le tronc et mange avec ses oursons de bon cœur. Un lièvre arrive par notre droite dans une goulotte qui sépare notre promontoire de la crête puis contourne les ours par le bas avant d'arriver tranquillement par la gauche du bidon, surprenant les ours dans leur repas et leur faisant faire un bond en arrière. Egalement surpris par les ours qu'il n'avait pas vu, il s'éclipse. Trempé et avec la fraîcheur qui s'installe, je suis pris de tremblements incontrôlables, Mathieu inquiet me demande si ça va mais je le rassure. Les ours reviennent vite à leur repas, les oursons ne lâcheront plus le bidon alors que leur mère reprendra par moment ses rondes sur le secteur entre 2 prises de nouriture. Vers 21h15, la nuit s'installe, Mathieu casse du petit bois ce qui inquiète l'ourse qui se redresse et s'éloigne mais les oursons ne veulent pas lâcher leur repas. Mathieu continue à faire du bruit, l'ourse revient plusieurs fois chercher sa progéniture avant qu'elle ne se décide à disparaître dans le fourré sur la droite du bidon. Nous ramassons nos affaires et retournons au pickup. Nous partons récupérer mes amis, je grelotte encore et peine à me réchauffer malgré le chauffage allumé par Mathieu dans sa voiture, plusieurs lièvres traversent dans les phares. Lionel est le premier, il a vu un ours qu'il juge petit. Il nous compte avec enthousiasme cette première rencontre : "Il est arrivé après moins de 2 heures d'affût, sorti des sapins à environ 40 mètres, il est arrivé rapidement aux appâts, a mangé un peu puis est reparti. Il est ensuite revenu et reparti 6 fois sans me donner d'occasion de tir. L'ours finit par me repérer, hume l'air debout sur ses pattes arrières et regarde vers moi. Je le regarde, immobile, durant 6 ou 7 secondes avant qu'il ne reparte définitivement." Christophe lui n'a rien vu à part des écureuils et des lièvres. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Sur le retour, nous croisons une femelle orignal et son petit. Dans la panique la femelle s'est enfuit dans les fourrés laissant seul son petit perdu au milieu de la piste. Nous avions déjà vécu cette scène, en plein jour, avec Lionel lors de notre dernier séjour au Québec. 

Souvenir de notre séjour de 2019Souvenir de notre séjour de 2019Souvenir de notre séjour de 2019

Souvenir de notre séjour de 2019

Mathieu a dû stopper un moment et éteindre ses phases en attendant que le petit rentre au fourré après avoir fait des allés retours sur le chemin. Un jeune orignal perdu serait inévitablement une proie facile pour les loups ou les ours. Plus loin, un autre jeune orignal traversera devant nous. Nous rentrons au chalet pour manger un bout et une nuit de sommeil. Nous allumons un feu pour faire sécher nos affaires mouillées et nous réchauffer un peu. J'enfile des vêtements secs après une bonne douche chaude avant d'aller me coucher.

LUNDI 13 JUIN

Ce matin, je me réveille vers 5 heures et n'arrivant pas à dormir, je décide de me lever pour aller prendre l'air et en profiter pour appeler ma compagne. Je pars jusqu'au bord du lac bordé par une plage de sable ponctuée de tables de pique-nique. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je retourne ensuite au chalet en attendant que mes compères se lèvent ce qui ne tarde pas. Nous partons nous entraîner et affiner les réglages de l'arc de Lionel. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Ce soir, Mathieu ne peut pas venir me filmer, il a donc demandé à William, un de ses guides, de le remplacer. Nous partons pour le même poste que la veille, sauf Christophe qui n'a rien vu hier. Il sera, cette fois, installé sur une zone dégagée, dans une tente d'affût. Arrivé à mon poste, Mathieu nous laisse avec William au départ du sentier. William part appâter avec le même type d'appât que la veille et avec un grand seau blanc de la confiture de cerise noire, pendant ce temps, je pars m'installer au poste et poser la valise des caméras. J'allume vite mon Thermacell, le temps est incertain mais le vent est bon. Je m'installe alors que William revient au poste. Il a laissé le seau de confiture vide près du bidon. La pluie ne tarde pas à tomber. Ce soir, j'ai mis une veste sans manche par-dessus ma veste en espérant avoir moins froid. William couvre la caméra avec une housse faite pour cela alors qu'il commence à pleuvoir. Comme la veille, les écureuils et tamia s'en donnent à cœur joie mais beaucoup moins de lièvres viennent au bidon. La soirée est très calme et les averses se succèdent, nous sommes vite trempés. Les écureuils et tamias passent parfois très près de nous, un écureuil téméraire vient même tirer sur mon gilet fluo dans mon dos. Vers 21 heures, moins d'une heure avant la nuit, la pluie a cessé depuis un moment, un mouvement attire mon regard dans le fourré sur la droite du bidon. Une masse noire s'avance, j'attrape vite mon arc mais j'aperçois les oursons.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

C'est la femelle d'hier avec ses jeunes. Les petits arrivent directement au bidon, la femelle moins méfiante que la veille hume rapidement l'air fait un petit tour puis arrive au bidon et se met à manger goulûment en me présentant un 3/4 arrière à 16 mètre alors que les oursons sont retournés dans le fourré. Idéal si elle n'avait pas été suitée.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Les oursons reviennent, ils tournent un peu autour du bidon puis recommencent à manger. après un instant, l'un d'eux jette son dévolu sur le seau à confiture, il lèche l'entrée

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

puis finit par rentrer à l'intérieur pour lécher le fond mais le seau roule et l'ourson avec. Il sort rapidement du seau et hésite à y revenir mais la gourmandise est la plus forte. Il recommence à le lécher. Le temps passe et la nuit s'installe. Le clack des fermetures métallique de la valise des caméras fera finalement déguerpir les ours. Nous retournons à la piste attendre Mathieu. Il tarde un peu à arriver, Christophe a fléché et retrouvé seul son ours qui est dans le coffre du pickup. Je l'aperçois furtivement en rangeant mes affaires. Cette fois, c'est Lionel qui n'a rien vu à part 2 lièvres et quelques écureuils. Plusieurs chasseurs à la carabine ont tué ce soir, nous les retrouvons un peu plus loin avec les guides. Nous leur laissons l'ours de Christophe qui va partir en chambre froide après avoir été vidé. En le voyant plus distinctement, je me rends compte qu'il n'est pas énorme mais c'est un bel animal. Les ours morts dans la benne du pickup sont beaucoup plus gros que celui de mon ami. Nous rentrons au chalet pour manger un bout et écouter le récit de notre ami avant d'aller nous coucher :

"Me voilà rendu sur un nouveau spot, encore plus éloigné dans la forêt que la veille, au sol cette foi- ci, et qui plus est, dans une tente d’affût. Le confort est appréciable, j’ai embarqué une chaise pliable depuis laquelle je pense pouvoir tirer assis. Rituel de mise en route du Thermacell, tentative d’armement de l’arc. Aïe, je suis trop bas, impossible d’armer sans être obligé de me déplacer vers l’avant de ce maudit siège en toile dont le frottement génère un bruit à même de faire fuir tout gibier. J’expérimente plusieurs positions, tente d’interposer des vêtements sur le siège à la fois pour me rehausser mais aussi pour étouffer les bruits parasites… Bof, je serai obligé de tirer assis en équilibre instable sur la barre avant du siège de trois-quart face pour ne pas être gêné par les accoudoirs malheureusement inamovibles de ce siège de carpiste. La distance de tir est mesurée au télémètre : 22 mètres, ça fait un peu loin à mon goût. Bien sûr d’ordinaire, sur cible, en bonne position, c’est simple, mais là il s’agit de tirer un ours… C’est une première pour moi et j’ignore encore quel pourrait être mon degrés d’émotivité au moment de l’arment et du tir.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Au bout d’à peine une heure, ça y est, un ours apparaît, surgi de nulle part devant moi. Comme prévu, je ne l’ai pas entendu s’approcher au travers de la forêt pourtant dense qui nous entoure. Il s’approche tranquillement, hume l’air alentour mais ne donne aucun signe d’alerte. Il semble calme. De mon côte, je suis très ému par son arrivée et suivant les conseils de mes guides, je prends le temps de l’observation. Pas de précipitation, j’ai l’après-midi devant moi, ne pas s’impatienter, qu’il soit en bonne position… Cela fait seulement deux jours que nous sommes là, mais hier soir, Alex m’a fait part de son point de vue, « ne soit pas trop gourmand, si tu vois un ours ‘’correct’’ et qu’il se présente bien… tire ! ». Il faut dire que lui-même n’a vu hier qu’une belle femelle accompagnée de ses petits, donc intirable et qu’il a été échaudé par une précédente chasse à Québec d’une semaine durant laquelle il n’a vu aucun ours… Michel aussi m’a prodigué le même conseil : « n’attends pas forcement le gros ours qui ne viendra peut-être pas, ou trop tard à la tombée de la nuit, ne laissant pas d’opportunité de tir…  Il faut avoir le bon feeling avec son ours, si c’est le cas, c’est le plus important » Je prends donc mon temps pour observer son comportement, je me dis qu’il n’est pas très gros et que sa fourrure en pleine mue n’est pas très belle. A ce stade, je décide de ne pas le tirer et de fait, la tension descend rapidement, mon rythme cardiaque s’apaise. Quelques courtes minutes s’écoulent et mon ours s’éloigne tranquillement, disparaissant aussi furtivement qu’il m’était apparu.

Je suis enthousiasmé par cette première rencontre, convaincu désormais qu’il ne tardera pas à revenir, voire qu’un de ses congénères, plus gros apparaisse à tout moment. Je suis excité, tous mes sens en éveil lorsque la pluie commence à tomber calmement pour enfin laisser place à un orage interdisant toute velléité de tir. Moi je suis au sec, mise à part une infime gouttière au-dessus de ma tête, je suis protégé du déluge. Je pense alors à Lionel et Alex. J’ai laissé mon poncho à ce premier mais je sais que notre Bowhunter vas encore se tremper jusqu’aux os… Franchement, encore quatre ou cinq heures comme ça à grelotter et sans doute ne rien voir (il semble que les ours soient moins actifs par grand vent sous la pluie, leurs sens étant moins fiables), ça va impacter le moral des troupes… La pluie durera effectivement longtemps. Quelques rares accalmies déclencheront aussitôt la valse des écureuils et de nouveaux lièvres feront leur apparition. Mais toujours pas d’ours depuis plus de trois heures… Le temps semble vouloir s’apaiser laissant même un rayon de soleil illuminer la zone. C’est le moment que choisissent 5 grands corbeaux pour me survoler et se percher à proximité avant de se décider à venir se poser au sol devant mon affût. Je les observe discrètement et constate qu’ils ne sont en aucune manière affectés par la présence de ma tente ou les effluves potentielles de mon Thermacell. Cela me rassure, si les corbeaux sont à dix mètres de moi et sont si tranquilles, cela présage de bonnes choses pour la suite, je sais que je suis ‘’invisible’’.

Une heure se passe encore, la vie autour de mon affût s’agite, les écureuils, les oiseaux, les lièvres… Je contemple ce tableau qui m’est devenu familier, mes sens sont comme en retrait, je contemple paisiblement lorsque tout à coup, tout mon corps et mon esprit sont secoués ! Il revient, c’est lui, c’est l’ours de toute à l’heure. Son attitude d’approche, sa grosse tête, son pas dodelinant, me donnent l’impression qu’il est plus massif que toute à l’heure. Pourtant sa toison clairsemée sur le flanc ne laisse que peu de place au doute, c’est lui. Durant toutes ces heures d’attente, j’ai eu le temps de réfléchir à une foule de scénarios. Si j’en vois plusieurs, si je les sens inquiets, si je vois un trop petit, si j’attends la dernière heure dans l’espoir de l’arrivée d’un gros, si j’attends demain, après-demain… La magie de la chasse, c’est que souvent rien ne se passe comme prévu. Mais j’avais envisagé le retour de cet ours, et après réflexion, si il se présente bien, si j’ai un bon feeling… Il est calme comme toute à l’heure, arrivé par le même layon, son rituel d’approche est sensiblement le même. Il contourne les lieux, prend le vent, puis rassuré, commence à manger. Il se tient idéalement de profil et tourne la tête vers la forêt. J’en profite pour saisir mon arc délicatement. Je m’applique à le ramasser au sol sans heurter ni le montant de ma chaise ni griffer le revêtement de la tente avec la lame de la flèche encochée. J’ai l’impression de jouer à docteur maboul, vous savez ce personnage dont on doit prélever des os sans toucher les parois sous peine que tout clignote dans un grand vacarme… Ces quelques secondes pour ramener mon arc à moi me demandent une acuité décuplée « surtout ne pas toucher, n’émettre aucun bruit.. » Ouf, l’arc est à la verticale devant moi. Je respire calmement, l’ours est devant moi et circule dans la zone. Toutes mes séquences sont fonction de son comportement. Dès qu’il tourne la tête à mon opposé, j’en profite pour parfaire ma position sur mon siège, monter mon arc. J’y suis, il à la tête de nouveau tournée, je me décide d’armer mon arc et prends la visée. A ce moment mon cœur frappe dans ma poitrine mais j’arrive à garder le sang-froid nécessaire pour aller plus loin. Je vise défaut d’épaule puis décale d’une largeur de main plus en arrière pour tâcher de traverser les deux poumons. Il est à 22 mètres, je presse la détente de mon décocheur. « Chlack !» Je vois ma flèche parcourir les quelques mètres qui nous séparent alors qu’il amorce un pas en avant. Trop tard pour lui, ma lame pénètre dans son flanc, je le vois se courber sur lui-même à l’entrée de ma flèche. Un jet de sang trahit le point d’entrée de ma lame. Un peu haute, un peu trop en arrière à mon goût.

