Cette après-midi, nous avons décidé d'aller chasser les capibara avec Xavier et Daniel. J'ai ciblé mon arc ce matin et refais quelques flèches car depuis le début de mon séjour toutes mes vannes se décollent en passant mon repose flèche biscuit. J'ai installé ce repose flèche à la place de mon "révolution" car aucun repose flèche mécanique ne survit au climat guyanais mais la colle que j'ai utilisé pour coller mes vannes est cassante et ne résiste pas à l'humidité, du coup mes vannes se décollent en traversant les poils du repose flèche. Mes vannes, recollées avec une colle adaptée, tiennent maintenant beaucoup mieux et résistent au passage du repose flèche. Depuis la casse de mon stop-corde lors de notre retour du premier séjour en forêt mon arc est bruyant mais les capibara ne sautent pas la corde et je tire en général assez prêt. Alors que je me prépare avant de partir un vol d'urubus noirs s'est posé dans l'herbe devant chez Xavier pour grappiller quelques restes de poisson laissé par les chiens de Xavier. Ces oiseaux qui annoncent la mort sont peut être bon signe.
Nous partons avec Xavier et retrouvons Daniel au barrage puis partons vers la ferme. Arrivés sur place, nous nous préparons tranquillement tout en nous distribuant les secteurs de chasse. Je vais partir chasser mon secteur favori, un peu plus loin sur la gauche du chemin de terre alors que mes collègues chasseront de part et d'autre d'un marécage sur la droite du chemin. Une fois prêts, nous prenons le chemin. Daniel bifurque à droite avant le marécage et je continue jusqu’au bout du chemin avec Xavier. Le sol est jonché de traces et de crottes de capibaras, je surveille le marécage sur la gauche du chemin avant le départ des moucoumoucous puis m'avance tout doucement pour tenter d'apercevoir un capibara au travers des arbres du petit bois qui borde la droite du marécage mais rien en vue. Le vent est face à nous pour le moment. En arrivant au bout du chemin de terre nous nous séparons et je pars comme prévu sur la gauche pour rentrer dans le petit bois en suivant le bord du marécage à ma gauche. Les capibaras ont marqué le sol de grosses coulées pour venir manger les fruits oranges des hawaras (sorte de palmier) et le secteur est riche d'indices de présence. J'avance très lentement en observant bien les alentours. Je me rapproche d'un tas de branches derrière lequel j'ai souvent fait démarrer des animaux. Rien ce soir, je contourne l'obstacle par la droite quand un bruit de feuilles sèches accompagné d'un mouvement au ras de mon pied me font stopper net et river les yeux au sol. Je viens de passer à quelques centimètres de poser mon pied sur un gros iguane vert qui démarre et part vers l'eau. Habituellement, ces gros lézards fuient de loin et je ne m'attendais pas à en voir un de si près. Il marque un temps d'arrêt au bord de l'eau à moins de 10 mètres avant d'y entrer pour disparaître.
Je continue à longer tout doucement le marécage en sous-bois. Quelques gros iguanes se laissent tomber bruyamment à l'eau dans les moucoumoucous mais les capibaras semblent absents. La prairie s'avance vers le marécage sur quelques dizaines de mètres puis c'est le bois qui s'avance dans la prairie de plusieurs dizaines de mètres. Je traverse le découvert puis rentre dans la langue de bois par un passage dégagé pour revenir vers le bord de l'eau. Les capibaras ont fait de grosses souilles dans la boue noire du sous-bois et le sol est marqué de très nombreuses traces. Je rejoins la lisière du bois sans voir un capibara, je m'avance tout doucement en sortant du bois pour longer le marais surmonté d'une grande butte. Plusieurs gros iguanes se débinent dans l'herbe hautes et rejoignent l'eau sans hâte, ils prennent même le luxe de s'arrêter plusieurs fois avant de rejoindre la sécurité des moucoumoucous. En m'avançant un peu, j'aperçois une tête de capibara dépassant de l'herbe à environ 60 mètres devant moi, au pied de la butte, à environ 20 mètres de l'eau, à l'aplomb d'une touffe de palmiers qui pousse au-dessus de la butte. Je me baisse pour me camoufler derrière le relief du terrain puis remonte la butte contre le bois pour tenter une approche à couvert par le dessus. Le vent n'est pas bon pour surprendre l'animal, il souffle du sommet de la butte vers l'eau et je vais devoir rester décalé pour ne pas être repéré. J'approche un peu voûté et aperçois un capibara qui nage pour traverser la bande d'eau libre séparant la berge des moucoumoucous. Je finis mon approche à genoux en revenant vers la cassure de la butte. J'aperçois vite quelques capibaras assis au pied de cette dernière à un peu plus de 20 mètres. Je me baisse pour m'approcher encore un peu tout doucement, le vent est un peu changeant et alors que j'arrive à environ 20 mètres des animaux ceux-ci se lèvent et commencent à se débiner vers l'eau. J'arme mon arc et vise le plus proche puis décoche. Ma flèche me semble bonne et tous les capibaras se jettent à l'eau pour rejoindre rapidement les moucoumoucous. Je reste un instant sans bouger, à l'écoute mais le calme revient vite et je n'attends pas mon capibaras se débattre. Je pars contrôler mon tir pour m'apercevoir que ma flèche ne porte aucun indice, elle a juste ricoché sur le poitrail de l'animal. Je la récupère et la remets au carquois avant de repartir en longeant le marais qui bifurque à 90° vers ma droite.
