Comme chaque année, j'ai posé une semaine de congés pour chasser le cerf dans les Pyrénées, à Sarrancolin mais cette année a un goût particulier car cette chasse ne m'enchante plus comme par le passé et je pense que ce sera ma dernière saison de chasse au cerf. Cette année j'aurais dû avoir un bracelet de C2 (plus de 10 cors) mais finalement, la société de chasse ne peut m'attribuer qu'un C1 (moins de 10 cors). En compensation, pour le même prix qu'un C2 j'ai 2 bracelets, un C1 et une biche. Cette situation ne me motive pas d'avantage car avant même de commencer la chasse se pose déjà la question du "que faire de toute cette viande" ?
Le 20 septembre au soir, après ma journée de boulot, je pars directement pour les Pyrénées pour une première soirée de chasse à l'approche qui va se révéler assez décevante, peu d'animaux vu et le brame ne semble pas avoir encore commencé. Le lendemain, je décide de passer une journée complète à chasser en montagne, parti le matin à la nuit, je ne redescendrais qu'avec la nuit mais cette journée sera le parfait reflet de la journée précédente. Seul un jeune cerf de 6 pointes semble fréquenter le col qui habituellement est très animé à cette période de l'année et je l'aperçois toujours furtivement de loin sans pouvoir tenter une approche. Le brame est très discret et épars.
Refroidi par mes mésaventures de l'année dernière et manquant sérieusement de motivation pour chasser cette année, je décide de prélever soit la biche soit le cerf et de m'arrêter là, de plus je n'ai pas la place au congélateur de stoker les 2 animaux. Au troisième jour, je repars alors qu'il fait encore nuit pour remonter vers le col. Je quitte le chemin de terre qui descend chez mon ami Patrick, suis un peu la route en redescendant vers Sarrancolin puis bifurque à gauche pour rattraper un chemin de terre qui remonte vers les sommets. Pas un brame ce matin, quelle tristesse. Je remonte tranquillement le chemin de terre en sous-bois quand quelques animaux démarrent sur ma droite sans que je puisse les voir dans l'obscurité totale. Ils s'arrêtent à l'écoute puis repartent en gravissant le penchant et en faisant rouler les pierres pour traverser le petit sentier pierreux que je vais rejoindre dans un petit moment pour monter droit vers le col.
Je reprends ma progression, un peu plus loin, je quitte le chemin et remonte un petit pré pour rattraper le petit chemin pierreux. Toujours pas de brame, c'est la première année que je vois ça, c'est certainement un signe. Je suis un moment le petit sentier à travers bois pour retomber plus loin sur un grand chemin de terre qui rejoint l'enclave grillagée. Je le suis et traverse l'enclave, fais une pause pour me désaltérer à l’abreuvoir puis attaque la piste taillée à flanc de montagne dans la roche alors que le jour commence à se lever. Rapidement, j'aperçois une bichette au gagnage sur la gauche de la piste contre la paroi rocheuse. Je tente une approche alors qu'elle s'éloigne en me tournant le dos. Je gagne peu à peu du terrain en restant plaqué contre la roche mais, tout à coup, la bichette remonte la pente très raide pour rejoindre le couvert boisé au-dessus de moi. Je m'avance pour tenter de l'apercevoir mais une biche donne l'alerte et les animaux démarrent.
Je poursuis ma route vers le col où j'espère revoir le jeune cerf vu hier matin. Le lever du soleil embrase le ciel.
Pas de cerf ce matin, je passe donc le col et continue ma route pour prospecter le secteur de genets et de fougères où j'ai fléché mon cerf l'an dernier. Quelques cerfs brament timidement sur le penchant du territoire voisin mais le secteur que je chasse est vraiment très calme. Je décide de rentrer de 10 à 15 mètres dans le bois qui borde le bas des genets et progresse tout doucement en suivant une grosse collée faite par les chevaux. Un brouillard léger enveloppe le sous-bois. Je m'arrête régulièrement pour écouter et observer quand un mouvement attire mon attention. Un sanglier d'environ 70 kg vient droit sur moi. A bon vent et calé au pied d'un gros hêtre, je le laisse venir. Il avance au petit trot avant de se figer net à 10 mètre environ de 3/4 face. Il regarde vers moi et nous nous observons un moment avant qu'il ne face demi-tour et disparaissent dans le bois.
Le secteur est vraiment trop calme, je décide de descendre pour rattraper une piste un peu plus bas, elle est hors territoire mais couverte de souilles et j'aimerais bien savoir si les cerfs sont dans le secteur ou pas. Effectivement les souilles semblent bien fréquentées. Je suis doucement la piste et observe au-dessus et en dessous quand j'aperçois un brocard, il est à 15 mètres environ, tourné face à moi et m'observe sans bouger alors que je viens de me figer. Je tente d'attraper tout doucement mon appareil photo, ouvre doucement le scratch de l’étui, sort l'appareil, l'allume... le brocard n'a toujours pas bougé mais au moment où je m'apprête à le prendre en photo, il fait volte-face et disparaît dans la végétation. C'est alors qu'une chevrette et son chevrillard en profitent pour surgir des fougères à juste 10 mètres devant moi pour foncer dans la même direction que le brocard. Les fougères bougent à nouveau et j'aperçois alors la tête du second chevrillard qui n'a pas compris ce qui se passait et qui est resté sur place. J'arrive à le filmer très furtivement alors qu'il se débine dans les fougères.
