Il a bien plu cette nuit et ce matin, le sol sera idéal pour l'approche, je décide donc de retourner sur un secteur que j'ai fait avec Vincent et Eric lors du dernier weekend de prise de vue. Ce soir-là, le terrain était tellement sec que l'approche avait été rendue très difficile. Je connais depuis quelques années un beau brocard dans ce secteur et l'autre soir, il nous avait faussé compagnie en surgissant d'un blé sur la gauche du ruisseau, nous avait regardé un peu, plein travers sur la pente du bois puis s'était éloigné en aboyant. Je prends le Butollo pour la première fois de la saison.
Arrivé avant 8 heures, je me gare près d'une vigne, me prépare puis descends en longeant la route vers le ruisseau. Le grand champ de blé sur ma gauche a été moissonné. Pour le moment le vent n'est pas bon il souffle dans le sens de ma future chasse. Arrivé au ras du ruisseau, je quitte la route et prends la bande enherbé entre la haie épaisse qui enveloppe le cours d'eau et un long champ de blé. Comme je le pensais, le vent vient de tourner face à moi. Je suis un moment la bande enherbée mais le blé vient se coller à la haie, je rentre donc jusqu'au premier passage de tracteur pour continuer à progresser sans trop de bruit. Les sangliers et les blaireaux ont attaqué le blé et fait de gros dégâts par endroit. J'arrive au bout du champ sans voir le gros brocard qui nous avait bien eus l'autre weekend en nous laissant passer pour se lever dans notre dos. Je traverse une grosse haie pour progresser maintenant en bordure du ruisseau, sur une prairie fauchée au milieu des balles de foin.
Ayant une visibilité à grande distance, j'en profite pour avancer rapidement vers le blé suivant. Alors que j'arrive au bord du blé, je regarde la surface des céréales quand les bois d'un petit brocard 4 pointes surgissent à 7 mètres devant moi. Je me fige, ses oreilles orientées vers moi, il est à l'écoute, il a dû m'entendre arriver. J'attends un moment sans bouger, il finit par baisser la tête, je me décale très lentement vers le bord du ruisseau pour tenter de rejoindre le passage de tracteur qui passe juste à 4 mètres de chevreuil. Il relève la tête et je me fige à nouveau mais au bout d'un moment, il démarre et s'éloigne à grand bon suivi par une belle chevrette que je n'avais pas vue.
J'attrape rapidement mon Butollo et tente quelques appels courts mais le couple s'éloigne et disparaît à 40 mètres environ derrière le virage du ruisseau. Je range mon appeau et commence à les suivre très doucement par le passage de tracteur. En arrivant dans le virage, j'aperçois les oreilles de la chevrette qui revient tranquillement dans le blé. Je me fige en espérant apercevoir le brocard. Elle finit par s'arrêter pour commencer à manger. Je reprends mon approche tout doucement et arrive à moins de 10 mètres de la chevrette qui tend les oreilles vers moi. Le passage de tracteur suit la courbe du ruisseau et tourne autour de la chevrette à moins de 10 mètres. Arrivé entre elle et le cours d'eau et n'ayant pas revu le brocard, je décide de tenter quelques coups de Butollo pour voir sa réaction. Ses oreilles sont toujours braquées sur moi mais sa tête reste sous le niveau des céréales. J'attrape mon appeau et commence mes appels. Immédiatement la chevrette fonce sur moi à grands bons mais elle se rend vite compte de ma présence et bifurque à 90° avant de s'éloigner sur ma gauche et disparaître à un peu plus de 50 mètres.
Je reprends doucement ma progression et arrive sur un chemin de terre qui traverse le ruisseau et sépare 2 parcelles de blé. Je traverse le ruisseau et observe le blé de l'autre côté où j'espère revoir le grand brocard. Ne voyant rien, au bout d'un moment, je longe la bordure du champ contre une grosse haie, qui rejoint le bois, puis le bois un court instant avant de monter le talus par une grosse coulée. Je m'arrête au bout d'une rangée d'arbres qui borde un fossé à mi pente.