Il part en trombe dans le bois et je tente d’évaluer la direction de sa fuite lorsque moins de trente secondes plus tard, j’entends le râle caractéristique d’un ours vivant ses derniers instants. Un nouveau râle dix secondes plus tard et puis plus rien. Le calme est revenu tout autour de moi sauf dans ma tête, je bouillonne fébrilement. Je sors de mon affût, encoche une nouvelle flèche et écoute aux alentours. Je tente d’envoyer un message pour prévenir Alex mais bien sûr ici pas de réseau. Je prends le temps de calmer mon excitation puis me décide à faire ma recherche. Je ne veux rien précipiter et surtout ne pas prendre le risque de le relever si d’aventure il n’est pas mort. D’abord parce que c’est le meilleur moyen de le perdre et qui plus est, je ne suis pas fan à l’idée de me retrouver nez à nez avec cet ours blessé, moi-même à quatre pattes entravé dans ce bois d’épinette. Pour autant je suis confiant. Ce cris émis tout à l’heure m’a été plusieurs fois décrit comme étant le dernier. Je fais ma recherche au sang, attentif au moindre indice, au moindre bruit éventuel. Quelques gouttes à l’impact me confirment la bonne pénétration de ma flèche. Je retrouve celle-ci fichée au sol quelques mètres plus loin. La couleur du sang sur les vannes me laissent à penser qu’il s’agit d’un tir de poumons. Pas de sang trop rouge, pas de résidu de graisse ou de muscle adhérent sur le tube… C’est bon signe ! Je suis la piste qui s’éloigne progressivement de l’endroit où j’ai entendu mon ours pour la dernière fois, mais je continu ma progression. Une goutte par ci par là, un frotté sur un baliveau… Les indices sont de plus en plus en plus difficiles à percevoir et après une trentaine de mètres, plus de sang visible. Jusque-là un tapis de lichens gris clairs tapissait le sol, facilitant grandement mes recherches, mais je suis désormais dans une zone de mousses sombres et humides en lisière du bois. Il est 20 heures passé et la luminosité est de plus en plus faible. Je décide de ne pas prendre le risque de polluer la piste en cas d’une éventuelle recherche avec un chien de sang. Je balise la dernière trace de sang trouvée puis contourne largement la zone pour me rapprocher de là où j’ai entendu mon ours tomber.

Je monte sur une roche qui me permet d’avoir une vision plus large de la zone, je décrypte mon environnement proche mais je ne vois pas mon ours. Je me rapproche progressivement de la zone estimée de son dernier souffle et me fie à mon expérience, je rentre ‘’dans le sale’’, c’est surement au travers d’une zone dense qu’il a dû essayer de se réfugier. Il ne me faudra pas longtemps pour le trouver. Il avait parcouru une boucle depuis son départ fulgurant, s’étant éloigné puis revenant sur le chemin qu’il avait dû emprunter pour venir (les guides m’indiqueront plus tard que c’est un comportement très habituel des ours qui cherchent à retrouver une zone de « sécurité », c’est bon à savoir…) Il n’aura en définitive parcouru que soixante-dix ou quatre-vingt mètres. La flèche est bien là où je pensais l’avoir vu pénétrer. De part et d’autres les poumons ont obstrués les trous générés par ma lame, ainsi, je comprends mieux pourquoi je n’avais que si peu de traces de sang sur la piste. Il est la posé sur le flanc. Tout est calme, je le contemple, le touche, prends le temps de vivre pleinement ces moments de forte intensité où l’excitation de retrouver son gibier se mêle au sentiment d’émotion d’avoir ôté la vie. Après quelques minutes de plénitude, précipité par l’attaque redoublée des moustiques et des mouches, je ramène mon ours vers le bord de la piste en attendant l’arrivée de mon guide."

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

MARDI 14 JUIN

Ce matin, encore levé le premier, vers 6 heures, je pars faire quelques photos au bord du lac et appeler ma compagne, le temps et gris mais il ne pleut pas, c'est déjà ça. Un couple de mouettes vient se poser à environ 80 mètres de moi.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Sur le retour vers le chalet, j'aperçois une masse grisâtre sur la bande d'herbe qui borde la droite du chemin qui revient vers l'accueil de la Sépaq. Je pense d'abord à une marmotte et tente une approche en longeant les conifères sur la gauche du chemin. Je m'aperçois vite qu'il s'agit d'un lièvre. J'avance doucement et stoppe quand il relève la tête. J'arrive ainsi sans mal à environ 10 mètres de lui.

Lièvre d'Amérique, Lièvre variable ou Lièvre à raquettes (Lepus americanus)
Lièvre d'Amérique, Lièvre variable ou Lièvre à raquettes (Lepus americanus)Lièvre d'Amérique, Lièvre variable ou Lièvre à raquettes (Lepus americanus)
Lièvre d'Amérique, Lièvre variable ou Lièvre à raquettes (Lepus americanus)

Lièvre d'Amérique, Lièvre variable ou Lièvre à raquettes (Lepus americanus)

En revenant vers le chalet, je sors à découvert et me rends compte que j'ai pris beaucoup de précautions pour rien, le lièvre ne s'occupe même pas de moi et continue son repas. Christophe me fait signe, il m'a vue en mode approche et a observé la scène en retrait. Plusieurs lièvres sont sortis autour des chalets et broutent tranquillement. A son réveil Mathieu prépare de délicieux pancakes au sirop d'érable et nous demande ce que nous voulons faire, nous avons le choix entre chasse à la marmotte ou pêche à la truite mouchetée (omble de fontaine). Nous décidons d'aller faire un tour à la pêche. Nous partons sur des pistes forestières que même Mathieu a du mal à suivre. Nous arrivons finalement au lac du "pas perdu" qui nous a été attribué par les agents de la Sépaq. D'autres pêcheurs sont déjà là et ont déjà accaparé les meilleures barques. Il ne reste que 2 barques remplies d'eau par les fortes pluies de ces derniers jours. Nous les vidons en écopant avec des petits bidons bouchonnés dont le font a été découpé pendant que Mathieu part chercher notre matériel à la voiture garée un peu plus haut. Les barques vidées nous les mettons à l'eau et chargeons notre matériel après avoir enfilé un gilet de sauvetage. Les autres pêcheurs équipés de moteurs électriques s'éloignent vite, nous partons à la rame pour nous éloigner un peu du bord. Les cannes à pêche sont équipées d'une plaque ondulante dorée ou argentée suivie d'un bas de ligne avec un hameçon. Christophe n'a quasiment jamais pêché, Mathieu nous explique comment enfiler nos demis vers de terre. Nous éloignons ensuite nos barques du bord et commençons à pêcher en lançant puis en ramenant. Christophe attrape 2 truites aux 2 premiers lancés. La chance du débutant ? J'en décroche plusieurs avant d'en ramener une. Nos compères peinent un peu plus à démarrer mais les premiers poissons ne tardent pas à mordre et les prises s'enchaînent. Les poissons mouchent tout autour de nous et nous signalent ainsi leur présence. À chaque lancer près d'une zone où un poisson vient de moucher, un poisson mort à l'appât. On croirait pêcher dans une pisciculture. Mon bas de ligne s'entortille souvent au-dessus de la plaque ondulante au moment du lancer, Mathieu me fait un nouveau montage et tout rentre dans l'ordre. Peu à peu, je comprends comment ramener et, quasiment à chaque lancer, j'ai une touche. Christophe doit ramer de temps en temps pour éviter que la barque ne dérive trop. Nous trouvons une bonne zone autour d'un gros rocher qui affleure dans le lac, à environ 40 mètres du bord. Nous gardons beaucoup de nos prises mais je relâche quelques poissons qui sont piqués juste au bord de la bouche. Il est vite l'heure de rentrer pour manger et nous préparer avant la chasse. Nous ramenons 21 truites et nous en avons péché une trentaine.

Une partie de pêche courte mais fructueuse

Une partie de pêche courte mais fructueuse

Sur le chemin du retour, j'aperçois un porc-épic qui remonte le talus du bord droit de route. J'arrête Mathieu et cours vers l'animal pour tenter de le prendre en photo. Sa démarche pataude ne lui permet pas d'avancer vite dans la mousse qui tapisse le bois et je le rattrape vite. Pour m'échapper, il grimpe alors à une épinette.

Porc-épic d'Amérique ( Erethizon dorsatum)

Porc-épic d'Amérique ( Erethizon dorsatum)

Je verrai ensuite plusieurs autres porcs-épics sur le borde la route. C'est un animal protégé au canada, il est réservé à la survie car c'est semble t'il le seul animal dont la viande peut se consommer crue, il est très facile à capturer et très abondant. Nous passons par une cabane à poisson, à l'entrée de la Sépaq, où nous devons déclarer nos prises et où se trouve tout l'équipement pour préparer les truites. C'est Lionel qui est un grand pêcheur qui s'y colle pendant que nous allons préparer le repas.

Mathieu a décidé de nous changer de poste. Lionel n'a rien vu hier et de mon côté, la grosse femelle doit certainement tenir les autres ours à distance. Christophe passera l'après-midi avec les guides pour voir leur travail. C'est à nouveau William qui sera mon caméraman. 2 chasseurs à la carabine nous suivent avec leur pickup et Mathieu leur montre leurs postes avant d'aller nous poster. En chemin, Christophe aperçoit un ours sur le bord de la piste et le signale, je l'aperçois furtivement dans un coupe-feu perpendiculaire à la piste. Il est petit, Mathieu stoppe un peu plus loin et me demande si je veux tenter l'approche. J'hésite un peu mais il est petit, de plus, je ne veux pas retarder mon ami Lionel et lui faire perdre du temps de chasse. Je décide de ne pas tenter ma chance. Mathieu nous laisse sur la piste au départ du sentier qui va à notre poste. Nous partons chargés. Je m'installe derrière une barrière de branches de sapin pendant que William part appâter. À son retour, il installe la caméra, nous nous asseyons sur nos chaises de jardin en plastique et l'attente commence. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Ce poste est plus plat et plus fourré que mon poste précédent, un penchant boisé, bordé par un ru bruyant, le délimite sur notre gauche, une petite bute longée par le sentier dégagé délimite l'autre côté. Le bois est très dense autour de nous puis s'éclaircit sur la zone des bidons qui sont à environ 16 mètres. Le balai des écureuils et tamias commence. Un lièvre arrive par notre gauche et nous contourne pour aller au bidon.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Plusieurs écureuils passent tout près de nous, l'un d'eux fait des allers retours entre son terrier à quelques mètres sur ma droite et le bidon pour faire ses réserves. Alors que nous regardons fixement vers le bidon, un léger craquement nous interpelle dans notre dos. Nous nous retournons doucement et apercevons un jeune ours qui vient certainement d'être éjecté par sa mère. Il s'avance d'un pas lent, plein travers, en humant l'air à 4 ou 5 mètres dans notre dos. Il regarde vers nous et nous détecte vite car nous sommes sous le vent. Il démarre en trombe et fonce dans le fourré avec un bruit de bois cassé. Il disparaît vite et le calme revient. William filme un écureuil qui nous observe sans bouger devant lui.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Vers 18 heures, un coup de carabine claque alors qu'il fait un beau soleil. Un des chasseurs que nous avons posté vient de prélever son ours. Au bout d'un moment, un mouvement m'interpelle à environ 30 mètres dans le fourré de gauche. Le petit ours est de retour, il s'avance un peu puis fait volte-face et s'enfuit au pas de course dans le fourré. Un moment passe, William allume la caméra et l'oriente à droite. L'ourson revient cette fois par la droite comme par magie, sans un bruit. Comment a t'il fait pour passer de la gauche à la droite sans se montrer ? Il a dû faire une grande boucle. Méfiant, il observe un moment vers nous puis il commence par lécher la confiture sur le bidon de droite, dressé sur ses postérieurs.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il part dans le fourré de droite, revient mange un peu, repart revient. Il est toujours en mouvement. Sachant qu'il va beaucoup pleuvoir en fin de semaine, j'hésite à le flécher mais me résonne vite. Je préfère rentrer bredouille que de tirer un ourson. Je tente tout de même de me lever sans être repérer pour tester au cas où un gros arriverait plus tard, l'ourson ne m'a pas vu et je l'observe un instant debout, caché derrière un sapin avant de me rassoir doucement. Il part et revient régulièrement entre ses prises de nourriture.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Debout sur ses pattes arrlère, il fait tomber au sol le bidon de gauche qui était debout puis finit par rentrer dans le bidon de droite posé au sol. On ne voit plus qu'un petit bout de patte arrière, un écureuil sautant sur le bidon va l'affoler, le faire sortir en trombe et disparaitre dans le fourré de droite.

