Cet après-midi, après un petit entrainement qui m'a bien réussi et redonné confiance, nous décidons d'aller chasser sur la place de brame. Ne supportant plus mes chaussures de randonnée, je suis obligé de partir chasser avec mes vieux tennis tous troués mais très silencieux pour l'approche. Pour économiser mon tendon douloureux, nous allons attaquer par le flanc opposé à mon habitude. Patrick se gare près d'une habitation gardée par 2 beaux patous des Pyrénées. Je passe devant, Patrick va commencer à chasser un bois sur la droite alors que je pars directement vers la place de brame. Il fait chaud cet après-midi et le chant des criquets et des sauterelles emplit la montagne. Je monte par un chemin enherbée au milieu des fougères et des genêts.
En face, je peux voir l'enclos à l'ombre d'un gros nuage qui passe.
Au bout d'un moment, je tombe sur la place enherbée avec le chemin que le cerf cendré a traversé hier.
Un vautour passe juste au-dessus de moi et fait un gros écart en m'apercevant. Un milan royal décrit des cercles dans le ciel. Je ne résiste pas à rejeter un petit coup d'œil plein de souvenirs à la zone de mon tir manqué d'hier
avant de partir vers la place de brame que j'aime tant. Je passe le passage sous la belle voûte arborée que je croyais, dans mes souvenirs faite de hêtres mais qui est en fait constituée de noisetiers et de houx pour déboucher sur la place au milieu des genets clairsemés.
Cet après-midi, les cloches tintent un peu plus loin de magnifiques chevaux noirs pâturent au milieu des fougères.
Les cerfs brament déjà à tout rompre. Je ne me lasse pas d'écouter ce chant magnifique.
Je décide de commencer par me poster un moment derrière un gros hêtre au coin de la clôture de régénération en observation et à l'écoute.
Les cerfs brament bien plus bas et au bout d'un moment j'entends un cerf qui brame plus haut vers la limite du territoire. Plus rien pendant un moment, puis un long brame à nouveau, je décide de me diriger vers ce brame qui semble venir vers le bon côté de la piste. Je décide de me poster au bord d'un chemin forestier par lequel est sorti le cerf qui se payait ma tête hier après-midi. Je cherche un moment mon poste, hésite un peu puis décide de reste derrière des houx contre un gros hêtre, au-dessus d'une belle zone de fougères où j'ai manqué un cerf l'an dernier.
L'attente commence quand des appels de Butollo me font tourner la tête vers Patrick qui est posté sur une butte, en bordure de la place de brame, au milieu de la bruyère et des fougères. Je pense tout d'abord qu'il s'amuse, le connaissant rien ne m'étonne mais il insiste un moment. Peut-être me cherche t-il ? Je tente de lui faire signe de la main puis en agitant mon arc. Il insiste de plus en plus. Je lui réponds alors d'un aboiement de chevreuil. Il commence alors à s'agiter et à faire des signes pour me montrer quelque chose devant lui puis se coule derrière la bute. Je comprends alors ce qui se trame, le cerf que j'entendais était déjà passé de l'autre côté de la piste. Je quitte mon poste et guidé par les signes de Patrick, je tente d'approcher le cerf mais il a déjà fait un peu de chemin. Je me coule au travers des buis sous les grands hêtres. Rien en vue, quand tout à coup, un bruit de bois cassé. Mes yeux se posent sur un gros cerf qui se faufile au travers des buis et remonte vers la piste taillée dans le rocher. Je remonte rapidement mais le plus silencieusement possible vers la piste puis la longe pour tenter d'aller couper la route du cerf. En arrivant presque au niveau de la piste taillée dans le rocher, j'aperçois le cerf qui a déjà traversé et qui longe 60 mètres plus haut à travers une zone clairsemée du bois de hêtre. Il part droit devant lui et accélère en me devinant. Je le laisse rentrer dans l'épais et part en courant sur la bordure enherbée de la piste pour le devancer et remonter lui couper la route. Je me plaque contre le talus du bois, le longe un peu puis remonte dans le bois par une coulée marquée par les sabots des chevaux qui ont fait des marches dans le talus. J'escalade doucement en cherchant le cerf du regard mais mon pied glisse sur le terrain encore humide et je me rattrape bruyamment. Je tente tout de même de rentrer doucement de 50 mètres dans le bois mais il me semble entendre le cerf qui monte droit vers le sommet de la montagne. Je laisse tomber.
Je retourne à mon dernier poste mais me ravise sur l'emplacement. Je me décale un peu plus vers l'intérieur du bois et me rapproche un peu du bord du chemin forestier. Un belle coulée arrive sur ma gauche, au-dessus de moi mais je pense voir arriver le cerf par en bas. Un petit bouquet de houx fait écran sur ma gauche par contre j'ai une belle fenêtre de tir pour tirer sur le chemin forestier. Je suis peu camoufler devant moi et je me colle contre les houx pour casser ma silhouette. Le vent vient de gauche comme les cerfs, tout va bien. L'attente commence, 2 ou 3 cerfs brament plus bas et semblent remonter vers moi mais le temps passe et ils ne bougent pas beaucoup. Je regarde régulièrement mon portable pour regarder l'avancement de l'heure. Je m'impatiente, il est vrai que la patience au poste n'est pas mon fort. Je suis plutôt amateur d'approche. L'excuse que j'attendais pour quitter mon poste vient d'arriver. Le cerf de tout à l'heure brame à nouveau plus haut, je quitte à nouveau mon poste et pars vers le cerf qui cesse vite de bramer. Plus rien pendant un moment alors que près de mon ancien poste ça semble se rapprocher.
