De retour de 10 jours de vacances en Corse, je devais rentrer sur Albi pour récupérer mon chien, laissé en pension chez mes parents. Une idée m’a traversé l’esprit ces derniers jours : si je profitais de ce séjour dans le Tarn pour aller faire un tour à la chasse. J’ai donc appelé le président de la société de chasse de Roumégoux où j’ai commencé à chasser et où j’ai également commencé à chasser le chevreuil à l’approche. Ils ont toujours le tir d’été et depuis mon départ personne ne s’en occupe. Il est d'accord pour me le laisser pour ce weekend.
Ce matin, je me suis donc passé à la fédération des chasseurs du Gers mais ils n’ont pas voulu me faire un permis temporaire de 3 jours. Ils m’ont envoyé le faire à la fédération du Tarn qui eux ont accepté. Enfin bref, à 11 heures, j’avais mon permis de 3 jours.
Après une après-midi à récupérer des heures de routes faites ces derniers jours, je pars pour Roumégoux où j’arrive vers 18 heures. Je discute brièvement avec le président et me voilà parti des souvenirs plein la tête. Je n’ai pas chassé ici depuis 2005 mais le territoire que je connais par cœur n’a pas changé. Je n’ai jamais réussi à prélever un chevreuil sur mon département de naissance et je suis resté sur l’échec d’un chevreuil fléché et perdu en 2000.
Je contrôle le vent, mauvais, il pousse mon odeur vers la zone que je veux chasser ce soir. Je décide donc de rester assez éloigner des bois, de marcher un moment avec le vent de côté, de dépasser la zone que je veux chasser ce soir puis de descendre vers le lac de la Bancalié avec le vent dans le dos pour chasser en remontant vent de face.
Je traverse la route, longe un maïs et arrive au coin d’un petit bosquet carré très épais. Il fait une chaleur étouffante, le sol est sec et tout craque sous mes pas. Les chevreuils ne seront pas de sortie avant la tombée de la nuit. Je décide donc de forcer la chance.
Je tente un petit coup de Butollo mais mes appels restent sans réponse. Je poursuis pour arriver sur un chemin de terre qui descend vers le lac. Je descends vent de dos vers le lac en longeant un moment une friche partiellement boisée. Un nouveau petit coup de Butollo. Toujours rien, je poursuis, une bande boisée étroite sur ma gauche s’anime, un groupe de geais vole de branche en branche en poussant des cris d’alerte.
Puis le chemin traverse une parcelle de bois, sur ma gauche un fourré de buissons noirs et de chênes et sur ma droite une plantation de sapins. Le chemin poussiéreux étouffe le bruit de mes pas. Je m’avance un peu puis me cale, dos aux pins, derrière un buisson épais en bordure du chemin de terre et commence à lancer de petits appels brefs au Butollo.
Au bout de quelques appels, un bruit de pas lent et régulier se fait entendre, j’en suis sûr c’est un chevreuil. Je continue mes appels et aperçois un beau 6 pointes venant droit sur moi au milieu des buissons noirs, épars dans cette zone. Il est à moins de 20 mètres, j’accroche mon décocheur et tente d’armer mon arc avec le Butollo à la main mais la flèche se désencoche et je la rattrape au vol avant qu’elle ne heurte le sol.
Voilà le résultat de mes flèches à bas prix : une encoche qui ne tient pas sur la corde. Le brocard n’a pas remarqué mon manège et avance toujours vers moi pendant que je réencoche la flèche et arme mon arc. Il est juste derrière le buisson et s’avance doucement en le contournant pour sortir sur ma droite sous le vent.
Mon viseur est calé mais la végétation épaisse me fait craindre une trajectoire aléatoire de ma flèche. Mon viseur le suit, posé sur son coffre alors qu’il dégage son poitrail à 2 mètres de moi et que j’appuis au même moment sur mon décocheur. Non, il m’a senti ou vu et démarre alors que je décoche, ma flèche va être trop derrière, d’un mouvement instinctif et qui m’étonne encore à y penser, je rabats ma flèche en arrière du chevreuil d’un coup de bras et passe juste derrière lui sans le toucher. Il détale ventre à terre alors que je récupère ma flèche fichée à moins de 5 mètres et entièrement propre. Ouf, j’ai évité le pire.