L'attente recommence, le lièvre revient au bidon et mange tranquillement. La luminosité baisse, le vent a tourné vers le bidon, ce n'est pas bon. Brusquement le lièvre détale mais vient vers nous et passe juste à notre droite. Je comprends que quelque chose se passe. J'attrape mon arc, un mouvement attire mon regard à environ 80 mètres dans une zone dégagée derrière le bidon, une énorme masse surgit du fourré. Un très bel ours s'avance vers le bidon et tourne dans le bois clair en humant l'air, nez en l'air. Il part sur la gauche, revient sur la droite, repars sur la gauche mais reste à environ 40 mètres puis s'éclipse tranquillement. Il nous a repéré. La nuit tombe vite, nous rassemblons nos affaires et retournons à la piste pour attendre Mathieu. Dès qu'il arrive avec Christophe, nous partons chercher Lionel qui nous attend au bord de la piste. Il a tiré, Mathieu est fou de joie mais Lionel n'est pas serin. Il était posté sur une plateforme à environ 15 mètres du bidon et 3 mètres du sol. 30 minutes après son installation, un jeune ours est arrivé sur sa gauche, vu qu'il lui restait encore 4h30 d'affût, il l'a laissé passer en espérant en voir un plus gros. 10 minutes plus tard, il est reparti en trombe et, immédiatement, est arrivé un ours plus gros avec un collier blanc. Il a décidé de le tirer mais après quelques minutes sans lui donner de possibilité de tir, il est reparti  tranquillement.  Le temps était ensoleillé, il faisait chaud et les moustiques et les mouches noires étaient très présents, les conditions étaient réunies pour que les ours circulent, il avait bon espoir pour la suite. Après ces émotions, il s'est assoupi un court instant tout en écoutant la nature. Quand il a rouvert les yeux, un bel ours arrivait sur une des coulées face à lui. Arrivé aux appâts, il s'est assis et a commencé à manger. Pendant ce temps, un jeune ours est arrivé sous la plateforme, concentré sur l'autre ours, il ne l'avait pas vu arriver ni entendu. Ce jeune ours a commencé à renifler l'échelle puis s'est redressé jusqu'à la deuxième marche, Lionel a commencé à se demander s'il n'allait pas monter le rejoindre mais l'ours a fini par repartir tranquillement et disparaître. Après 10 minutes, l'ours au bidon s'est redressé pour contourner les appâts. Lionel a armé son arc et l'a suivi dans son viseur. L'ours a stoppé à moins de 15 mètres, avec un léger 3/4 face. La visée calée, il a décoché. A l'impact, l'ours a sursauté et démarré à vive allure pour disparaître dans la végétation. Lionel est resté un moment à l'écoute mais n'a pas entendu le cri de mort. Une heure plus tard, il est descendu pour contrôler sa flèche, le sang sur les vannes et le fût lui ont paru très clair et il n'a pas trouvé de sang au sol ce qui lui a fait penser que sa flèche n'était pas bonne. Sans réseau téléphonique pour nous prévenir, il est remonté sur sa plateforme en attendant la nuit. En fin de soirée, un énorme ours est venu au bidon. 

Il n'est pas confiant, sa flèche lui semble trop haute et trop en avant. Nous partons chercher son ours. Lionel nous montre sa flèche plantée au sol. Vu ses explications et la viande présente sur le fût et les vannes, je ne suis pas confiant, cela ressemble à un tir dans les muscles du dos. Nous cherchons des indices dans la direction de fuite mais rapidement les coulées se multiplient et rien, pas une goutte de sang. Je tombe sur de magnifiques orchidées, la même variété que Christophe avait prise en photo lors de sa chasse d'hier. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Christophe a trouvé une touffe de poils près de la zone du tir. Nous tournons un moment sans succès, je retourne au départ et remarque des traces de griffes au sol qui correspondrait aux traces laissées par un ours à la course. Un peu plus loin, je trouve un poil coincé dans une souche posée sur la coulée puis plus rien. Nous décidons d'arrêter là pour une éventuelle recherche au sang demain matin. Mathieu marque les indices avec des rubans puis prends une photo de la flèche. Lionel est dépité et nous partageons sa peine, nous pensons son ours perdu. L'ambiance est morose sur le retour.

MERCREDI 15 JUIN

Ce matin, un soleil radieux brille, ce sera la plus belle journée de la semaine. Je pars faire mon tour matinal près du lac pour appeler ma compagne en attendant que les collègues se lèvent. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Un huard se promène tranquillement sur le plan d'eau.

Plongeon huard (Gavia immer)

Plongeon huard (Gavia immer)

Je retourne au chalet et attrape mon arc pour m'entraîner un peu. Mes tirs à 15, 20, 25 et 30 mètres sont parfaits. Cela me met en confiance si je dois prendre un tir ce soir. Mes amis se lèvent, Lionel est dépité mais hier soir Mathieu semblait prêt à le laisser rechasser aujourd'hui. A son réveil, il contacte une référence de la recherche au sang et lui envoie la photo de la flèche. Juste en voyant la photo, il nous annonce se le tir est de 3/4 face ce que confirme Lionel, mais pour lui le 3/4 face était peu prononcé. Il annonce à Mathieu que pour lui l'ours est mort car il a repéré des traces de liquide sur les vannes qui ne seraient pas là si c'était une flèche de muscle. Mathieu le remercie et appelle une conductrice de chien de sang qui va venir faire la recherche ce matin. Si elle retrouve l'ours c'est un happy-end, si elle ne le trouve pas, il accepte de laisser chasser Lionel en lui expliquant qu'il ne fait jamais ça d'habitude. Du coup, Lionel sort s'entraîner, je repère alors un morio, papillon que j'ai vu à chaque fois que je suis venu au Canada alors qu'il est très rare en France. Ses ailles sont abimées et décolorées. Il tourne autour des boulots dont il se nourrit de la sève.

Morio ou Manteau royal (Nymphalis antiopa)
Morio ou Manteau royal (Nymphalis antiopa)Morio ou Manteau royal (Nymphalis antiopa)

Morio ou Manteau royal (Nymphalis antiopa)

Après manger, nous partons pour la chasse. Les porcs-épics sont à nouveau de sortie et j'aperçois un très jeune orignal solitaire marchant dans le ruisseau qui longe la route. En route, la nouvelle tombe, l'ours de Lionel a été retrouvé. Il avait fait environ 400 mètres et était revenu mourir à environ 40 mètres du poste. La flèche était plus en arrière que ce que pensait Lionel et avait touché l'estomac.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Nous sommes tous soulagés et tellement heureux. Du coup, mes amis vont passer l'après-midi avec les guides et je serais le seul à chasser. Tout le monde me dit que c'est la meilleure journée pour chasser et essaie de me remotiver car je commence à me dire que je ne ferai pas mon ours. Nous posons mes amis au chalet des guides puis partons pour mon nouveau poste de ce soir. En route, Mathieu me dit de faire une prière en demandant à son frère Spart, qui nous a malheureusement quitté cette année, de m'amener un bel ours au poste. Quand nous arrivons sur place les guides reviennent à leur pickup. Ils ont appâté la zone. Le timing est parfait, le vent semble bon. Nous partons nous poster. Les barils sont sur la droite d'un large coupe-feu bien dégagé dans le bois très épais. Le poste est aménagé de l'autre côté du coupe-feu, plus en retrait, au sommet d'une bute, rentré dans la végétation, derrière une barrière en branches de sapin. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Un coup de télémètre, 21 mètres, c'est un peu loin mais bon, je suis capable de tirer à cette distance par contre de ma position. Mathieu me demande d'essayer de me lever et de tester l'arment de mon arc. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Assis sur mon fauteuil, je ne vois presque pas les bidons. Je dois me pencher en avant ou me lever pour cela. Mathieu sur ma droite a une bonne vue sur les barils, il a calé sa caméra. Je fais ma prière silencieuse à Spart en fermant les yeux. L'attente commence sous un beau soleil mais un vent soutenu tournant souffle. Ce n'est vraiment pas bon.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Un bruit étrange se fait entendre en face du poste dans le bois, quelque chose tape sur un tronc et nous pensons à un pic-bois mais un bruit de frotté se fait ensuite entendre. C'est peut être un ours. Des bruits de pas se font maintenant entendre sur ma gauche. Nous nous tenons prêt mais les craquements stoppent puis plus rien. Nous étions à mauvais vent et l'ours a dû nous repérer. Dans la soirée, nous entendons plusieurs fois du bruit dans le bois mais rien ne sortira. Ce vent tournant est un cauchemar. Alors que seulement quelques mouches tournent autour de Mathieu, nullement importuné par mon Thermacell, un gros vol de ces bestioles essayant régulièrement de me piquer et de rentrer dans mes yeux jouera avec mes nerfs toute la soirée. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

En fin de soirée, des geais bleus viennent animer le secteur de leurs cris. Plusieurs oiseaux tournent sur le secteur et se posent d'arbre en arbre, faisant régulièrement des vols acrobatiques pour capturer des insectes. 

Geai bleu (Cyanocitta cristata)
Geai bleu (Cyanocitta cristata)Geai bleu (Cyanocitta cristata)

Geai bleu (Cyanocitta cristata)

Je comprends vite qu'il s'agit d'un couple et de leurs petits qui viennent de quitter le nid. Après avoir saisi un gros insecte, un des adultes part nourrir un des jeunes posé au bout d'une branche d'épinette.

Geai bleu (Cyanocitta cristata) Adulte à droite nourrissant un jeune
Geai bleu (Cyanocitta cristata) Adulte à droite nourrissant un jeuneGeai bleu (Cyanocitta cristata) Adulte à droite nourrissant un jeune
Geai bleu (Cyanocitta cristata) Adulte à droite nourrissant un jeune

Geai bleu (Cyanocitta cristata) Adulte à droite nourrissant un jeune

La nuit s'installe doucement et aucun ours ne s'est montré, la pluie est annoncée pour les prochains jours, je n'y crois plus. Nous rentrons et retrouvons mes amis qui ont passés une super après-midi avec les guides.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Lionel en a profité pour faire de belles photos de son ours qui est magnifique.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Mes amis ont mangé un bon repas et boivent des bières avec les guides. Ils sont dégoûtés pour moi mais c'est aussi ça la chasse. Beaucoup de Français considérent la chasse à l'ours comme une chasse facile et sans intérêt. Je faisais partie de ces personnes mais je me suis rendu compte que cette chasse n'est pas si facile que ça et le biotope du Québec, très fermé, complique énormément la chasse à l'approche que j'aurai aimé pratiquer.

