Ce soir, un couple d'amis de Belgique est passé nous voir pour 2 jours, Massoud n'est pas chasseur mais il a très envie de m'accompagner lors d'une de mes chasses. En rentrant du boulot, nous nous préparons, je lui prête une tenue de camouflage puis nous partons pour mon territoire de tir d'été. Le temps est idéal pour la chasse, il ne fait pas trop chaud et le vent souffle. Nous arrivons sur place vers 19h30, nous allons chasser une petite zone de blé, de vigne et de friche autour d'un petit lac et d'un petit bois. Je me gare sur un chemin de terre au-dessus du lac. Je contrôle le vent qui vient de notre gauche, nous partons donc, au travers d'une vigne entourée du blé, face au vent et rejoignons la bordure du blé que nous longeons un instant en direction de l'angle droit de la vigne. Une mare, formée par les fortes pluies autour de quelques arbres près de la vigne, abritait quelques canards qui s'envolent face au vent. Nous rentrons dans le blé, je m'arrête régulièrement pour scruter la surface des céréales quand j'aperçois la tête d'une chevrette qui émerge. Je me baisse rapidement en la montrant à Massoud. Nous nous avançons rapidement vers le passage de tracteur dans lequel se trouve la chevrette. Nous nous baissons régulièrement mais la chevrette n'est pas inquiète et ne regarde même pas les alentours quand elle relève la tête. Nous arrivons rapidement au passage de tracteur puis commençons à le longer en nous baissant à chaque fois que la chevrette redresse la tête. Elle est à environ 80 mètres, le vent latéral ne lui permettra pas de nous sentir.
Massoud me suit et prend des photos et des petits films avec son téléphone et sa vision de non chasseur tout en commentant par moment les événements à voix basse. Petit à petit, nous nous rapprochons de la chevrette en nous baissant régulièrement puis cette dernière reste un long moment sans remonter la tête et nous avançons vers elle tout doucement. J'aperçois par moment le mouvement du blé qui la trahit mais brusquement, alors que nous sommes à 30 mètres environ, elle relève la tête et regarde vers nous. Je me baisse mais trop tard, elle démarre et fuit à grand bon. Je l'abois et la stoppe ainsi un court instant puis elle reprend sa course et nous la perdons de vue. Pendant sa fuite, j'en profite pour jeter un coup d'œil aux alentours mais pas d'autre chevreuil en vue.
Nous rejoignons une bande enherbée bordée d'arbres sur notre gauche puis la longeons en direction d'une ruine. Arrivés près du bâtiment partiellement effondré, je me retourne pour regarder en arrière et aperçois la tête d'un chevreuil qui traverse tranquillement le blé de l'autre côté de la bande enherbée pour rejoindre cette dernière. J'interpelle Massoud et lui montre l'animal. A sa démarche, je suis presque sûr qu'il s'agit d'un brocard. Le brocard arrive à la bande enherbée où je le perds un court instant de vue puis il m’apparaît à nouveau au pied d'un des gros arbres. Je presse le pas et nous rejoignons le premier des arbres sur la bordure droite de la bande enherbée puis avançons rapidement d'arbre en arbre. Leur alignement masque notre progression. Au pied d'un des arbres, je me penche pour observer et aperçois le chevreuil qui vient droit sur nous par le milieu de la bande enherbée. J'avance rapidement jusqu'au dernier arbre puis regard à nouveau mais le chevreuil a disparu, je le cherche un instant puis traverse la bande enherbée pour observer à nouveau, caché derrière un autre arbre. Je fais signe à Massoud de rester là puis commence à avancer doucement sur la gauche de la bande d'herbe. Le vent souffle de ma droite. Je m'attends à voir le brocard à tout moment mais impossible d'y mettre les yeux dessus quand, tout à coup, il surgit du blé à 2 ou 3 mètres sur ma gauche et fonce à travers la culture.