Ce poste me permet de voir devant moi mais aussi sur ma gauche dans un petite clairière.
L'autre soir, comme d'ailleurs chaque fois que je l'ai vu le brocard, il est rentré sur un chemin forestier un peu plus loin devant moi. J'ai confiance dans mon poste. J'observe un peu les alentours, accroche mon décocheur puis attrape mon appeau. Dès les premiers appels courts un galop retentit mais je n'arrive pas vraiment à savoir s'il vient du blé ou du bois. Le galop répond à chaque appel s'arrêtant un court instant à chaque interruption de mes appels. Ça se rapproche mais l'animal émet un son proche d'un grognement de sanglier. A la cadence du pas ça ne peut pourtant être qu'un chevreuil, il doit avoir les naseaux encombrés par des œstres.
Ça y est, je l'aperçois, je lâche le Butollo attaché à mon poigné et arme mon arc. Le brocard s'arrête à 20 mètres environ face à moi et observe dans ma direction sans m'identifier. Le temps passe et le brocard reste immobile, il est de face, un peu loin et partiellement masqué par des branchages. Le tir est impossible et je ne peux plus me servir de mon appeau qui pend à mon poigné. Je tente quelques aboiements faibles d'un brocard moins gros mais il ne réagit pas.
Je désarme donc doucement mon arc et reprends mon Butollo, je reprends mes appels mais en faisant de courts appels timides et espacés. Cette fois, le brocard se remet à bouger, il saute le fossé sur sa droite et passe derrière les arbres pour remonter au pas dans la clairière sur ma gauche. Je stoppe mes appels et arme mon arc en le laissant venir. Il passe derrières quelques genévriers secs puis s'avance à découvert plein travers à 10 mètres environ alors que mon viseur se cale derrière son épaule. Je décoche. Ma flèche est haute, sous colonne et ressort dans le cuissot, le brocard à démarrer à la décoche. Je le vois partir avec ma flèche en travers. Il saute le fossé où il s'était arrêté tout à l'heure puis à ma grande surprise, il longe la rangée d'arbres au galop pour foncer droit sur moi.
Il stoppe net à 2 mètres de moi, ses pattes écartées, le sang coule sur son flanc, il me regarde un court instant puis se met à trembler, chancelle et roule au pied du talus près du blé ou il s'immobilise rapidement après quelques soubresauts. Il a peine parcouru 20 mètres, l'artère sous colonne a dû être touchée.
Je parcours à l'envers le trajet du chevreuil et retrouve l'endroit où il a sauté le fossé qui est maculé de gouttes de sang.
Je retrouve, à quelques mètres, ma flèche couverte de sang dont la lame, légèrement tordue, s'est enroulée dans la végétation qui a extirpée ma flèche du corps de l'animal. Je la récupère et reviens vers mon brocard.
C'est un beau 5 pointes qui ravale, ses dents sont très usées, ce brocard que je connais depuis 4 ans doit certainement en avoir quelques-unes de plus, un sentiment partagé m'envahi, ce chevreuil qui jouait avec mes nerfs depuis quelques années n'est plus, je ne le verrai plus s'éloigner en aboyant.
Il est à peine 8h30, je décide de continuer à chasser mais en changeant de secteur, j'attache les 4 pattes du chevreuil et le charge sur mon épaule pour revenir vers la voiture. En ressortant sur le pré fauché, j'aperçois un chevreuil qui détale au milieu des balles de foin. Je m'avance rapidement derrière une balle ronde et attrape mon appeau. Au premier appel, le chevreuil s'arrête derrière une balle de foin à 50 mètres, je tente des appels mais le chevreuil reste immobile et ne vient pas. Avec mon brocard toujours sur l'épaule, je me décale à découvert pour mieux l'observer, c'est une chevrette, elle met un moment à réagir puis remonte vers un bouquet d'arbres sous une habitation.