JEUDI 16 JUIN

Il a beaucoup plu cette nuit et il pleut encore ce matin, l'orage gronde. Ça s'annonce mal pour la chasse d'aujourd'hui. Je profite d'une accalmie pour aller au lac comme tous les matins, plusieurs canards ressemblant à des garrots à œil d'or font des boucles entre le lac et notre chalet. A son réveil, Mathieu m'annonce que je vais encore changer de poste. Je vais aller au poste "l'écorce" qu'il se réservait pour sa chasse. Je serai dans une tente d'affût qui me protègera de la pluie. C'est une première pour moi. De plus, on m'annonce que je serais posté entre 20 et 25 mètres du baril ce qui m'inquiète un peu. La pluie se calme et le soleil fait même une percée sur une partie de la matinée mais la pluie fera son retour avant le départ pour la chasse. Je devrai filmer ma chasse seul car on ne peut pas rentrer à 2 avec les caméras dans la tente. Mathieu me prête donc une caméra et un trépied. Pour Midi, Lionel nous prépare nos truites, pêchées l'autre jour, en papillote avec des épices Chassomaniak, un vrai régal.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

C'est Michel et Styve, 2 des guides qui vont m'amener au poste car Mathieu doit s'occuper de d'autres clients cette après-midi. En chemin, nous discutons chasse, les canadiens semblent très intéressés par la chasse du sanglier. Nous stoppons au départ du sentier de mon poste. Pour le moment, il ne pleut pas mais le temps est menaçant. Ils me laissent passer devant au cas où un ours serait déjà là. J'encoche une flèche et prends le chemin.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Un peu plus loin, je remarque un sentier sur la gauche. Je me retourne vers les guides qui me font signe de prendre ce sentier au bout duquel j'aperçois le baril.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je m'avance un peu et stoppe en cherchant mon poste que mes guides me montrent. J'étais juste devant mais je n'avais pas vu ma tente d'affût camouflée derrière moi par des branches de sapin.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Pendant que mes guides appâtent au bidon et remettent les branches pour boucher le trou d'accès latéral, Je cherche comment on rentre dans cette tente et trouve une fermeture éclair à l'arrière. Je l'ouvre rentre avec mon matériel, la valise de ma caméra, son trépied et mon fauteuil puis tente de m'installer. Je commence par ma chaise pliante mais je me rends vite compte qu'elle est trop basse, même en ouvrant la fenêtre au maximum ma flèche va toucher la toile au moment du tir. Impossible de tirer debout ou à genoux, je trouve finalement la solution. Je pose la mallette de la caméra sur mon siège mais je suis encore un peu bas, je retire mes 2 vestes et les pose sur la mallette ce qui me fait gagner les quelques centimètres qui me manquaient. Mon assise n'est pas très confortable et pas très stable mais je n'ai pas d'autre option. Je tente d'armer plusieurs fois mon arc et vérifie ma distance de tir, le bidon est à 21,5 mètres. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Très affairé, je n'ai même pas vu partir mes guides et oublié d'allumer mon Thermacell, la tente est pleine de moustiques qui m'assaillent. Je me dépêche de l'allumer mais les ils mettront plusieurs minutes à s’éloigner. Je tente ensuite de mettre en place la caméra, devant la fenêtre ou en arrière de moi, elle me gêne beaucoup pour armer et viser. Je me résous à la replier mais Mathieu compte sur moi pour filmer ma chasse. Je tente une dernière fois et parviens à la caler sur ma gauche dans le coin de la fenêtre. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

J'essaie l'armement de mon arc, ça a l'air bon. Je remarque alors que le centre du couloir de tir a été mal nettoyé. Plusieurs branches dépassent du sol à hauteur du poitrail d'un ours, j'hésite à aller dégager le centre mais j'ai tout de même de belles fenêtres de tir de part et d'autre du bidon. Comme la veille, je fais une prière en demandant à Spart de m'envoyer un ours. Cette fois c'est bon, je suis prêt. Le balai des écureuils et tamias a déjà commencé.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Certains rentrent directement se servir dans le bidon en suivant les branches qui ferment l'entrée mais pas suffisamment pour eux. J'entends le vent qui souffle dans mon dos mais, curieusement, il ne souffle pas devant moi. La pluie ne tarde pas à faire son entrée, un déluge s'abat sur la tente. Le bruit des grosses gouttes sur la toile tendue est assourdissant et je crains que ce bruit n'affole les ours. 

La pluie finit par s'arrêter et le soleil tente même une percée. Je teste la caméra en filmant les écureuils et me rends compte qu'elle s'éteint seule, au bout de quelques minutes, si on ne filme pas. Le problème est qu'elle fait une sorte de "clac" quand on la rallume. J'essaie donc de la garder allumée, en espérant que la batterie va tenir, en touchant régulièrement l'écran tactile mais, un peu avant 18h15, la caméra se met en veille, il le faut la relancer. Le clac retentit ce qui me fait grincer des dents, j'espère qu'un ours n'a pas entendu. Je scrute attentivement le paysage. Beaucoup de moustiques reviennent, je comprends vite que mon Thermacell s'est éteint, il a pas mal de ratés depuis qu'il a pris la pluie lors de ma première chasse. Je le rallume vite et les moustiques ne tardent pas à déguerpir. A 18h15, alors que je regardais à gauche, j'aperçois un mouvement du coin de l'œil. Une masse noire arrive par la droite au bidon. C'est un ours, il n'a pas fait un bruit, il me semble maigre et très haut sur patte, ce n'est pas l'ours de mes rêves mais c'est certainement ma chance de ne pas rentrer bredouille. J'allume vite la caméra. Il passe derrière le bidon, fait demi-tour sur la gauche de ce dernier, s'assoie puis se couche pour manger tranquillement.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il se rassoie, hume le bidon puis se dresse sur ses pattes arrière pour coucher le bidon au sol. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Le bidon couché, il le contourne par la gauche pour venir se recoucher plein travers, tête à droite en avant du bidon sur la droite de ce dernière. On nous a déconseillé de tirer un ours couché et de toute façon la zone vitale est partiellement masquée par les bouts de branches dont je parlais tout à l'heure.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il mange tranquillement la nourriture tombée au sol puis se relève, contourne le bidon par la droite pour se recoucher sur la gauche, en arrière du bidon et manger tranquillement.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il saisit, dans sa gueule, la corde qui retient le bidon à un arbre. Il tire vivement dessus mais ne parvient pas à la rompre.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il la lache et se redresse sur ses pattes arrière pour placer le bidon sous son ventre et tenter de le tirer à lui.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

N'y parvenant pas, il commence à coup de patte, à extraire les bouts de bois qui ferment l'accès au bidon.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Il bouge sans cesse mais, brusquement, il s'immobilise plein traver, tête à droite, j'arme mon arc qui touche légèrement le trépied de la caméra mais l'ours n'a rien entendu.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je prends la visée et décoche. Au même moment, l'ours pivote à gauche, ma flèche l'atteint à la cuisse,

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

je suis effondré mais dès l'impact un gros jet de sang jaillit de sa cuisse et j'ai bon espoir d'avoir touché l'artère fémorale. L'ours fonce dans le bois de cul. J'aperçois ma flèche fichée au sol un peu après la zone du tir. Peut-être que ma flèche aura touché autre chose. Je ne suis vraiment pas serein. J'attends un moment en tendant l'oreille mais je n'entends pas le cri de mort caractéristique précédent la mort de l'ours. Ma flèche est plantée au sol sur la gauche du bidon.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je visionne ensuite la vidéo de mon tir qui confirme ce qu'il me semblait avoir vu. J'attends un peu puis sors de la tente, la luminosité étant trop faible à l'intérieur, pour filmer ma réaction à chaud comme me l'avait demandé Mathieu. J'attends encore un peu puis pars vérifier ma flèche. À l'impact, l'ours a perdu beaucoup de sang tombé au sol.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Les écureuils et les tamias continuent à manger juste à côté de moi comme si de rien n'était.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Ma flèche est rouge de sang. Du sang coagulé est collé au vannes. En passant l'ours a aspergé les feuilles au-dessus de ma flèche.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je suis, sur environ 15 mètres, la piste de sang abondante qui tourne vers la droite en suivant une belle coulée.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Le sang était difficile à voir sur la terre et les arbres mouillés mais la coulée et maintenant tapissée de mousse qui fait bien ressortir le sang. La piste est incroyable, mon ours a perdu beaucoup de sang.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je retourne patienter un moment à la cache mais ne résiste pas bien longtemps à aller faire ma recherche. Je prends la caméra et mon arc pour filmer ma progression. Je reprends du premier sang et suis la piste pour arriver là où j'avais arrêté. La suite de la piste est aussi très marquée et presque ininterrompue. Elle suit un chemin d'ours. Après environ 50 mètres, j'aperçois une masse noire derrière un sapin et exulte de joie : " Mon ours est mort". Je le rejoins rapidement en contournant le sapin. Il est allongé sur le flanc et semble mort dans sa fuite, il n'a pas eu le temps de souffrir. Ma flèche a bien sectionné la fémorale comme je l'espérais et a traversé le muscle de la patte avant opposée. Je m'agenouille à ses côtés et le caresse en pensant fortement à Spart. Je n'y croyais plus et demain de fortes pluies sont annoncées. Je ramène mon ours près du baril puis pars chercher mon appareil photo pour faire quelques photos souvenir mais je n'arrive pas à avoir ce que je veux. Je me dis que je recommencerai plus tard en attendant les guides qui n'arriveront pas avant 20h30. Je retourne à la tente. Range toutes mes affaires et pars les amener au bord de la piste, je garde juste mon arc et retourne chercher mon ours pour l'amener également près de la piste. En chemin, je trouve une zone dégagée au bord du sentier, j'y dépose mon ours pour reprendre ma séance photo.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Je le ramène ensuite au bord de la piste pour attendre les guides qui m'ont dit qu'ils feraient un passage vers 20h30 ou 21 heures au cas où j'aurais fléché tôt. Arrivé sur la piste, mon Thermacell s'est encore éteint et les moustiques et mouches noires me harcèlent. Je le rallume ce qui fait fuir les moustiques mais les mouches noires vont encore me tourner autour jusqu'à l'entrée de la nuit et je dois fermer ma cagoule et garder les mains aux poches pour ne pas être piqué.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Alors que je fais les cent pas sur la piste, je remarque des traces de loup qui ne semblent pas vielles, il semble que 2 animaux soient passés par là.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Michel et Styve arrivent finalement après 21 heures. Il me demande tout de suite si j'ai fait quelque chose et, à mon sourire, ils comprennent vite. Ils descendent du pickup et me félicitent avant de me demander s'il faut aller le chercher, je leur montre alors mon ours au bord du chemin. Michel me dit en souriant qu'en m'entendant parler de chasse tout à l'heure, il s'était dit que, si j'avais fléché, j'aurais fait ma recherche seul et ramener mon ours. Je lui réponds que je veux également le vider et le peler moi-même. Nous le chargeons ainsi que mes affaires avant de rentrer. Je les remercie plusieurs fois pour tout ce qu'ils ont fait pour nous. Ils ont tout fait pour nous faire tuer nos ours et vivent la chasse avec nous, le poste de "l'écorce" où j'étais aujourd'hui était même destiné à la chasse de Mathieu qui me l'a gentiment laissé. Toute l'équipe des guides est super sympa et nous avons passé beaucoup de bons moments avec eux. Sur le retour, un orignal traverse dans les phares, Michel m'annonce que c'est le sixième qu'il voit aujourd'hui. Quand nous récupérons le réseau téléphonique, Michel averti Mathieu de ma réussite mais fait croire aux autres guides, qui sont avec Lionel et Christophe, que je n'ai pas tué mon ours. Il me demande de faire croire à tout le monde que je n'ai pas fléché en arrivant à la cabane des guides. Alors que nous suivons maintenant la grande route, nous croisons plusieurs porcs-épics dont un qui a été écrasé par un véhicule. Mes amis m'accueillent dépités devant la cabane et me demande : "Alors ? "Je leur réponds : "Alors rien, rien vu", en essayant de garder mon sérieux. Heureusement pour moi, l'éclairage n'est pas bon dehors mais, en rentrant dans la cabane, tout le monde m'assaille de questions et je ne peux pas garder une mine dépitée très longtemps. Je dis à Lionel qui est vraiment dégoûté : "Va voir dans le coffre". Ce dernier me traite de tous les noms avant de partir voir mon ours. Mes amis sont tellement heureux pour moi, ça fait chaud au cœur. Ils avaient du mal à se dire que nous allions rentrer sans que je fasse mon ours. Une belle assiette de filet mignon d'ours et de viande d'orignal accompagnée de salade et de pommes de terre m'attend, mes amis ont déjà mangé avec les guides, plus tôt dans la soirée. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

C'est vraiment délicieux, merci à Michel qui a cuisiné ce repas. Nous discutons un moment devant le pick up et mon ours avant de rentrer. Alors que je dis aux guides que je ne suis pas fier de ma flèche et que j'aurai préféré faire mon ours avec une belle flèche, ils me rétorquent que mon ours est fait et que c'est bien là le principal. En observant les dents de mon ours, ils sont impressionnés par la taille des crocs, ils n'ont jamais vu de crocs si gros. Personnellement, je n'ai pas de point de comparaison mais il semble que mon ours, malgré sa taille modeste, ait un trophée exceptionnel. Les guides avaient remarqué, sur ce poste, des traces de crocs impressionnantes sur le bidon et pensaient qu'il s'agissait d'un très gros ours mais ils ont le coupable devant les yeux. Il me tarde de voir le crâne préparé pour pouvoir mieux apprécier mon trophée. Les guides ont été si gentils avec nous que nous décidons de leur proposer de venir chasser en France cet hiver. Je pars ensuite poser et vider mon ours à la chambre froide. Il est temps de retourner au chalet pour une bonne nuit de sommeil, ce soir les esprits sont plus sereins et je suis vraiment soulagé de ne pas avoir à chasser demain sous la pluie.

