Ce soir, je change de secteur, je décide de chasser sur le territoire de « la Grangette » à Pavie en limite de Lasseran. Après une journée au temps gris le soleil est sorti cette après-midi et il fait très chaud à 17h30 quand je sors du boulot. Je rentre chez moi et me prépare sans me presser. J’arrive sur place vers 18h30, c’est 5 minutes de chez moi. Je me gare après la dernière maison et me prépare. J’ai pris le cadeau que Manu m’a fait pour mon anniversaire, une pipette remplie de talc pour tester le vent. Ce soir il vient de ma gauche.
Je commence par longer le haut du bois à travers la friche d’herbes hautes. Vu la chaleur je ne me fais pas trop d’illusion pour le début de soirée. J’avance tout de même doucement et face au vent. Effectivement, j’arrive au bout du bois sans avoir vu bouger quoi que ce soit. Je redescends contre le bois pour revenir à bon vent sur l’autre crête. Je m’étonne de ne pas encore avoir fait partir le moindre chevreuil quand des aboiements résonnent dans mon dos. Le chevreuil fuit dans un bruit de feuilles mortes et de brindilles cassées. J’avance rapidement car je suis à mauvais vent et ce n’est pas nécessaire de s’attarder.
En arrivant au ras du chemin forestier qui remonte vers ma voiture, 2 lapins démarrent dans les herbes hautes de la bande enherbée et rentrent au bois. Je remonte sur quelques mètres le chemin forestier quand un 3ième lapin démarre un peu plus loin sur la bande enherbée. Sur ma droite un passage rentre dans une petite friche enclavée dans le bois et souvent fréquentée par les chevreuils. J’y jette un coup d’œil en avançant doucement à bon vent mais il est encore trop tôt.
Je retourne dans le champ et remonte sur la seconde crête. Je bascule ensuite de l’autre côté vers les champs de blé et la plantation de sapins. Je m’avance en limite du territoire pour être à bon vent. Je suis au bout d’une haie qui borde un champ de blé et qui est perpendiculaire à un grand bois. Je scrute les alentours. Rien en vue. Je descends dans les herbes hautes, entre la haie et le blé, quand, au bord du fossé qui longe le fond de la combe et sépare les 2 champs de blé, sous un gros chêne, une silhouette rousse s’anime dans le blé. Le chevreuil est bien à 200 mètres mais je dirais, à sa morphologie, qu’il s’agit d’une chevrette.
Je tente de me rapprocher et arrive rapidement au fossé que je commence à descendre mais le vent est dans mon dos. J’arrive tout de même à moins de 50 mètres de l’animal. C’est bien une chevrette, elle est en alerte et cherche le danger qu’elle vient de deviner. Elle finit par s’éloigner en faisant de grands bons par-dessus le blé et en s’arrêtant régulièrement pour savoir ce qui la tracasse. Elle disparaît en traversant une haie sans m’avoir vu.
J’hésite, à droite de la haie vers la plantation de sapins ou à gauche de la haie à travers le champ de blé. Ce sera les sapins. Je traverse le semé de tournesol et arrive en bordure de la plantation. Je rentre dans les hautes herbes et slalome entre les petits conifères.
L’un d’eux n’a plus d’écorce et est couvert de boue, les sangliers doivent être dans le secteur, j’ai vu aussi quelques vieux pieds. Je fais du mieux que je peux et avance au ralenti mais ma progression est trop bruyante. Je trouve plusieurs couches de chevreuil mais je ne verrai rien.
Je ressors sur le chemin forestier qui sépare la vielle plantation de la jeune. Sur ma gauche les allées dégagées entre les pins aux troncs dénudés donnent une bonne visibilité alors que les hautes herbes et les petits sapins à droite ne permettent qu’une visibilité réduite. Je sors mon sécateur et coupe les petites branches gênantes tout en progressant. Pas le moindre chevreuil ce soir. Les pins laissent la place à un taillis de buissons noir et la jeune plantation se termine et le chemin tourne à 90° sur ma droite.