Je progresse maintenant face au vent et aperçois vite une grosse bande de capibaras qui broutent au bord d'une hanse du marais. J'en compte au moins 50. Certains sont dans l'eau, les autres sont éparpillés jusqu'au sommet de la butte.
Etant à découvert pour attaquer mon approche, je décide de faire une grande boucle pour les approcher par le sommet de la butte. Je fais donc marche arrière doucement et le plus voûté possible tout en surveillant les capibaras qui ne semblent pas m'avoir repéré. Une fois caché par le relief, je presse le pas pour rejoindre la bordure du bois que je longe en direction du sommet de la butte et des animaux. Je traverse tranquillement le sommet de la butte tout en restant voûté et parcours ainsi une grosse centaine de mètres en direction du marais puis, en me rapprochant de la cassure de la pente qui descend vers l'eau, je finis mon approche à genoux, baissé en me redressant doucement par moment pour tenter de les apercevoir. Je devrais maintenant les voir mais pas un capibara n'est visible, en continuant mon approche, je finis par comprendre en sentant le vent dans mon dos. Ce dernier a tourné et les capibaras m'ont senti, seul un retardataire m'observe à environ 50 mètres, dans l'eau, près de la berge et il finit par s'élancer vers les moucoumoucous.
Je redescends au bord de l'eau pour continuer ma progression. Je longe un instant le marécage et aperçois un autre troupeau de capibaras sur les pâtures de l'autre côté de l'étendue d'eau. Je me baisse au maximum pour tenter de profiter de la hauteur des moucoumoucous du centre du marécage pour me camoufler et progresse ainsi en surveillant par moment les animaux qui ne semblent pas faire attention à ma présence. Revenu en face de l'arrivée du chemin de terre par lequel nous sommes arrivés toute à l'heure, j'aperçois encore d'autres capibaras au loin de l'autre côté du marécage, je décide de tenter de contourner ce dernier pour les atteindre. Je pars tranquillement vers le chemin de terre en m'éloignant de l'eau tout en surveillant les animaux qui semblent toujours paisibles et rejoins ainsi une grosse coulée, en crête de la butte, parallèle au marécage et marquée par le passage du bétail à environ 100 mètres de l'eau. Les capibaras broutent toujours, ils sont très nombreux. Au loin, 2 animaux isolés broutent près d'un bouquet d'arbre, non loin du marécage qui contourne une langue de prairie, au bord d'une clôture de barbelé. Je décide de me focaliser en premier sur eux. Je passe derrière la butte et avance rapidement vers les clôtures puis passe dessous, rejoins le chemin de terre qui passe au bout de l'avancée du marécage que je suivais tout à l'heure, puis biaise vers la clôture qui se dirige droit vers l'endroit où j'ai repéré les animaux que le relief du terrain me cache maintenant. Je passe sous la clôture et avance voûté pour me cacher derrière la végétation pas très haute mais plus épaisse qui borde la clôture tout en surveillant les troupeaux de capibaras qui broutent toujours entre 200 et 300 mètres sur ma gauche.