VENDREDI 17 JUIN

Ce matin nous devons quitter notre chalet. Les agents de la Sépaq ont fait une erreur de réservation. Mathieu nous propose de prendre un autre chalet ou de venir manger chez lui ce soir et de passer la nuit dans un hôtel en ville. Nous choisissons la seconde option, nous préparons nos valises et rangeons le chalet avant un brin de ménage puis nous partons pour la chambre froide où je vais dépecer mon ours car je tiens à vivre ma chasse jusqu'au bout. Nous en profitons pour faire quelques photos souvenir. 

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022
Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

J'hésite encore à le faire naturaliser et commence à le dépecer délicatement en attendant que Mathieu se renseigne sur les tarifs. Après un petit moment, il m'annonce un prix correct mais le prix de la livraison en France me décourage. Je finis de dépecer mon ours en compagnie de Lionel alors que Christophe part avec Mathieu. Il me faudra environ 30 minutes pour peler mon ours, je récupère ensuite la tête et le bout des pattes. Avec mes amis, nous avons décidé de faire préparer nos crânes et les griffes de nos ours. La viande de nos prises sera distribuée à des gens dans le besoin grâce à l'organisation Chasseurs Généreux, partenaire de la Fédération des Chasseur du Québec comme je l'avais demandé à Mathieu avant notre séjour.

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Nous attendons ensuite Mathieu et Christophe devant la chambre froide mais les attaques de moustiques et de mouches noires nous contraignent à nous réfugier dans un bâtiment de stockage de matériel de la Sépaq. Il commence à pleuvoir, ils finissent par arriver. Il nous faut encore déclarer mon ours et celui de Christophe pour pouvoir faire traiter les trophées chez un taxidermiste. Michel a enregistré celui Lionel hier mais il semble que Christophe ait un problème de concordance entre son nom et son adresse. Nous allons luter un moment avec l'administration pour parvenir à enregistrer l'ours de mon ami, mon enregistrement sera plus simple. Nous partons maintenant pour la maison de Mathieu qui vit à la campagne, entouré de cerfs de Virginie et de dindons sauvages. Nous apercevons d'ailleurs une biche dans une prairie près de chez lui. En arrivant, nous rencontrons ses fils et son épouse qui chasse également. La maison est richement décorée de trophées de chasse canadiens qui me font rêver, cerfs de Virginie, orignaux, caribou, ours et dindons. Nous faisons connaissance avec son fils aîné pendant qu'il prépare le repas avec son épouse, du salon nous pouvons voir une belle rivière qui coule devant chez Mathieu et sur laquelle sont posées des bernaches et des canards. Un orage très violent s'abat sur le secteur, je n'aurai pas aimé être dessous, les averses se sont succédées toute la journée, entrecoupées de périodes ensoleillées. Il nous a concocté une fondue chinoise qui consiste à cuire des morceaux de viande d'orignal et de cerf de Virginie dans un bouillon de boeuf au bout d'un pique. Un vrai délice, nous passerons une superbe soirée avant que Mathieu nous amène à notre hôtel.

Chasse à l'ours noir canadien dans la Réserve Faunique des Laurentides avec Chassomaniak, 16 juin 2022

Après une nuit de sommeil, nous cherchons un endroit pour prendre notre petit déjeuner et trouvons une épicerie/restaurant Pères Nature (PN) où nous prendrons un bon repas et pourrons acheter quelques spécialités à ramener chez nous. (Une très bonne adresse à conseiller)

Nous rentrons ensuite à l'Hôtel attendre Mathieu qui viendra nous chercher pour nous amener à l'aéroport de Québec. Après un vol sans encombre jusqu'à Paris, nous arrivons à 5h45, je me rends compte que le temps pour prendre notre correspondance de 6h35 est très limite. Le débarquement semble prendre des lustres, nous sortons de l'avion vers 6 heures. Nous courons le plus vite possible en nous frayant un passage entre les passagers en transit et arrivons, au contrôle avant l'embarquement, sur une file d'attente interminable. Le temps d'attente nous semble incroyablement long, une fois passés, nous reprenons notre course effrénée pour arriver juste à la fin de l'embarquement. L'avion est presque vide, beaucoup de voyageurs n'ont pas eu autant de chance ou n'ont pas couru aussi vite que nous. Je suis trempe de sueur mais dans une heure nous serons à Toulouse et un peu plus de 2 heures, je serai chez moi.

Un immense merci à toute l'équipe des guides Chassomniak pour leur gentillesse et leur professionnalisme, un immense merci également à Mathieu Pouillot pour son accueil et les supers moments de rigolade passés ensemble. Cette chasse à l'ours aura été riche en émotions et en superbes rencontres dans un territoire fabuleux avec une très belle densité d'ours. Moi qui ne me voyais pas chasser l'ours à l'appât, je réfléchis déjà à quand je pourrai revenir. Une destination que je conseille vivement à qui veut s'essayer à cette chasse.

Alex

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26 octobre 2017 4 26 /10 /octobre /2017 18:00

Cette année, j'ai décidé de réaliser un de mes rêves, aller chasser l'orignal à l'arc au Québec. Je me suis vite retrouvé perdu au milieu de toutes les offres des pourvoiries et des agences de voyage de chasse. Je me suis aussi vite rendu compte que l'arc n'était pas souvent cité comme arme de chasse pour cette espèce. C'est finalement un de mes contacts Facebook, Frank Poirson d'Esprit Sauvage qui m'a trouvé la pourvoirie du lac Suzie en Abitibi, gérée par Serge Dapra. C’est un domaine de 200 km², dans la zone 13, ponctué de lacs et couvert de forêts, où l'on peut chasser l'orignal (Alces alces americana), l'ours noir (Ursus americanus) mais aussi le tétra canadien (Falcipennis canadensis),

Mâle du tétra canadien, les tétras et gélinottes sont appelés perdrix au Canada

Mâle du tétra canadien, les tétras et gélinottes sont appelés perdrix au Canada

la gélinotte huppée (Bonasa umbellus) et le lièvre variable (Lepus americanus). Serge, chasseur à l'arc, accepte les archers ce qui n'est pas le cas partout car notre mode de chasse plus difficile augmente les chances d'échec et fait baisser les statistiques de prélèvement qui sont la vitrine d'une pourvoirie. Il m'a proposé une chasse, entre de 23 septembre et le 8 octobre (pendant la période de rut de l’orignal). Nous avons régulièrement discuté sur Facebook ou par téléphone pour préparer mon séjour et, très honnête, il m'a averti que la chasse à l'orignal n'était pas gagnée d'avance et qu'elle nécessitait une bonne condition physique. Il n'a pas essayé de me vendre du rêve mais m'a présenté objectivement ce qui m'attendait, je savais donc avant de partir que mon prélèvement ne serait pas garanti mais c’est aussi comme cela que je conçois la chasse. Au niveau matériel, j'ai opté pour mon nouveau Hoyt Carbone Défiant Turbo réglé à 70 livres en prévoyant tous mes accessoires en double (viseur, visette, carquois, repose flèche, cordelette à D-loop et décocheur). Pour mes flèches équipées de trilames fixes Q.A.D Exodus pour l'orignal et de Cut Edge pour le petit gibier, mon ami Arnaud de chez HAVA Archerie m'a conseillé de partir avec des tubes Full Métal Jacket qui sont plus solides que ceux que j'utile habituellement, j'ai donc dû revoir mes réglages. J'ai prévu, sur les conseils de Serge, des vêtements pour les temps chauds et froids, en privilégiant les vêtements superposés qui ont l'avantage d'une plus grande flexibilité en cas de réchauffement des températures durant la journée et d'être moins gênants durant le tir qu’une grosse veste. L'orignal fréquente souvent les zones humides et une paire de bottes confortables pour pouvoir marcher sur de longues distances est indispensable. Ma prise en charge se faisant à Clova, Il m’a fallu gérer mes réservations des billets d’avion et de train ainsi que les nuits d’hôtel pour le jour d’arrivée et la veille du départ. J'ai également dû acheter mes permis de chasse pour l'orignal et le petit gibier par téléphone, dans une armurerie où Serge est allé les récupérer avant mon arrivée. Attention, depuis quelques années, en plus du passeport, pour tout séjour au Canada (loisirs, affaires ou transit), une AVE (Autorisation de Voyage Electronique) est obligatoire et valable pour une durée de 5 ans, il suffit pour cela de se rendre sur le site internet dédié avec une carte de crédit pour répondre à un questionnaire.

Le 21 septembre, après un vol sans problème, j’arrive à Montréal vers 14h, heure locale. Il fait très chaud dans l'aéroport, je me demande pourquoi il est autant chauffé jusqu'à ce qu'en sortant je me rende compte qu'il fait encore plus chaud dehors. Cette température de plus de 35 degrés est anormale pour la saison bien que ce soit l'été indien. J'appelle mon hôtel, on m’envoie une navette qui me conduit en quelques minutes au Quality Hôtel situé dans une zone industrielle, pas terrible comme première vision du Canada. L'hôtesse d'accueil m'indique que leurs navettes ne desservent pas la gare mais que, de l'aéroport, je pourrai prendre une correspondance vers la gare. Mon train étant prévu à 8h15 à la gare de Montréal, je m'inquiète un peu de l'heure matinale de mon départ mais l'hôtesse me tranquillise en m'annonçant que ma navette est réservée pour 7 heures et que j'aurai largement le temps d'aller à la gare. Après une courte nuit perturbée par le décalage horaire et mon déjeuner pris, je prends la navette qui me conduit à l’aéroport vers 7h45. Apercevant une navette VIA RAIL, je récupère mes bagages et fonce vers elle. Le chauffeur m'annonce qu'aucune navette ne dessert la gare de Montréal et que, même s'il le voulait, il ne pourrait jamais y être pour 8h15. Son service se termine dans quelques minutes mais il me propose de me conduire au central VIA RAIL où 2 employés regardent où en est le train. Ils me confirment qu'il sera parti de la gare de Montréal avant mon arrivée mais qu'il me reste une chance de l'avoir en le rattrapant plus loin à une autre station. Heureusement, un chauffeur de taxi boit son café à une table derrière moi et me conduit à cette station où le train arrive vers 9 heures. Mon séjour commence bien ! Je m'installe dans le train où je vais passer de nombreuses heures avant d’arriver à Clova et remarque immédiatement un tableau représentant un orignal en ombre chinoise. C'est peut être un signe pour mon futur séjour. 

L'orignal est déjà présent dans le train

L'orignal est déjà présent dans le train

Les paysages, en sortant de la ville, sont composés de plaines plantées d'immenses champs de maïs qui font peu à peu place à des collines couvertes de bois à perte de vue. Le secteur n'a pas encore mis ses couleurs d'automne, les feuillages sont encore bien verts. Je fais la connaissance d’un ancien agent du chemin de fer qui connaît le secteur comme sa poche et s'improvise guide en m'expliquant tout sur tout à mesure de notre avancée : le nom des villages, leur histoire, les lacs, la faune... Les immenses étendues d'épinettes et de feuillus s'ouvrent parfois sur une rivière ou un grand lac au bord desquels se sont installés de petits chalets ou de belles résidences. Nous passons plusieurs petits villages et chacun amène une nouvelle anecdote. Il me parle aussi du "huard" qui est représenté sur une des pièces de monnaie canadienne et je comprends vite qu'il s'agit en fait d'un plongeon imbrin. Nous tentons d'en voir un à chaque fois que nous passons près d'un lac mais je ne peux que les apercevoir de loin. Le train s'arrête au milieu de nulle part, près d'une belle rivière, mon compagnon de voyage descend pour rejoindre son campement improvisé où il compte pêcher un peu avant la nuit. Le soleil descend sur l'horizon et j'aperçois, sur ma droite, 2 jeunes pygargues à tête blanche en vol. Ils n'ont pas encore la tête et la queue blanches des adultes mais un plumage sombre presque uni. La nuit tombe peu à peu et le train finit par arriver à Clova, minuscule hameau de maisons autour d'un bar-épicerie-station essence. Serge et Jocelyn, mon futur guide, m'attendent près d'un énorme pickup. Je récupère mes bagages et me dirige vers eux, immédiatement assailli par un vol de petites mouches noires, les fameuses mouches noires ! 

Une mouche noire (3 à 4 mm) sur mon pantalon de chasse

Une mouche noire (3 à 4 mm) sur mon pantalon de chasse

Nous avons encore plus d'une heure de piste avant d'arriver à la pourvoirie, nous en profitons pour discuter et faire connaissance. Jocelyn connaît la chasse à l’arc pour l’avoir pratiquée, ce qui me conforte dans ses capacités à me guider. Serge m'annonce qu'hier un couple a prélevé un magnifique orignal mâle à la carabine et me montre la photo.