Je quitte le chemin et traverse le bois d’épines par les passages de gibier pour atteindre le blé que j’ai délaissé tout à l’heure. Je monte sur le haut du champ contre le bois pour avoir une vision d’ensemble. Un chevreuil broute au milieu du blé à 300 mètres environ. Je compte les passages de tracteur et me recule derrière le relief du champ pour progresser à couvert vers le passage de tracteur. Je contrôle le vent qui est capricieux dans cette combe mais qui m’est plutôt défavorable. Je décide de progresser dans un premier temps contre la haie du bas de combe pour remonter ensuite vers le chevreuil dont la tête brille en crête sous les rayons du soleil. Le champ de blé a une forme de Y avec dans sa fourche un bosquet.
A mesure que je progresse, le relief du champ me cache mon chevreuil. Au coin du bois je ralentis et prends le passage de tracteur à pas de loup pour arriver sur mon chevreuil qui ne doit plus être qu’à 50 mètres. Je calcule mes pas et progresse très lentement mais déception, le chevreuil n’est plus là, il doit être rentré au bois. Je continue à progresser lentement sur 100 mètres avec l’espoir de voir ressortir tout à l’heure mon chevreuil sur l’autre branche du Y. Puis j’accélère, j’ai le vent dans le dos et peu de chance de voir des chevreuils à portée de flèche dans ces conditions.
Une grosse zone d’avoine a poussé au milieu du blé et dépasse de bien 40 cm le reste de la végétation. Tout à coup, une paire d’oreilles rousses se détache de la verdure derrière l’avoine. C’est une chevrette, elle est à 30 mètres. J’attrape mon appareil photo et l’allume pour ne pas faire de bruit au dernier moment. Je me rapproche doucement par le passage de tracteur qui passe à 4 mètres d’elle. Elle est paisible et broute en me tournant le dos. J’arrive sans difficultés à moins de 10 mètres d’elle et lève mon appareil pour la prendre en photo quand mon appareil me signale que les batteries sont vides et s’éteint. Je le remets dans ma poche et tente de finir mon approche. Arrivé à 6 ou 7 mètres de le chevrette, celle-ci tourne la tête vers moi, me fixe un moment puis démarre en faisant d’abord de grand bon d’observation au-dessus du blé puis détale ventre à terre à mon premier mouvement.
J’arrive au bout du blé, traverse le bosquet et reviens à bon vent par l’autre branche du Y. Je suis en plein milieu du blé sur le passage de tracteur. Une chevrette gîtée contre la haie sur ma gauche se lève et détale vers le bois pour disparaître en un éclair. J’avance encore un peu pour voir le bout du champ. Rien à l’horizon, je fais demi-tour.
Je remonte sur la crête, descends dans la combe puis remonte vers ma voiture en levant un autre lapin au passage. Que faire ? Changer de territoire ou tenter un second tour de piste. Il est 20h15 passé. Je jette un coup d’œil sur la combe en Lasseran. Un chevreuil descend à travers les hautes herbes sur le versant d’en face. Je suis hors territoire, je range ma flèche et tente une approche pour le fun. Je commence par faire un grand détour pour revenir par la bordure du bois au fond de la combe. J’avance rapidement quand une forme, au bord du blé qui fait suite au bois, m’interpelle. Je pense d’abord à un renardeau mais l’animal qui m’observe finit par détaler et se dévoiler. C’est un chat.
Je longe le blé et arrive derrière une haie qui sépare les hautes herbes du blé. Je m’arrête pour observer. C’est une chevrette et elle descend en biais. Les moustiques en profitent pour s’occuper de mon cas. Je longe la bande étroite d’orge qui borde les hautes herbes et parviens à me positionner à l’aplomb de la chevrette à 40 mètres d’elle. Je la regarde un moment mais harcelé par les moustiques je décide de m’éloigner. La chevrette finit par me voir m’éloigner et reste sans broncher pour reprendre son repas alors que j’arrive à la voiture.