Je progresse tranquillement et passe plusieurs trous dans la végétation bordant la clôture sans être repéré. La pente du terrain s'accentue vers le marécage et je m'attends à voir les animaux mais ils ne sont plus là. Je m'avance tout doucement en continuant à suivre la bande de végétation qui borde la clôture quand j'aperçois un capibara sur la gauche de cette dernière à environ 50 mètres. Il broute de 3/4 arrière et ne m'a pas vu. Je regarde bien tout autour de moi, les autres capibaras sont loin sur ma gauche. Je commence à me rapprocher en restant baisser. Le capibara commence à avancer en broutant et s'éloigne de la clôture. Un petit bouquet d'arbre poussant près de cette dernière me faisant un petit écran de camouflage, je profite pour presser un peu le pas. Le vent est bon et j'arrive vite à environ 20 mètres du capibara. J'arme mon arc et poursuis mon approche tout en me redressant un peu et en alignant ma visée, les arbres ne me cachent plus et je risque d'être repéré à tout moment. A environ 12 mètres du capibara, je stoppe, cale ma visée en avant sa cuisse et décoche alors qu'il avance d'un pas très lent. Ma flèche est à peine plus en arrière mais le capibara chute lourdement au sol et commence à se débattre. Je passe vite sous la clôture et me précipite vers lui mais le sang coule par ses naseaux et son œil se révulse. C’est fini pour lui, c'est un joli mâle reconnaissable à sa grosse glande sur son museau.
Les autres capibaras au loin n'ont pas bougé. Je décide de laisser mon capibara sur place pour tenter d'aller en flécher un second. Les animaux sont séparés en 2 troupeaux, un en crête et l'autre au bord de l'eau sur la droite. Je m'aligne avec un bouquet d'arbres que je rejoins pour me cacher derrière et observer les animaux. Le groupe en crête semble compliqué à approcher.
Je décide de tenter l'approche sur les capibaras situés au bord du marécage.
Un gros capibara couché plein travers à environ 50 mètres, tourné vers l'eau, à l'ombre de quelques arbres semble se douter de quelque chose. Je rampe sur ma droite, vers la bande de végétation épaisse d'environ 1 mètre de haut et de 1 à 2 mètres de large qui borde l'eau et y entre. Le capibara semble toujours m'observer mais n'a pas bougé. J'observe un instant les capibaras du secteur, un énorme vient vers moi à environ 150 mètres, il marche dans l'eau en longeant la bande de végétation épaisse. Je décide de commencer mon approche. Je progresse à quatre pattes dans la bande de végétation en poussant mon arc devant moi tout en surveillant le capibara le plus proche qui semble m'avoir repéré mais qui reste immobile. J'avance tranquillement noyé dans la végétation, les mains et les genoux plongés dans la boue noirâtre du marécage et gagne peu à peu du terrain en suivant la bande de végétation sinueuse. Le capibara finit par se lever alors que j'arrive à environ 30 mètres de lui. Je me fige et l'observe un instant puis tente d'avancer encore un peu. Il me laisse gagner quelques mètres puis pousse un cri d'alerte et se débine tranquillement vers l'eau où je le perds du vue dans la végétation. Les autres capibaras n'ont pas réagi. Je laisse le capibara s'éloigner pour ne pas l'affoler plus puis reprends mon approche à 4 pattes. Une vingtaine de gros capibaras sont arrêtés près de l'eau à environ 70 mètres. Je décide de me focaliser sur eux et reprends mon approche dans la végétation épaisse. Le vent soutenu est toujours bon, je progresse tranquillement le plus baissé possible pour me fondre dans la végétation et me redresse tout doucement par moment pour observer les animaux que je ne vois pas en approchant. Ils ne bougent pas et me laissent m'approcher. A 12 mètres, j'hésite à tirer mais je décide de gagner encore quelques mètres. A 8 mètres, j'encoche ma flèche, accroche mon décocheur, jette un coup d'œil aux animaux et décide de tirer le plus proche. Il est assis et semble énorme. J'arme doucement mon arc dans la végétation et me redresse tout doucement en prenant ma visée. Le capibara se lève et se positionne plein travers. Mon pin’s se pose bas sur son coffre et je décoche. Ma flèche le traverse dans la zone du cœur avec un jet de sang. Il se précipite à l'eau avec toute sa bande au milieu des gerbes d'eau et des bruits de plongeons. Je me redresse vite pour tenter de le voir fuir. L'eau se soulève, provoquant un soulèvement des jacinthes d'eau sur le trajet des capibaras jusqu'au moucoumoucous situés à environ 30 mètres de la berge.