Bel orignal prélevé la veille de mon arrivée

Bel orignal prélevé la veille de mon arrivée

La nuit est tombée quand un lièvre traverse dans les phares de la voiture. Arrivés à la pourvoirie, nous passons à mon chalet où je laisse mes affaires avant de partir pour le réfectoire. J'y rencontre Donya qui sera notre cuisinière durant mon séjour. Je suis pour l'instant le seul client, Georges, un américain de la province de New York arrivera demain soir pour chasser l'orignal lui aussi mais à la carabine et je partagerai mon chalet avec lui pendant une semaine. D’autres chasseurs dont un archer arriveront la semaine suivante. Après un bon repas, je pars me coucher.

Vers 3 heures du matin, n’arrivant plus à dormir, je décide de sortir pour aller au bord du lac me familiariser avec les odeurs et les bruits de la pourvoirie. Les cris du huard retentissent dans la nuit avant qu’un rat musqué ne vienne me rendre visite. Il ne fait pas froid ce matin, la nuit n'a pas pu rafraîchir totalement la forte chaleur de la veille. Le bruit des ailles des libellules claquant dans la végétation du bord de la berge trouble à peine le silence impressionnant de la nuit entre 2 cris du huard. Je tends l'oreille espérant entendre un orignal sur la berge opposée mais ils restent silencieux. Le ronron de la génératrice qui s'allume près du réfectoire m'indique qu’il est temps d’y aller. Après déjeuner, je pars préparer mon arc et quelques flèches pour aller vérifier mes réglages sur les cibles 3D mises à la disposition des archers devant un talus sablonneux.

La zone d'entrainement

La zone d'entrainement

Je décoche quelques flèches sous le regard de mon guide. Mes réglages n'ont pas bougé et Jocelyn semble satisfait de ma régularité. Lors du repas de midi, Serge m’explique qu’il ne faut jamais venir dans le réfectoire avec les vêtements de chasse car ils pourraient s’imprégner des odeurs de nourriture qui peuvent nous faire repérer par les orignaux. Je vais me rendre compte qu’ici on croit beaucoup aux destructeurs d’odeur, même le jour de ma lessive on me fera utiliser une lessive spéciale sans odeur. La météo est scrupuleusement étudiée chaque jour pour connaître le sens des vents dominants et prévoir la chasse du lendemain. En France, je ne fais pas attention à tout ça et me contente de tenir compte du sens du vent durant ma chasse mais je vais écouter ces conseils. Vers 15 heures, nous nous préparons avant de partir chasser de l'autre côté du lac. Nous chargeons les affaires dans le canoë. Jocelyn embarque à l'arrière et moi à l'avant en poussant le canoë pour l'éloigner du bord. Il fait encore très chaud aujourd'hui, les températures flirtent avec les 40°, nous partons chasser en T-shirt mais prenons tout de même la veste pour le retour de nuit sur le lac. Ces fortes températures sont problématiques pour l’orignal qui est déjà en poil d’hiver, il risque de chercher la fraîcheur durant la journée et de ne bouger que de nuit. Nous accostons, je débarque pour attacher le canoë avant que Jocelyn ne descende pour étudier sa carte écoforestière. Elle lui donne des indications sur les essences et la taille des arbres par zone ainsi que le relief pour déterminer notre parcours de chasse en fonction des endroits où il pense trouver les animaux. Le sol est couvert d'une végétation ligneuse basse mais très dense avant un mur d'épinettes. C'est une première pour moi, être totalement guidé, je vais suivre Jocelyn avec mon arc à la main, sans flèche encochée et me fier presque entièrement à lui. Il porte un T-shirt noir à manche courte, un pantalon uni vert kaki, son visage n'est pas camouflé, juste une casquette camo sur sa tête, en bandoulière, dans le dos, une palette d'orignal équipée d'une poignée métallique, son cône d'appel en écorce de bouleau à la main, une sorte de banane multipoches à la ceinture avec un petit pulvérisateur d'urine synthétique de mâle orignal, son GPS, sa boussole, sa carte... ses jumelles autour du cou et un pulvérisateur blanc de grande capacité contenant de l'urine de jument en chaleur à la ceinture.

Mon guide équipé pour la chasse sous près de 40°

Mon guide équipé pour la chasse sous près de 40°

Je suis équipé de ma cagoule, de gants, d'un T-shirt à manches longues et d'un pantalon léger le tout en camouflage realtree avec mon arc à la main, un appareil photo à la poche et un couteau dans l'autre. Il semble porter une attention plus importante à l’odorat qu’à la vue de l’orignal qui, d’après lui, ne serait pas bonne. Avant de partir, Jocelyn asperge ses bottes d’urine de jument en chaleur pour créer une ligne d’odeur dans notre sillage et asperge sa palette d’urine de mâle en rut. Nous traversons la bande d'épinettes épaisses et, dès le départ, mon guide commence à casser des branches et arbres morts, soit en marchant dessus soit à la main en avançant. Je suis très surpris car c’est à 1000 lieux de ce que je ferais si je chassais à l'approche en France. Une forte odeur de bête en rut m’emplit les narines dans le sillage de mon guide. Nous débouchons sur une sorte d'ancien chemin bien dégagé.  Jocelyn en profite pour se retourner et m'expliquer, à voix basse, pourquoi il casse du bois. En forêt, l'orignal est le plus gros animal, les adultes ne craignent que le loup, l'ours et l'homme, ses prédateurs ont tendance à se mouvoir en silence ou presque. Il est le seul à faire de tels bruits en se déplaçant dans l'épaisse forêt et se sert parfois de ces craquements pour communiquer avec d'autres orignaux. Il ne faut donc pas essayer d'avancer sans bruit, bien au contraire, les craquements tranquillisent l'orignal et peuvent même l'attirer vers nous. Il m'explique ensuite que certains chasseurs qui ne savent pas "caller" (imiter les cris d'orignaux) se postent simplement et cassent juste des branches ce qui les attirent parfois quand ils cherchent la compagnie d'un autre orignal ou à chasser un rival. Il m'indique aussi que nous allons avancer tranquillement et qu'il va caller de temps en temps pour tenter de faire répondre un orignal. Il faudra alors que je me poste pour avoir une opportunité de tir pendant que Jocelyn se décalera pour attirer l'animal vers lui et me le présenter plein travers. Nous repartons tranquillement et ne tardons pas à observer les premières traces d'orignaux sur le sol sablonneux du chemin, certaines sont plus grandes que ma main.

Empreinte d'orignal dans le sable du chemin

Empreinte d'orignal dans le sable du chemin

En arrivant sur une petite placette ouverte, Jocelyn décide d'appeler et se décale sur la gauche du sentier vers un petit bouquet d'épinette. Il commence par appeler avec son cône en imitant le cri d'une femelle avant de commencer une séance de "rattling", frottant énergiquement sa palette sur les épinettes pour imiter le comportement d'un mâle en rut frottant ses bois. Il finit par des cris de mâle avant d'écouter un moment. Avant de partir, il gratte le sol du bout de son pied dans une zone sablonneuse du chemin puis asperge le coin d’urine de jument en chaleur et de mâle en rut. Il m’explique que les mâles font souvent des souilles, ils grattent le sol de leur sabot puis urinent dans ce trou où ils se roulent. Ce trou attire ensuite les femelles en chaleur qui viennent s’y rouler pour lui signifier qu’elles lui appartiennent. Cette souille artificielle peut attirer un mâle jaloux. Nous repartons ensuite en avançant doucement tout en surveillant les alentours, à l’écoute du moindre craquement ou cri qui pourrait trahir la présence d’un orignal. Le chemin fermé par la végétation n’est plus praticable et nous rentrons dans la forêt d’épinettes. Le sol est couvert d’une mousse verte très épaisse qui étouffe le bruit de nos pas mais marque bien sous le poids des orignaux qui y laissent des traces bien visibles. 

Le sol est couvert d'une mousse épaisse

Le sol est couvert d'une mousse épaisse

Nous faisons parfois des pauses pour appeler et c’est alors que je vais faire la connaissance d’un des hôtes les plus pénibles de la forêt. A peine Jocelyn émet un call que un ou plusieurs écureuils accourent dans les arbres pour se mettre à crier au-dessus de nous, donnant l’alerte et nous empêchant d’entendre une éventuelle réponse lointaine d’un orignal.

Un écureuil peu farouche et très bruyant

Un écureuil peu farouche et très bruyant

Nous remontons vers une zone de bouleaux au pied d’une colline couverte de ces feuillus et tombons sur un laissé assez frais d’orignal. Jocelyn m’explique qu’il s’agit d’un mâle car le laissé est en paquet et non en boules comme le ferraient les femelles et les veaux.

Laissé frais de buck

Laissé frais de buck

Vieux laissé de femelle

Vieux laissé de femelle

Laissé très frais de veau

Laissé très frais de veau

Nous remontons la colline puis redescendons pour déboucher dans une « swamp », zone de tourbière humide et couverte d’une végétation herbacée parcourue par un petit ruisseau. Des traces anciennes d’orignaux sont présentes au sol, nous descendons le long du ru pour revenir vers le lac. Le petit cours d’eau s’engouffre, un peu plus bas, dans un trou qui s’est formé au pied d'un ancien barrage de castor abandonné. 

Barrage de castor abandonné

Barrage de castor abandonné

Une trace d’ours noir dans la boue explique peut-être leur disparition. Jocelyn m’explique que les loups ou les ours creusent des brèches dans les barrages de castors et attendent que les gros rongeurs viennent les réparer pour les capturer. Nous rentrons à nouveau dans le bois pour chercher à retrouver le chemin et tombons sur une zone de bouleaux abattus et écorcés par les castors. Le chemin retrouvé, nous revenons vers le canoë alors que la luminosité commence à baisser. Nous décidons de faire un affût et d’appeler près de la souille artificielle mais, rien ne venant, nous quittons notre poste pour rejoindre notre embarcation à la nuit. Cette première journée aura été riche d’enseignements et m’aura permis de mieux connaître mon guide et de me rendre compte de ses grandes qualités autant humaines que de chasseur.

Le lendemain matin, nous partons de nuit, en quads, pour le secteur de la pourvoirie qui m’a été attribué : Le Chenevert. En route nous tombons sur des laissés d’ours tout frais. Nous nous garons au bord de la piste le long de laquelle Jocelyn a décidé de chasser. Nous attendons que la luminosité soit suffisante avant de partir en chasse. Nous avançons tranquillement à l’écoute et nous arrêtons par moment pour appeler mais le secteur reste calme. Je remarque des traces de loups sur le sable du chemin, leur taille est impressionnante. Jocelyn me dit que s’il y a des loups, il y a certainement des orignaux.

Trace de loup dans le sable du chemin

Trace de loup dans le sable du chemin

Nous finissons par rejoindre un chemin plus petit qui part sur la droite et le prenons. Nous rencontrons régulièrement des tétras qui sont étonnamment peu farouches, ils se laissent souvent approcher de très près pour finalement s’envoler et se percher à quelques mètres du sol pour parfois se reposer au sol derrière nous. Jocelyn qui les appelle "les poules" m'explique qu'ici ils ne sont pas chassés et n'ont donc pas peur de l'homme. Certains mâles viennent même nous « challenger », ils gonflent les plumes du cou et du torse en faisant la roue puis foncent vers nous pour nous impressionner. Après une longue marche sur le chemin sans contact avec les orignaux, nous décidons de faire demi-tour pour retourner aux quads où nous attend notre casse-croûte. Il fait à nouveau très chaud aujourd’hui. Des mésangeais nous accompagnent en suivant le bord du chemin, volant d’arbre en arbre. L’après-midi, Jocelyn décide d’aller appeler au bord d’un des lacs proche du sentier que nous avons chassé ce matin. Nous nous installons dans la végétation épaisse, en bordure d’une langue de swamp qui rentre dans les épinettes à la pointe du lac. Jocelyn passera la soirée à appeler puis à écouter par intermittence mais rien ne viendra à part de bruyants vols de bernaches du Canada (appelées "outardes" localement) en migration qui annoncent très certainement un changement de temps. 

Vol de bernaches bruyant à la tombée de la nuit

Vol de bernaches bruyant à la tombée de la nuit

Alors que la nuit vient, nous quittons notre poste et Jocelyn m’explique que nous venons de préparer le secteur pour demain. Si un mâle a entendu nos appels, il sera peut-être dans le secteur demain matin.

Le lendemain, nous repartons pour le Chenevert. Nous laissons les quads au bout du chemin près du chalet proche du lac et repartons un peu en arrière pour rejoindre le sentier que nous avons chassé la veille.