Je tente de m'agenouiller et d'aboyer mais je suis à mauvais vent et le chevreuil ne veut pas s'arrêter. Je reviens en courant vers Massoud espérant pouvoir le couper plus loin mais il file trop vite et je le laisse s'éloigner. Nous revenons vers le chemin de terre au bout duquel nous sommes garé pour rejoindre la route et descendre vers Justian pour réattaquer le territoire à bon vent. Nous avançons tranquillement sur le chemin et je jette un coup d’œil dans le blé sur notre gauche et sur le petit lac, au milieu de la culture, où pataugent un ragondin, des foulques et des canards. Massoud m'interpelle, il a vu un chevreuil devant nous. Je me fige et observe, c'est bien un chevreuil qui fait sa toilette à environ 50 mètres devant nous. Je l'observe un instant et m'aperçois qu'il s'agit d'une chevrette. Nous nous calons contre la haie qui borde la droite du chemin et commençons à nous rapprocher alors que le chevrette traverse elle aussi le chemin pour venir brouter quelques feuilles dans la haie.
Nous avançons tranquillement et la courbe du chemin me fait perdre un moment la chevrette de vue. Je pense qu'elle a traversé la haie pour rejoindre la vigne au-dessus mais je finis par l'apercevoir à nouveau. Elle regarde un moment vers moi et je me fige pour l'observer puis elle reprends son repas et me tourne le dos pour s'avancer un peu. Je me rapproche encore un peu et arrive à environ 30 mètres de la chevrette. Je me fige et fais signe à Massoud de me rejoindre puis le fais passer à ma droite pour le faire passer devant et lui faire tenter l'approche. Je lui montre la chevrette puis il commence à s'avancer. Il est vite repéré et je lui chuchote de s'arrêter, ce qu'il fait puis la chevrette reprends son repas et Massoud son approche mais des brindilles qui cassent sous ses pas le font repérer à nouveau et la chevrette se tourne vers lui. Malgré cela, il poursuit son approche et la chevrette détale pour traverser le chemin puis la haie de gauche pour rejoindre le blé autour du lac.
Nous rejoignons la route et descendons vers Justian jusqu'à un chemin de terre qui prend à gauche sous une petite peupleraie. Nous le longeons tranquillement, rien dans le blé de droite. Nous passons une haie sur notre droite puis arrivons dans un pré ponctué de balles rondes. Au loin sur notre droite, un chien fouille le foin près d'une habitation. Pas de chevreuil, nous traversons le pré et rejoignons une bande boisée que nous traversons pour arriver dans une friche d'herbes hautes et de repousses de frênes. Le terrain remonte doucement vers une petite crête quand j'aperçois sur la gauche de la friche, derrière la cassure du terrain, les bois et le front d'un beau brocard qui dépassent. Je me fige et chuchote à Massoud de se baisser.
Je me mets à genoux et commence ainsi mon approche en direction de la crête, le vent est bon, le brocard biaise doucement vers moi tout en s'arrêtant pour brouter par moment.
En arrivant près de la crête je continue mon approche à 4 pattes en m'arrêtant pour regard la progression du chevreuil et arrive ainsi juste derrière la crête où je me poste pour laisser venir le brocard. Ce dernier biaise un peu vers le bois et s'éloigne donc de ma position, il passera maintenant à environ 20 mètres de moi. Je tente de bouger un peu mais il aperçoit le mouvement. Je me plaque au sol. Le brocard reste un moment figé à regarder vers moi, je reste immobile et le brocard se remet à brouter mais reste inquiet et regarde souvent dans ma direction en se léchant les naseaux. Constatant une faille dans sa garde, je tente de me redresser pour armer mais à nouveau il repère le mouvement et commence à devenir très nerveux. Il regarde vers moi, tape du sabot, se lèche les naseaux, hésite, fait mine de partir puis revient un peu puis se retourne à nouveau. Il est un peu loin 20 à 23 mètres environ mais alors qu'il se positionne en 3/4 arrière, je me redresse, arme mon arc, prends la visée et décoche. Le brocard a bougé au même moment mais j'entends l'impact sans pouvoir voir l'atteinte.