Les capibaras à couvert, le calme revient vite et je tente de tendre l'oreille pour essayer d'entendre mon capibara se débattre mais avec le vent soutenu, impossible de l'entendre. J'attends un peu puis pars chercher ma flèche. Un groupe de capibaras arrêté au bord de l'eau, sous quelques arbres à environ 45 mètres, me regarde me rapprocher sans bouger. Je retrouve ma flèche couverte de sang posé sur le sol et me dis que mon capibara n'a pas dû aller très loin.
Les capibaras ne bougent toujours pas et tenter une nouvelle approche est très tentant mais j'ai atteint mon quota de 2 capibaras pour aujourd'hui. Je cherche donc des traces de sang pour tenter de m'aider dans ma recherche mais sans succès. Xavier a essayé de m'appeler, je tente de le rappeler sans succès puis lui laisse un message pour lui dire que j'ai tiré 2 capibaras et que je pars chercher le second. Je quitte ma veste de tenue 3D, ma cagoule, mes gants, mon décocheur et laisse mon arc et mon appareil photo puis m'avance dans l'eau noire et mal odorante du marécage qui monte vite jusqu'à ma taille en poussant une masse impressionnante de jacinthes d'eau devant moi, mon portable à la main. Pas la moindre trace de sang. J'arrive au ras des moucoumoucous à l'endroit où il me semble voir rentrer mon capibara mais la "forêt" de moucoumoucou est très dense et je peine à trouver un passage pour y rentrer au milieu des troncs épineux. Je dois me battre contre les racines et les troncs pour me frayer un chemin dans cette jungle aquatique. Je surveille les alentours en avançant mais impossible de voir à plus de 5 mètres et mon capibaras est introuvable. Le temps passe et ma progression est toujours aussi compliquée avec de l'eau souvent jusqu'à la taille et parfois plus haut. Je décide d'aller poser mon portable sur la berge et envoie un massage à Xavier toujours injoignable car il a laissé son portable sur le bord du marécage avec son sac à dos pour approcher, avec de l'eau jusqu'au cou, un groupe de capibaras. Mon portable au sec, je retourne à ma recherche et tente de rentrer plus à gauche dans les moucoumoucous. Après plusieurs dizaines de mètres la végétation très dense fait place à une zone plus claire et je tente de rejoindre cette zone quand de terribles brûlures m'enflamment les dos. C'est alors que je reconnais ce bourdonnement caractéristique et que je me jette en avant pour échapper à cette douleur très vive tout en m'agitant pour me débarrasser des guêpes qui m'assaillent. Heureusement, elles ne me suivent pas sur plus de 10 mètres et rejoignent leur nid que j'aperçois en me retournant. Ce sont des petites guêpes, elles sont très nombreuses sur leur nid de la taille d'un melon.
La douleur vive m'accompagne un moment dans ma recherche qui s'éternise. Je comprends que c'est très mal engagé mais persiste, tourne et tourne encore dans ces moucoumoucos qui griffent mes bras et cette eau pourrie et puante. La luminosité commençant à baisser dans l'épaisse végétation, je dois me rendre à l'évidence que mon capibara est perdu. Je tente de revenir vers la berge et récupère mon portable. Xavier a essayé de me joindre et je le rappelle, il n'a pas compris mon message où j'essayé de me localiser et me cherche avec Daniel depuis un bon moment. Je lui réexplique ou je suis. Ils viennent à ma rencontre avec le 4x4 de Daniel pendant que je vais chercher mon premier capibara. Alors que je dégage ma flèche restée plantée dans mon capibara, je vois arriver mes amis. Je me signale et tire le capibara pour le mettre dans une zone où Daniel pourra l'atteindre en 4x4. Nous chargeons mon capibara dans la benne avec la grosse femelle qu'a fléché Xavier puis partons récupérer mes affaires et avant de partir à 3 pour chercher mon capibara jusqu'à la nuit noire sans plus de succès. Je suis dégoûté surtout sachant que ma flèche était très bonne et que mon capibara ne doit pas être bien loin. Il est peut être mort sous l'eau ou je suis passé tout près sans le voir. Il fait maintenant nuit, je prends tout de même quelques photos de mon capibara avant de le recharger dans le pickup puis nous rentrons.
Sur le chemin du retour nous dérangeons un beau caïman qui plonge dans le marécage au passage de la voiture. Arrivé à la ferme nous prenons quelques photos de nos capibaras avant de rentrer pour préparer la viande.
Malgré ma belle prise, je suis très amer d'avoir perdu ce second capibara que je sais mort. Cette chasse n'est pas la plus difficile en Guyane mais retrouver son animal après le tir dans ce biotope est parfois très difficile.
Alex