Je rejoints la route et commence à la longer en direction de la voiture quand un basset commence à me suivre en aboyant, voyant qu'il va me suivre jusqu'à la voiture et que sa propriétaire tente de le rattraper, je fais une pause au bord de la route et pose mon chevreuil qui me scie l'épaule. Le chien arrive puis sa propriétaire, étonnée de me voir avec un arc et un chevreuil, elle me pose quelques questions. Elle a élevé un petit chevreuil au biberon l'an dernier, je la rassure en lui montrant ce vieux brocard. Nous discutons un peu puis nous nous quittons et je rejoins ma voiture et charge le chevreuil dans la malle avant de partir pour le second secteur de chasse où chaque année nous organisons la battue avec les archers.
Je me gare au bord du chemin de terre qui traverse l'Osse sur un petit ponton, me prépare puis traverse la rivière pour rejoindre le bois longé par le bras mort de la vielle Osse que je suis un moment jusqu'à une passerelle qui me permet de traverser. Je passe la vielle palombière et ressors du bois de l'autre côté. Mon téléphone vibre, je décroche et commence à discuter quand un sanglier de 40 kg environ arrive droit sur moi en plein découvert. Je m'arrête de parler et me fige mais ce dernier surpris s'arrête également, m'observe un instant puis fais demi-tour et traverse une grosse haie pour disparaître. Je termine ma discussion téléphonique et raccroche.
Je prends le même chemin que le sanglier et traverse la haie par un passage. En sortant de l'autre côté, j'aperçois trop tard un renard assis contre le bois à ma gauche. Il m'a vu et fonce à couvert, je tente des cris de souris mais il est certainement déjà loin. Je remonte en suivant la haie et passe tout près d'un gros lièvre au gagnage qui ne s'inquiète même pas de ma présence et me laisse passer sans interrompre son repas. Je fais le tour d'un grand bois en faisant des pauses pour appeler au Butolo mais pas de réponse. Alors que j'ai presque fini le tour du bois, j'y rentre par un chemin forestier et cherche un poste pour appeler quand j'aperçois juste à 15 mètres sur ma droite un gros brocard de 3/4 arrière qui semble à l'écoute. Il a dû m'entendre quand je longeais le bois. Il ne me laisse pas le temps de réagir, je suis à mauvais vent et il vient de me sentir. Il fonce à couvert dans le sous-bois et ne réapparaîtra pas malgré mes appels.
Je ressors du bois, rejoins la vielle palombière, traverse la vielle Osse et la longe en direction des peupliers au bout du bois. Une chevrette surgit du blé et rentre à couvert. Je longe dans les peupliers et rejoins un passage où la rivière est peu profonde au coin du bois. Je descends vers l'eau quand un gros ragondin arrive en longeant la berge opposée. J'arme mon arc et vise quand il décide de s'arrêter en face de moi contre la berge. Ma flèche au défaut de l'épaule le cloue sur place. Il gronde et se débat en essayant de se dégager mordant avec fureur les racines de la berge. Je tente une seconde flèche mais le manque lamentablement. Je traverse et le saisi par la queue alors qu'il est entrain de rendre son dernier souffle, je le saisis par la queue mais ses dents enfoncées dans une racine résistent un moment avant de lâcher.
Je le pose sur la berge et traverse la rivière pour remonter au coin du bois et d'un tournesol. Resté dans la végétation, j'appelle au Butollo quand un galop retentit sur ma gauche et fait claquer les feuilles de tournesol. Je me prépare mais c'est une chevrette qui surgit à 6 mètres de moi. Elle trépigne et tremble, j'appelle encore et elle vient s'arrêter devant moi à moins de 2 mètres. Je tente d'attraper mon appareil photo mais l'ouverture du scratch la fait partir et retourner dans le tournesol. Je recommence mes appels. La végétation bouge à 10 mètres sur ma droite, elle semble rentrer dans le lit de la rivière. Je continue à appeler et la vois arriver au pas pour se planter à 2 mètres derrière moi mais cette fois elle me sent et démarre en trombe pour rentrer au bois.
Je fais demi-tour, récupère mon ragondin et rentre alors que la nuit tombe.
Alex
Trophée :
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