Un brame retentit un peu plus loin au-dessus de la piste. Enfin ! Je quitte la piste et remonte par une petite coulée en direction du brame. Le cerf brame timidement par intermittence et je me rapproche tout doucement. J'arrive à environ 40 mètres de ce dernier mais le bois épais m'empêche de le voir quand, tout à coup, un bruit de pas retentit au-dessus de moi, un gros daguet fourchu se débine à 50 mètres au-dessus de ma position. Le sous-bois est trop découvert et le sol couvert de feuilles mortes, je ne peux que le regarder s'éloigner. Une fois le daguet parti, je tente de terminer mon approche mais le cerf me repère et se coule dans le bois sans que je puisse vraiment le voir.
Je remonte vers les genets et repars vers le col où je fais une longue pause pour écouter et profiter du paysage un peu embrumé ce matin mais très ensoleillé.
Après un long moment passé à me promener et à écouter, Je décide en tout début d'après-midi d'aller chasser le secteur où j'avais blessé un très gros cerf l'an dernier. Je suis la piste de gravier pour arriver dans un virage au pied d'une belle combe qui descend au milieu des hêtres. Je remonte doucement vers une grosse souille pour voir si elle est fréquentée.
J'avance tout doucement quand un mouvement sur ma droite me fait stopper net. Un jeune cervidé broute au milieu des repousses de hêtre sur un promontoire rocheux. Je suis à découvert et il regarde vers moi. Je reste immobile et l'observe quand un craquement se fait entendre. Alors que je cherche la provenance du bruit, j'aperçois une belle biche entrain de brouter un peu plus bas dans les petits hêtres. Elle ne m'a pas vu et mange paisiblement. Je m'avance doucement vers 3 gros hêtres à quelques mètres et me cale derrière pour réfléchir à la meilleure technique d'approche.
Le jeune cervidé s'est remis à manger, la biche avance doucement pour prendre une coulée qui descends vers la souille à 40 mètres plus haut sur ma gauche. Je profite du fait qu'elle disparaisse dans les arbustes pour descendre dans le creux de la combe à pas calculés et arrive à me positionner sous les petits hêtres. La biche est à 10 mètres environ au-dessus de moi mais je ne peux pas la voir. Je me positionne pour pouvoir la tirer à la sortie des arbustes quand, tout à coup, elle démarre et se plante à environ 15 mètres, à découvert, de 3/4 arrière au-dessus de moi. J'arme mon arc, prends rapidement la visée et décoche mais ma flèche semble passer dessous et ricoche mans les rochers. Le jeune cervidé disparaît dans la végétation.
A ma grande surprise la biche fait volte-face et fonce droit sur moi. Le temps de réagir, elle passe à quelques mètres de moi sur ma droite. Je constate avec horreur que l'intégralité de ses viscères pend sous son abdomen. Elle s'élance d'un bon prodigieux pour franchir le fond de la combe mais se rate, sa patte arrière gauche semble traîner. Elle s'écrase au sol dans un bruit abominable puis se relève rapidement, remonte la pente opposée, fonce pour rejoindre le couvert 40 mètres plus loin et disparaître derrière le relief. Je suis dégoûté, j'aurais vraiment préféré manquer ma biche et j'espère maintenant la retrouver car je ne pense pas qu'une telle blessure soit mortelle à court terme.
Pour passer le temps et me calmer un peu, je pars tenter de retrouver ma flèche et des indices. Ma flèche est introuvable mais je trouve rapidement quelques petites gouttes de sang dès l'impact.
Je suis la trajectoire de la biche au milieu des petits hêtres qu’elle a couverts de contenu stomacal et de sang, la piste est très facile à suivre. J'arrive rapidement à l'endroit où la biche est tombée, le feuilles mortes retournée sont couvertes d'éclaboussures de contenu stomacal sur un rond d'au moins 5 mètres de diamètres. La piste devient de plus en plus marquée en remontant le versant opposé de la combe. De grosses taches de sang jonchent le sol.
La piste devient de plus en plus abondante et les premiers petits hêtres sont maculés de sang.
Je suis toujours la piste d'un pas rapide sans aucune difficulté quand je tombe sur une très grosse quantité de sang et les intestins de la malheureuse biche.
La piste traverse des petits hêtres entièrement repeints en rouge
puis je tombe sur la panse et la rate de l'animal.
La biche gît un peu plus loin calée contre un jeune hêtre, elle est morte. Je suis soulagé, elle n'a pas fait plus de 130 mètres malgré cette atteinte très mauvaise.
Ma flèche lui a en fait sectionné les tendons du genou gauche avant de lui ouvrir le ventre de juste après les tétines jusqu'au sternum. J'ai eu beaucoup de chance mais cette mauvaise expérience va me faire prendre une décision qui me trottait déjà dans la tête, je ne rechasserai pas le cerf les années prochaines et je ne vais pas continuer à chasser pour fermer mon second bracelet cette année.
Alex