Il est presque 21 heures, ça ne vaut plus le coup de partir pour l’autre partie du territoire. Je décide de marcher tranquillement sur le chemin de terre de crête et de tenter d’apercevoir un chevreuil d’un côté ou de l’autre. La voiture est bien à 400 mètres quand je regarde mon portable. Il est 21 heures, la luminosité commence un peu à baisser, la fraîcheur tombe « les choses sérieuses vont commencer ». Je ne croyais pas si bien dire, en relevant la tête j’aperçois un brocard au milieu des hautes herbes. Il est à 100 mètres au plus et à 40 mètres du chemin.
Je passe en mode prédateur. Je profite de chaque moment où il plonge la tête dans l’herbe pour faire quelques pas avant de m’accroupir un instant pour observer. Le brocard au départ tourné vers le chemin bifurque pour venir vers moi en longeant le chemin. Il s’arrête pour brouter, j’avance rapidement et m’accroupis quelques mètres plus loin, juste à temps, il vient de lever la tête et regarde vers moi. Il se lèche énergiquement l’épaule, les pointes de ses bois ressortent bien blanches, il a l’air beau. Il biaise légèrement pour remonter sensiblement vers le chemin. J’avance à nouveau rapidement puis m’accroupis à nouveau juste à temps. Il regarde à nouveau vers moi. Je reste immobile, ma position haute n’est pas confortable, seules quelques tiges d’avoine me cachent de sa vue. Il reprend sa route et devinant la suite des évènements, je m’agenouille et le laisse venir. Je suis baissé au maximum pour me cacher derrière les quelques herbes qui font un semblant d’écran. Il avance lentement, plein travers, tête haute à 10 mètres du chemin. Il tourne la tête vers le fond de la combe. J’arme mon arc et place mon viseur.
Il reprend sa marche et s’arrête quelques mètres plus loin à plus ou moins 10 mètres, ma visée est prise, je décoche. Ma flèche me semble trop en avant. Un impact cassant se fait entendre et le brocard fait volteface, démarre en trombe sur 30 mètres, s’arrête, cherche à comprendre ce qui vient de se passer puis remonte tranquillement le long du bois comme si de rien n’était. Sa respiration devient, tout à coup, très forte et rauque, il est à 80 mètres environ mais ce bruit particulier m’interpelle. Il finit par disparaître.
J’attends un peu puis je pars à la recherche de ma flèche pour trouver des indices sans trop y croire. Une chevrette démarre des hautes herbes et zigzague en aboyant avant de rentrer au bois où elle continuera à aboyer un moment. Ma flèche est introuvable mais du sang pulvérisé en grande quantité dans les herbes hautes attire mon regard. Il est encore tôt pour faire la recherche, d’autant que je ne suis pas trop confiant au vu de ma flèche très en avant. Je tente de retrouver encore ma flèche sans succès. Au bout de 15 minutes environ je prends la piste de sang, ce sang brumisé me fait penser à une atteinte d’artère. Puis au bout de 30 mètres environ le sang devient très abondant au sol. De grosses gouttes jonchent le sol sans discontinuer et formes de gros rond à trois endroits successifs, certainement des endroits où le chevreuil s’est arrêté un moment. La piste rentre dans le bois. Je décide de retourner à la voiture pour aller chercher de nouvelles piles pour mon appareil le temps de laisses l’hémorragie se faire.
En route j’appelle Laurent et Manu puis reviens arc en main au cas où. Mon appareil photo tombe à nouveau en rade, les piles n’étaient pas assez chargées et je n’ai pas pu faire de photo de la piste au sang. La piste est très abondante dans le bois et mon chevreuil est mort 10 mètres plus loin. Il semble intact ! Aucune blessure apparente. Je le retourne et là tout s’explique ma flèche trop en avant lui a sectionné la jugulaire ce qui explique ce sang pulvérisé. J’ai eu beaucoup de chance de le retrouver aussi vite avec une telle flèche ! Je ne m’explique pas la trajectoire de ma flèche alors que mon arc est parfaitement réglé.
Alex
Trophée (2 fleurs de lys) :