J'ai un pressentiment, je n'aime pas ça mais il me faut revenir à ce poste, je le sens bien. Je retourne donc au dernier poste.
L'attente immobile recommence. Les brames se rapprochent doucement mais sûrement. Deux cerfs se répondent, un sur ma gauche et un autre un peu plus bas. Je surveille alternativement la coulée au-dessus et le dessous du chemin. Chaque brame puissant me fait tressaillir. Je ne sais pas pourquoi mais je vois bien arriver un cerf à ce poste. Au bout d'un moment, il me semble entendre un grognement assez proche. Je tends l'oreille mais plus rien pendant un moment alors que les 2 autres cerfs semblent faire du surplace. Le temps passe puis un autre grognement à 50 mètres maximum. Cette fois mon cœur se met à battre plus fort, j'accroche mon décocheur et mes yeux cherchent à distinguer ce cerf en dessous du chemin. Au bout d'un bon moment à chercher du regard, tous mes sens à l'affût, j'entends un léger craquement dans les fougères en dessous du chemin sur ma gauche. Mes yeux se posent sur une paire de bois au travers des houx. J'essaie de compter. Le cerf arrive d'un pas tranquille au bord du chemin. 1, 2, 3, 4... 8 non 1, 2... oui c'est un 8, 9 maximum. C'est mon cerf, un CEM1. Le cerf rentre dans un bouquet de houx clairs, j'arme mon arc. Il s'arrête, lève la tête puis se remet en marche de son pas lent. " Allez, avance encore, sort à découvert". Le cerf sort la tête des houx et la tourne vers moi. Mon sang se glace, mon cœur s'arrête, je suis en apnée... le temps vient de s'arrêter. Il m'a repéré c'est sûr. Je reste immobile. Il finit par se remettre en marche doucement et sort au pas, plein travers, à 12 mètres, au milieu de fougères qui ne cachent que ses pattes. Mon viseur se cale sur son coude. Je décoche.
Mon cerf, à l'impact, fait un bon impressionnant en l'air, c'est signe d'une flèche de cœur comme mon daguet de l'an passé. Ma flèche plantée en travers (20 à 30 cm sortent encore de mon côté) mon cerf fait demi-tour et se jette au galop dans la végétation. Ma flèche est pile où je la voulais et je ne peux contenir ma joie. Je laisse le cerf s'éloigner et quitte mon poste pour appeler Patrick qui me rejoint rapidement. Je lui raconte ma chasse et nous partons à la recherche de mon cerf. Je suis confiant. Le cerf a basculé vers le territoire d'en face.
Arrivée sur la zone du tir nous retrouvons rapidement ma flèche cassée côté empennage.
Je ne pense pas qu'elle ait traversé vue ce qui dépassait. Une première goutte de sang.
La piste n'est pas très marquée, quelques gouttes sur un petit houx,
un peu plus loin, un peu de sang sur les fougères
puis une belle trace de sang.
Je reste à la dernière trace de sang et Patrick mène la recherche, je le laisse faire tout en essayant de l'aider.
On peut facilement suivre le trajet du cerf aux feuilles retournées quand ce n'est pas au sang.
De goutte en goutte, nous finissons par tomber sur mon cerf, il est mort, couché sur le flanc.
Je suis aux anges, c'est mon plus gros prélèvement à l'arc, il est magnifique je le contemple un moment, c'est un rêve réalisé. Ma flèche est en fait ressortie 10 cm derrière la patte opposée. Le cerf a chuté
puis est tombé un peu plus loin, juste au-dessus d'un belle zone de souilles.
Je ne me lasse pas de le contempler, quel bel animal ! Il a fait à peine 70 mètres.
Patrick me sort de mon rêve éveillé. Il nous faut maintenant le sortir et il faut que Patrick aille chercher des clefs pour ouvrir les barrières qui nous permettrons de venir chercher le cerf par la piste. Il récupère nos arcs et rentre à la voiture. Pendant ce temps, je mets le bracelet à sa patte et je traîne le cerf jusqu'à la piste. Je pars ensuite boire un coup à l'abreuvoir au bout de la piste taillée dans la roche. Un cerf au brame impressionnant semble être au bout de l'enclos. Je retourne à mon cerf et attends Patrick. Rapidement un bruit de pneus qui crissent sur le gravier puis des coups de klaxon. C'est Patrick qui arrive avec un chasseur du coin venu nous aider à sortir mon cerf.
Nous chargeons, non sans peine, l'animal puis rentrons par la piste. Plus bas un beau cerf saute d'un bon par-dessus la route et alors que nous nous arrêtons pour tenter de le voir en sous-bois, un autre cerf avec un bois cassé arrive droit sur nous puis s'arrête, nous regarde et fait demi-tour pour rentrer au bois. Nous arrivons chez Patrick à la nuit et allons passer un bon moment à peller et vider l'animal.
Ma flèche a traversé le cœur et à peine touché les poumons.
Un bout de tube est même resté en travers du cœur. Un drôle de cadeau pour l'anniversaire de mon ami Patrick.
Encore merci à toi mon ami. Il nous reste encore une biche, un hère et un chevreuil à boucler.
Alex
Atteinte :