Le brocard démarre avec une course très saccadée. Il décrit une boucle par ma droite en aboyant et s'arrête à environ 40 mètres plein travers pour chercher à comprendre ce qui vient de se passer avant de redémarrer au galop. C'est alors que j'aperçois ma flèche plantée dans son arrière train et qui dépasse d'environ 30 cm. Je le perds rapidement de vue dans mon dos, derrière le relief du champ. Je ne suis pas très confiant sur la rapidité avec laquelle mon brocard va succomber à une telle blessure.
Je me redresse et me retourne vers Massoud qui vient à ma rencontre, je commence à lui expliquer un peu ce qu'il s'est passé et mon sentiment sur ma flèche quand 2 chiens de l'habitation la plus proche (200 mètres environ) arrivent vers nous en aboyant. Je crains qu'ils ne relèvent mon chevreuil s'il n'est pas encore mort. J'expliquais justement à Massoud que, vu ma flèche, nous allions attendre un peu que l’hémorragie se fasse mais devant le risque que représente ses 2 chiens j'hésite à faire la recherche immédiatement. Nous commençons par chercher le premier sang que je trouve rapidement en recoupant la trajectoire de fuite du brocard. Une ligne de gouttes sombres est bien dessinée sur la végétation. Je plante une vielle flèche à cet endroit puis, voyant que les chiens se rapprochent de plus en plus, je décide d'attaquer la recherche. J'encoche une flèche au cas où en demandant à Massoud de ne pas marcher sur le sang si possible puis nous suivons le sang qui est assez abondant sur environ 30 mètres, l'arrêt du chevreuil est marqué par une grosse tache de sang au sol puis les gouttes s'espacent de plus en plus et leur diamètres n'est pas toujours très important. J'avance tout de même assez rapidement en pointant les gouttes du doigt pour les montrer à Massoud.
Nous arrivons ainsi au bord de la bande boisée où l'herbe haute se mélange à des repousses de petits frênes. Les gouttes nous mènent au une trouée qui traverse un petit ru. La pénombre relative du bois rend difficile la vue des gouttes de sang et j'allume la lampe de mon portable pour continuer la recherche. Nous enjambons le ru et, focalisé par ma recherche au sol, je ne vois pas le chevreuil allongé sur le flanc à 15 mètres devant nous au pied d'un gros chêne. C'est Massoud qui le voit en premier et me le fait voir. Je suis soulagé, nous nous rapprochons de l'animal sans le toucher alors que les chiens donnent toujours de la voix.
Hémo nous attends dans la voiture et j'aimerai lui faire retrouver ce chevreuil si possible. Massoud reste sur place à garder le chevreuil au cas où les chiens arriveraient jusqu'à lui et je pars chercher mon petit teckel. Je finis de traverser la bande boisée et ressors dans le pré au milieu des balles de foin puis presse le pas pour rejoindre la route et ma voiture. Je reviens me garer au départ du chemin de terre puis sors Hémo qui est tout excité, je lui mets sa longe puis nous voilà partis. Arrivé près de la zone de tir, Hémo se met à chercher dans tous les sens puis pars un peu au hasard dans toutes les directions, je dois le gronder plusieurs fois et le stopper sur la voie ensanglantée pour le calmer avant qu'il ne prenne le sang. Hémo zigzague sur la voie et je l'encourage : "C'est bien Hémo, le sang, le sang...". Il me conduit ainsi au pas de course vers l'entrée dans la bande boisée et je lâche sa longe pour traverser le ru. Après une petite boucle dans le bosquet Hémo par droit sur le chevreuil alors que je le rejoins en le félicitant.
Il est temps de rentrer les filles nous attendent pour un fondue de chevreuil. Je charge mon chevreuil sur l'épaule sans sortir la flèche que je pense restée dedans et constate alors qu'elle ressort à peine sur le flanc droit du chevreuil. Je sors donc ma flèche et nous voilà parti vers la voiture pour une petite photo souvenir. Au dépeçage nous constaterons qu'elle traverse la panse, le foie et un poumon. Le chevreuil aura parcouru moins de 100 mètres.
Alex
Trophée :