Le sentier du Chenevert

Le sentier du Chenevert

J’ai équipé une de mes flèches pour le tir des oiseaux car nous avons décidé d’en tirer 2 ou 3 pour les manger un midi. Nous n’avons fait que 100 mètres environ sur le sentier quand nous arrivons au niveau d’une sorte de placette où trônent fièrement 7 ou 8 tétras. Jocelyn me dit d’aller en tirer. J’encoche ma flèche équipée d’une Cut Edge et m’avance doucement vers le premier. Ce mâle me fait face et me challenge, me laissant approcher à 6 ou 7 mètres. J’arme, il passe derrière des branches basses sur la gauche du sentier, j’aligne ma visée et le voit ressortir plein travers. Je décoche le séchant sur place. Ma flèche est posée un peu plus loin sur le chemin, au milieu des autres tétras qui n’ont presque pas bougé. Je me retourne vers Jocelyn qui me fait signe d’en tirer un autre. Je m’avance doucement, récupère ma flèche et réencoche puis approche un autre tétra sur la droite du chemin. J’arrive à environ 5 mètres, arme mon arc et décoche. A nouveau, il est séché sur place puis se débat un peu au sol. Je me retourne et Jocelyn me fait signe d’en tirer un dernier. Je pars chercher ma flèche posée sur le sentier un peu plus loin, réencoche et approche un autre tétra un peu plus loin. Encore une fois, je m’approche à quelques mètres et le sèche sur place. Cette fois ma flèche est restée en travers, arrêtée par le sol. En me retournant, je vois que Jocelyn est entrain de ramasser le premier tétra mais le second a disparu et il me dit qu’il s’est relevé. Je me précipite et l’aperçois qui se coule dans la végétation. Je pose mon arc et le poursuis pour finir par le plaquer au sol dans la végétation épaisse avant de l’achever. Nous récupérons les 3 tétras et ma flèche qui est un peu abîmée au niveau de l’insert, ma Cut Edge est cassée en partie. Nous ramenons nos prises au chalet avant de repartir en chasse. J’ai fléché 2 mâles et une femelle reconnaissable à son plumage brun clair moucheté de noir alors que les mâles sont noirs mouchetés de blanc avec un beau sourcil rouge. 

Un triplé de tétra un peu facilement gagné

Un triplé de tétra un peu facilement gagné

Cette expérience m'a dissuadé de rechasser le tétra tant cette chasse a été facile. Nous partons maintenant vers un secteur que Jocelyn a repéré sur la carte et qu’il pense prometteur. Nous longeons un moment le chemin en croisant plusieurs tétras toujours aussi peu farouches avant que Jocelyn décide de prendre à gauche à travers bois. Une gélinotte se coule entre les troncs sur notre gauche. Nous débouchons un peu plus loin sur une butte granitique couverte d’un lichen blanchâtre. Elle domine une grande swamp située au milieu des épinettes en alignement du lac où nous avons appelé hier soir. Jocelyn casse 3 branches d’un gros conifère mort au bout de la bute en me chuchotant : « Je m’annonce. » Il pousse ensuite un call de femelle et immédiatement un son nous répond sur la droite de l’autre côté de la swamp à environ 100 mètres : « Houow ». Je comprends immédiatement qu’il s’agit d’un orignal mâle, tends mon doigt dans sa direction et me retourne vers Jocelyn qui acquiesce. Je suis aux anges, je viens d’entendre ma première réponse. Jocelyn me fait placer sur le bord du sommet de la bute, en face d’une trouée dans les épinettes qui me permet de voir la zone plus dégagée couverte d’herbes, de petits buissons et de petits conifères. Il se décale sur la droite et recommence à appeler, l’orignal répond à nouveau et commence à venir. Son déplacement s’accompagne de craquements dans la végétation et de cris espacés de quelques secondes : « houow houow houow…. », mon cœur s’emballe comme jamais. Je respire profondément pour essayer de me calmer. Jocelyn commence une séance de rattling accompagnée de cris de mâle qui énervent l’orignal. Il stoppe pour détruire une épinette de ses bois. Le bruit est impressionnant, je ne vois toujours pas l’animal mais, au bruit, je comprends qu’il doit avoir un beau panache.

Du haut de la butte granitique, je tente d'apercevoir l'orignal au travers des épinettes

Du haut de la butte granitique, je tente d'apercevoir l'orignal au travers des épinettes

Il reprend sa progression rythmée de craquements et de cris. Mon décocheur est accroché, ma cagoule baissée, mes muscles déjà en tension, je suis presque en apnée et commence à réguler mon rythme cardiaque. Il se rapproche tranquillement mais alors qu’il ne doit plus être qu’à 40 mètres, je sens le vent qui tourne sur ma nuque. Immédiatement nous nous regardons avec Jocelyn, l’orignal a stoppé net et fait demi-tour en donnant de la voix "houow houow houow...". Il n'a pas poussé son cri d'alerte, ce n'est pas encore perdu. Jocelyn décide de tenter de le suivre en décalé, sur le bord de la swamp au milieu des épinettes très denses en craquant du bois et en poussant des cris de mâle. Après 40 mètres environ de poursuite, l’orignal que nous entendions stoppe net et le calme s’installe. Nous stoppons, Jocelyn me chuchote : « Il nous écoute ». Nous restons un bon moment immobiles, à l'écoute, avant de décider de quitter les lieux mais, au même moment, il redonne de la voix pour se taire définitivement malgré les appels de Jocelyn. Nous nous éclipsons et revenons vers le chemin avant de tenter sans succès de le recouper plus loin. Nous décidons de laisser le secteur tranquille pour la soirée et partons chasser en canoë à partir du camp vers un autre secteur mais nous ne trouverons que de vieilles traces.

Le lendemain matin nous retournons appeler sur le secteur du Chenevert sans succès, l’après-midi, sur les conseils de Serge, nous partons chasser sur un nouveau secteur. Depuis plusieurs jours, je subis les assauts des mouches noires qui ont la salle manie de rentrer dans les yeux et de quelques moustiques qui semblent beaucoup aimer mon sang, Serge m’a donc prêté un filet de tête pour me protéger.

Je suis obligé de m'équiper d'un filet de tête pour éviter que les mouches noires ne ne rentrent dans les yeux

Je suis obligé de m'équiper d'un filet de tête pour éviter que les mouches noires ne ne rentrent dans les yeux

Nous prenons la piste du Chenevert mais laissons les quads bien avant le chalet, au départ d’un petit sentier. Nous partons en suivant ce chemin mais tombons vite sur un énorme chablis qui nous barre la route et peinons à trouver un passage.

Le chemin est vite barré par un énorme chablis

Le chemin est vite barré par un énorme chablis

Nous rejoignons ensuite la bordure d’un lac où nous nous postons un moment pour appeler mais rien ne venant à part les mouches noires qui me contraignent à mettre mon filet de tête en place, Jocelyn décide de finir la soirée en chassant en sous-bois pour revenir vers les quads. Nous nous dirigeons par la swamp vers la bordure du bois d’épinettes. Juste en entrant dans le bois, nous tombons sur une trace d’orignal toute fraîche dans la mousse qui tapisse le sol. L’eau remontée dans la trace n’est pas encore redescendu dans la mousse, l’orignal est très certainement venu écouter le call en bordure de bois avant de faire demi-tour. Il ne doit pas être très loin, Jocelyn m’explique que nous allons avancer tranquillement en forêt en cassant du bois, il imitera le cri d’une femelle en « tabernacle » (en colère) harcelée par un petit mâle ("pineux") pour tenter d’attirer un gros mâle jaloux. Nous avançons donc dans le bois bruyamment en ouvrant les yeux mais pour le moment seuls les écureuils nous répondent. Nous biaisons peu à peu à droite pour nous rapprocher de la colline sur laquelle se trouve le chablis et trouvons régulièrement des traces. Jocelyn imite la femelle en colère puis des cris de pineux tout en laissant frotter parfois sa palette sur les branches ou en cassant ces dernières. Nous arrivons sous le chablis et faisons une petite pause pour chercher le meilleur passage en discutant à voix basse quand de gros craquements nous font tourner la tête en même temps. Un très gros mâle orignal s’avance dans la végétation à environ 40 mètres et stoppe net plein travers. Sa zone vitale est masquée par les feuillages, je m’agenouille rapidement au sol, caché par la végétation alors que Jocelyn tente de retirer mon filet de tête avant que je ne lui chuchote que je peux tirer avec. Il se décale alors sur ma droite pour se cacher derrière la végétation. J’encoche vite une flèche mais me rends compte qu’il s’agit de la flèche avec laquelle j’ai tiré les tétras, équipée d’une lame neuve. Je décide d’encocher une flèche neuve et dégage ma première flèche que je jette au sol, encoche la suivante puis me redresse doucement en accrochant mon décocheur. L’orignal n’a pas bougé, j’essaie d’analyser rapidement la situation et mes possibilités de tir. Je suis en face d’un beau couloir dégagé. Je n’ai pas le temps de bien me préparer que Jocelyn lance un call, immédiatement, l’orignal avance de quelques pas et bifurque pour venir droit sur moi. Je me fige et le laisse venir. Il est magnifique, brun avec des pointes presque dorées dans son pelage, il approche d’un pas tranquille pour venir se planter de face, bien dégagé, à environ 17 mètres devant moi. Il regarde vers moi immobile, Jocelyn a glissé plus sur ma droite. 

Souvenir d'un magnifique face à face

Souvenir d'un magnifique face à face

Il appelle et fait du rattling mais le gros « buck » ne semble plus vouloir bouger. J'ose à peine respirer. Jocelyn, en se décalant un peu, arrive en face d’une belle trouée dans laquelle l’orignal se présente plein travers à 15 mètres et me chuchote qu’il me faut venir le rejoindre pour pouvoir tirer. Etant à découvert, ce que Jocelyn ne sais pas, je ne peux pas bouger sans être vu et lui fais signe que je ne veux et peux pas bouger. Pour moi, Jocelyn s’était décalé pour me tourner l’orignal et j’attendais qu’il me présente son flanc pour armer. Jocelyn insiste, je suis perdu, je ne sais plus quoi faire, alors qu’il insiste encore je me résigne à bouger et me décale d’à peine 10 cm à droite avec un pas de côté très lent. La sanction est immédiate, l’orignal fait volte-face très rapidement et s’enfuit dans la végétation. Je suis dégoûté et j’ai l’affreux pressentiment que je viens de manquer l’occasion du séjour. J’aurais dû tenter d’armer, peut-être l’orignal aurait amorcé son demi-tour, j’aurais peut-être eu l’occasion de tirer et Jocelyn aurait compris que j’avais une fenêtre de tir… je ressasse toutes mes erreurs dans ma tête, je n’ai vraiment pas assuré, je m’en veux terriblement. Jocelyn me dit de ramasser ma flèche et que ce n’est pas fini, nous allons tenter de le retrouver. Nous partons sur ses traces et Jocelyn continue ses calls et casse des branches. Après plusieurs centaines de mètres, il s’arrête et me chuchote que l’orignal est devant nous, le temps de l’apercevoir au travers des arbres serrés, il redémarre pour s’enfuir, cette fois, il a compris et nous ne le reverrons pas. Nous retournons aux quads alors que la nuit tombe.

Le lendemain, le temps change, c’est l’arrivée de la pluie et d’un vent tournant qui vont durer quelques jours perturbant notre chasse et faisant chuter progressivement les températures durant les jours suivants. Nous apercevrons une martre perchée dans une épinette, j’arriverai à l'intéresser un moment avec des imitations de cris de souris, technique que ne connaissait pas mon guide. Pour une fois, c’est moi qui lui ai enseigné quelque chose.

Malgré les calls de Jocelyn le bois reste sans réponse

Malgré les calls de Jocelyn le bois reste sans réponse

Le soir, sur le chemin du retour, j’apercevrais mon premier castor en ballade sur un lac au bord de la piste. Nous finissons par décider de tenter de chasser sur un nouveau secteur et de laisser le Chenevert à Gorges et Pascal son guide.

Le 29 septembre au matin, il a fait une petite gelée et le beau temps est de retour. Nous partons en pickup sur la piste et rejoignons le départ d’un sentier qui rejoint un grand lac. Nous avançons tranquillement sur ce dernier sans voir d’orignaux et arrivons à une trouée du bois donnant sur le lac. Le paysage est magnifique, la brume s’élève du plan d'eau dans les rayons du soleil levant.

La brume sélève sur le lac dans les rayon su soleil matinal

La brume sélève sur le lac dans les rayon su soleil matinal

Nous nous avançons tranquillement vers le lac en quittant le chemin. Le sol est marqué de nombreuses empreintes plus ou moins fraîches. Nous longeons la limite de la végétation pour nous camoufler un peu puis nous nous postons derrières quelques arbustes pour que Jocelyn commence à appeler. Rapidement, un son étrange se fait entendre dans la bande boisée à note droite, à plus d’une centaine de mètres. Je regarde Jocelyn qui me chuchote qu’il s’agit d’un orignal. Il lui répond et le son retentit à nouveau mais, cette fois, je reconnais un call de femelle. Jocelyn « jase » un peu avec elle puis ce sont 2 femelles qui nous répondent. Le son semble se rapprocher un peu quand un mâle nous répond de l’autre côté du lac avant de donner un grand coup de tête dans un arbre, émettant un son proche d’un coup de feu. Jocelyn reprend ses appels et attaque un peu de rattling. Les craquements dans le bois nous permettent de suivre la progression du mâle mais il ne semble pas vouloir venir vers nous et les bruits finissent par cesser.