Je me remets en marche et atteints le chemin de terre qui longe le lac. Je le suis et marque plusieurs arrêts pour appeler au Butollo mais sans succès. Le lac est très fréquenté en été et il est possible que le bruit ne plaise pas trop aux chevreuils. Un vacancier est d’ailleurs en train de jouer avec ses chiens qui plongent tour à tour en aboyant pour aller chercher le bâton qu’il leur lance dans le lac.
Je décide de tenter le bois de la Cassanié au-dessus de la route qui surplombe le lac et descend pour traverser le ruisseau d’alimentation, je remonte donc et, la route traversée, je m’engage dans le bois en suivant un coulée très fréquentée. Le sol jonché de débris végétaux craque de toute part et mes pauses Butollo ne donnent rien.
Je fais trop de bruit. Je poursuis tout de même un moment dans le bois puis finis par abandonner en arrivant dans de la bruyère sèche. Je redescends vers le ruisseau qui alimente le lac. En sortant du bois, je débouche dans un pré encore bien vert, l’air rafraîchi par le ruisseau tout proche est très agréable, un sentiment de bienêtre m’envahit.
Je suis à 100 mètres d’où j’ai fléché mon premier chevreuil que j’ai malheureusement perdu. Calé contre ce gros chêne dans le bois de l’autre côté du ruisseau, je lui avais décoché ma flèche à pointe touchante et perdu cet animal à cause de mon inexpérience et de mon empressement.
Envahis par ces souvenirs, je longe le ruisseau pour traverser maintenant une haie épaisse qui barre le pré en reliant les deux versants boisés. Le passage existe toujours, je traverse donc la haie et arrive sur un deuxième pré toujours aussi vert.
Un gros frêne, au bord de la haie fera un affût parfait. Je me positionne derrière et lance mes appels de Butollo. Presque immédiatement, un brocard dévale au galop le versant boisé sur ma gauche et me passe en bordure du bois à 15 mètres environ au pas.
Trop rapide, trop de végétation, je laisse faire. Il sort du bois dans le pré derrière moi et de l’autre côté de la haie. Je continue mes appels, c’est un jeune brocard, un cou et une silhouette fins, deux dagues de 15 centimètres entre ses oreilles.
Il avance doucement, je l’aperçois partiellement au travers de la haie, il se dirige vers le passage que j’ai emprunté. Mais, tout à coup, il se fige, regarde le versant boisé qui lui fait face, fait volte-face de déguerpit au galop en retournant d’où il vient.
Un bruit de fracas se fait entendre de l’autre côté du ruisseau, un second brocard dévale la pente, tête basse, alors que j’arme mon arc. Il saute dans le lit du ruisseau et stoppe net. A 10 mètres, plein travers, les quatre pattes raides et bien écartées, posé sur les galets du ruisseau presque à sec, il ne sait pas encore qu’il est déjà mort.
Ma flèche est partie alors que mon viseur est posé sur son poitrail. Il amorce tardivement un démarrage mais le bruit sourd et mat qui parvient à mes oreilles ne trompe pas. Je suis dedans, un peu en arrière du coffre et un peu haut à cause de ce mouvement mais je vois déjà le sang jaillir alors qui saute d’un bon la grosse flaque d’eau qui reste encore au fond du lit de ce petit ruisseau.
Il disparaît en suivant le lit du cours d’eau. Presque au même moment un bruit de galets remués se fait entendre, je pense comprendre mais j’attends un peu. Un bref silence puis encore ce bruit de galets au même endroit.
Le silence s’installe et après une brève attente, je m’approche de l’endroit du tir. Ma flèche repose dans l’eau qui a lavé tous les indices et en me baissant pour la ramasser, j’aperçois mon brocard, couché sur le flanc sur un lit de gros galets, il a fait 10 mètres. Ma flèche a touché l’artère sous colonne et les 2 poumons. C’est un beau 6 à tête bizarde.
Alex
Trophée : (Tête bizarde avec fracture du nez ressoudée)
Atteinte :