Nous nous postons sur la droite du lac embrumé pour écouter et appeler

Nous nous postons sur la droite du lac embrumé pour écouter et appeler

Nous tentons donc de nous avancer en rejoignons la pointe du lac qui alimente un ruisseau. Les femelles finissent par se taire et s’éloigner. Nous passons le cours d'eau et le descendons à la recherche des orignaux et tombons sur une zone où tous les bouleaux et trembles ont été abattus par les castors au pied de la colline de gauche, proche de l’eau. De nombreuses coulées fraîches et une hutte à castor au milieu de l’eau attestent d’avantage de la fréquentation des lieux.

Gros tremble abattu par un castor

Gros tremble abattu par un castor

Beaucoup de bouleaux et de trembles ont été abattus par les castors

Beaucoup de bouleaux et de trembles ont été abattus par les castors

Nous faisons demi-tour et constatons qu’un vieux sentier longe le lac dans les épinettes, le mâle a dû passer par là ce qui lui a permis de s’éclipser sans bruit. Nous partons relever la carte d’une trailcam posée près d’une saline juste un peu plus loin au bord du chemin et constatons qu’un beau mâle est passé là il y a quelques jours. Nous rentrons pour ce matin et de reviendrons nous poster ce soir, près de la saline où les appels de Jocelyn ne feront répondre qu’une femelle que nous n’arriverons pas à approcher.

Le lendemain, nous retournons sur ce secteur sans voir ni entendre d’orignal, seul un castor, dans la zone des bouleaux abattus, donnera l’alerte durant plusieurs minutes en frappant violemment la surface de l’eau de sa queue, projetant de belles gerbes d’eau dans les airs. Le lendemain, sachant que Pascal et son client ont entendu 2 orignaux mâles hier au Chenevert, nous repartons sur le secteur en espérant les croiser. Nous nous garons au départ du sentier et nous nous préparons avant de commencer à suivre le chemin. Nous n’avons pas fait 100 mètres que nous tombons sur des traces toutes fraiches de 2 orignaux qui semblaient venir droit sur nous par le chemin avant de faire demi-tour. Nous suivons les traces et trouvons la rentrée au bois sur la gauche du chemin. Jocelyn me poste contre le bois à gauche et se décale plus en arrière sur la droite du chemin avant de commencer à appeler. Immédiatement, un mâle nous répond à environ 70 ou 80 mètres. Je regarde vers Jocelyn qui me chuchote de me préparer. Il poursuit ses appels et le mâle semble venir vers nous mais la femelle qui s’éloigne tranquillement se met à donner de la voix pour le rappeler à elle. Il se ravise pour la suivre. Jocelyn insiste et le mâle qui nous répond semble hésiter mais sa femelle ne le laisse pas partir et le rappelle sans cesse. Jocelyn décide de partir en poursuite pour tenter de les rapprocher. Nous rentrons dans le bois, Jocelyn casse des branches et appelle en avançant mais les animaux s’éloignent tranquillement en donnant de la voix. Nous n’arrivons pas à réduire la distance et finissons par arriver au bord d’une gorge encaissée au fond de laquelle coule bruyamment un petit ruisseau venant du lac plus en amont. L’obstacle est difficile à franchir et les animaux gagnent du terrain. Nous décidons de rebrousser chemin et de presser le pas pour tenter de les recouper à la swamp où j’ai entendu mon premier orignal. Nous reprenons le chemin pour recouper plus loin à travers bois et rejoindre la butte granitique où nous nous asseyons pour attendre. A peine assis, Jocelyn me fait signe qu’il a entendu quelque chose sur le penchant d’en face à notre gauche puis se ravise. Il me dit, en plaisantant, que nous commençons à entendre des orignaux partout mais rapidement le bruit reprend. Le sous-bois d’épinettes craque. Nous nous levons et Jocelyn appelle. Immédiatement, un mâle nous répond sur la droite puis un autre sur la gauche. Après avoir répondu, le mâle de droite casse du bois et s’enfuit comme s’il savait que ce call n’était pas normal. Jocelyn continue à caller et les craquements s’intensifient. Mon cœur bat à tout rompre, je cherche du mouvement au travers des épinettes quand j’aperçois une énorme masse sombre perchée sur de longues pattes claires qui descend le talus et biaise droit sur moi. Je n’en reviens pas, un orignal vient d’un pas rapide sur moi mais je ne vois pas sa tête. A force de regarder, je finis par la voir mais ne vois pas de bois. Je ne veux pas y croire et cherche encore mais je dois me résigner, il s’agit d’une femelle sur laquelle je n’ai pas l’autorisation de tirer. Elle se rapproche de plus en plus et commence à pousser des espèces de couinements saccadés avant de venir se planter plein travers à environ 20 mètres devant moi. Sa zone vitale bien dégagée entre 2 épinettes. Elle reste là pendant plusieurs minutes en regardant autour d’elle sans nous voir. Jocelyn imite des cris de petit mâle et fait un rattling timide pour provoquer le mâle resté en arrière dans les épinettes. Je suis prêt au cas où il viendrait en arrière de la femelle mais il ne se décide pas à bouger et la femelle fait demi-tour pour revenir vers les épinettes et remonte le talus pour disparaître. Nous suivons un moment à l’oreille leur progression bruyante avant que le calme ne revienne. Il ne sert à rien de les poursuivre, nous ne pourrons pas les rattraper et ne ferons que les pousser au loin. Nous rentrons, pour ce matin.

Les jours suivants ne donnent rien. Le 3 octobre au matin, nous repartons chasser au Chenevert pour prospecter plus en avant sur le sentier. Nous avançons tranquillement sans appeler jusqu’à la saline quand une belle gélinotte se débine sur la droite du chemin, au sommet du talus qui le borde. Je n’ai pas encore fléché ce bel oiseau et demande l’autorisation de le tirer à mon guide qui acquiesce. J’encoche une flèche équipée d’une lame car je n’ai pas équipée de flèche pour les oiseaux depuis le tir des tétras. La gélinotte se débine et s’arrête régulièrement pour nous observer partiellement cachée derrière un tronc. J’arme mon arc et aligne ma visée dans sa direction, elle s’avance encore un peu et s’arrête entre des baliveaux, à environ 10 mètres,  suffisamment dégagée pour me permettre de tenter une flèche. J’essaie de viser assez haut pour ne pas exploser les muscles pectoraux et décoche. La gélinotte touchée au dos s’effondre dans un nuage de plumes et ma flèche se fiche, 2 mètres derrière dans un tronc de bouleau tombé au sol. Elle n’est pas morte mais ma flèche lui a coupé le dos et une aile, elle se débat au sol sans pouvoir s’enfuir et je me précipite pour l’achever avant de récupérer ma flèche. Après quelques photos souvenir, je la mets dans mon sac à dos avec mon repas de midi avant que nous nous remettions en marche.

Une belle gélinotte huppée

Une belle gélinotte huppée

Un peu plus loin nous quittons le sentier pour rentrer dans la forêt. Nous trouvons de nombreuses traces mais pas de cervidé en vue. Le vent n’arrête pas de tourner en sous-bois. En fin de matinée, nous nous dirigeons vers un petit lac repéré sur la carte, l’eau d’un bleu magnifique nous apparaît entre les épinettes et je m’avance jusqu’au bord du plan d’eau. En tournant la tête à droite, j’aperçois une grosse masse noire à environ 300 mètres au bord du lac dans une zone de végétation basse arbustive et herbacée. Je reconnais vite un magnifique ours noir en maraude qui cherche sa pitance dans la végétation. Le vent souffle fort de l’ours vers nous, j’essaie de le montrer à Jocelyn mais il disparaît dans la végétation un moment, nous surveillons la zone et il finit par réapparaître un instant puis disparaît à nouveau. Je demande à Jocelyn si je peux tenter une approche pour m’amuser mais il me dit que l’ours va me détecter et s’enfuir malgré le vent soutenu.

Un gros ours se promène tranquillement près de la berge

Un gros ours se promène tranquillement près de la berge

Je laisse tomber et nous partons nous poser sur une plagette à l’autre bout du lac pour prendre notre repas de midi. Le secteur est marqué de nombreuses traces d’orignaux et de quelques traces d’ours.

Une belle trace d'un jeune ours dans la boue au bord du lac

Une belle trace d'un jeune ours dans la boue au bord du lac

Un vieux barrage de castor recouvert d’herbe barrait, avant que l’eau ne creuse un passage en dessous, le ruisseau partant du lac. Ce soir nous terminerons, sans sucés, cette journée par un affût sur la zone où nous avons vu la femelle l’autre jour.

Les jours de chasse se suivent mais les orignaux restent cachés et le dernier jour, je demande à Jocelyn de partir sur le lac Suzie pour une partie de pêche aux dorés et aux brochets pour nous changer un peu les idées. Il me conduit de poste en poste, nous prospectons les zones d’herbiers, c’est lui qui ouvre le bal en capturant un brochet de taille moyenne. Je réussi en suite à ferrer 4 petits brochets à la cuillère ondulante dans peu de temps et c’est le froid sur le lac qui nous fait rentrer.

Un des brochets que j'ai pu pêcher à la cuillère ondulante

Un des brochets que j'ai pu pêcher à la cuillère ondulante

Le lendemain, Serge me propose d’aller faire une petite chasse avec lui, le temps est exécrable, il pleut et le vent n’arrête pas de tourner, nous partons chasser un « bucher » (zone de coupe à blanc de la forêt) mais malgré les indices de présence nous ne trouvons pas les orignaux. Sur le retour vers la voiture nous tombons sur des tétras qui se débinent et s’envolent devant nous, j’avais pris une flèche équipée pour leur tir au cas où et Serge me donne l’autorisation de tirer. L’un d’eux se débine plein travers en traversant le sentier à environ 10 à 12 mètres, j’encoche, arme et tente de viser la tête pour ne par l’abîmer. Je décoche et l’atteint au cou, il tombe sur place.

Un beau mâle tétra atteint au cou

Un beau mâle tétra atteint au cou

Je le récupère. Serge bifurque dans le bois sur une très grosse coulée très marquée. Un peu plus loin, je trouve un crâne de castor au sol et le ramasse pour le montrer à Serge, c’est alors qu’il m’explique que nous somme sur une zone d’appâtage à l’ours et me montre un affût dans un arbre et le tas de rondins sous lequel est déposée la nourriture. Nous étions en fait sur le sentier des ours. La vision de ce site propre sans bidon ni sac plastique me réconforte un peu avec ce mode de chasse de l’ours à l’affût. Mon rêve serait de le chasser à l’approche mais 2 semaines de chasse dans ce biotope m’ont fait comprendre qu’apercevoir un animal, aussi gros soit-il, dans cette forêt dense est très difficile. Je reviendrais certainement m’essayé à cette chasse à l’ours à partir d’un affût au sol puisque je ne suis pas à mon aise dans les arbres. Mon séjour se termine ainsi, sans orignal mais riche de grands enseignements et de nouvelles amitiés. Le temps n’a pas été avec nous mais c’est aussi ça la chasse, on ne peut pas garantir la réussite. Cette chasse m’a donné des émotions comme je n’en avais jamais eu à la chasse. Les québécois sont des gens extraordinairement gentils, leur accueil est sans égal. Un grand merci à mon guide Jocelyn qui m’a fait vivre une aventure magique, prenant le temps de m’expliquer sa façon de chasser, de m’enseigner à caller avec un cône en écorce de bouleau que nous avons fabriqué ensemble dans les bois et avec qui j’ai beaucoup rigolé, à Serge et son épouse Brigitte pour leur accueil et leur gentillesse et enfin à Donya, notre cuisinière, qui a su nous régaler tout au long de ce séjour.

L'équipe de la pourvoirie, de gauche à droite : Donya, Brigitte, Serge, moi et Jocelyn

L'équipe de la pourvoirie, de gauche à droite : Donya, Brigitte, Serge, moi et Jocelyn

Alex

Cet article est à paraître dans Charc N°54

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  • : Le blog de Alex.bowhunter
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  • : Je chasse avec un arc de type compound, principalement le grand gibier et le ragondin, à l'approche en grande majorité, quelques fois à l'affût au sol (seul ou en battue) ou à l'appel, je n'utilise jamais de tree stand. Je chasse léger (pas de jumelles, pas de télémètre)... juste mon arc, mon couteau, parfois un appeau et ma tenue camo...vous trouverez ici un recueil de mes récits de chasse.
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