Cette année, pour la première fois depuis mon arrivée dans le Gers en 2005, je n'ai pas fait l'ouverture du chevreuil en tir d'été. Le premier juin, j'étais sur Paris avec ma copine. Après des heures de routes nous voilà de retour dans le Gers vers 16 heures. Le temps de nous poser un peu, je prépare mes affaires et embarque Hémo que j’espère prêt pour sa première recherche, je l’entraîne depuis des mois sur des pistes artificielles et me voyant prendre sa longe et changer de tenue, il comprend vite ce qui l'attend.
J'arrive à Justian vers 18h45, je fais un petit tour en voiture pour voir le territoire où je n'ai pas mis les pieds depuis début décembre 2012. Les inondations de ce weekend ont bien touché le bord de l'Osse encore partiellement noyé qui est bordée par des colzas et des semés de tournesol à peine levés. Je ne crois pas trop à une réussite dans ce secteur ce soir. Les collines entre le village et chez le président de la chasse sont couvertes de parcelles de blé très haut et très touffus cette année et de semés de tournesol à peine levés. C'est le secteur où je compte chasser ce soir bien que voir les chevreuils et les approcher n'y sera peut-être pas chose facile. Je pars me garer chez le président pour récupérer mes bracelets vers 19 heures. Après avoir un peu discuté, je pars en chasse vers 20 heures.
Je pars directement à pied de la maison et rejoins une grande friche qui borde un grand bois. Hémo va m'attendre chez le président de la chasse. Vu l'eau tombée ce weekend, je m'attendais à des sols détrempés mais la surface a déjà bien séchée et craque comme des chips, l'approche ne sera pas facile. Je rattrape le bord du bois qui borde le fond de la combe et remonte sur le penchant opposé. J'avance tranquillement dans les herbes hautes parsemées d'orchidées et de repousses de frênes, quand, à plusieurs centaines de mètres dans le champ de blé qui remonte en face de moi, j'aperçois une tache rousse sur la droite d'un fossé qui remonte au milieu de la parcelle vers un bout de haie très large et épais au milieu de la pente dans la culture.
Je m'arrête et attends un moment, la tache bouge, c'est un chevreuil qui remonte doucement de cul, en broutant vers la haie. Juste sous la haie j'aperçois un autre chevreuil plein travers qui semble regarder vers moi. Le premier chevreuil rentre un peu plus haut dans le blé et le second se met à brouter. J'en profite pour me coller contre le bois et avancer rapidement sans voir les chevreuils mais à l'abri de leurs regards. J'avance tranquillement en longeant le bois et me décale doucement par moment pour surveiller les chevreuils et arrive ainsi au coin du bois. Je reste un peu en retrait, caché par des branches basses. Les chevreuils sont à environ 150 mètres. Le premier chevreuil rejoint le second en remontant à travers blé puis tous 2 s'avancent doucement vers le fossé pour y disparaître derrière quelques pieds de colza qui ont poussé là.
Je quitte alors ma cachette et commence à suivre le fossé doucement en essayant de ne pas faire trop de bruit mais le sol et la végétation craquent, de plus le ruissellement des eaux a déposé des vieux pieds de tournesol très craquants de l'an dernier dans le fossé. Malgré mes efforts, je produits par moment de petits craquements mais rien ne bouge devant moi. J'avance sans voir les chevreuils et commence à penser que le bruit de mes pas les aura fait fuir. Arrivé au bout de la haie, j'aperçois 2 oreilles à la surface du blé à 40 mètres environ au-dessus de moi sur ma droite. C'est une chevrette, je me fige et observe. D'abord inquiète, elle se calme et se remet à brouter dans le blé. Je cherche l'autre chevreuil que j'espère être un brocard et l'aperçois droit devant moi à 50 mètres environ caché dans quelques pieds de colza. C'est aussi une chevrette.
Les 2 animaux sont sur l’œil et je reste un moment sans bouger à les observer puis décide de tenter une approche sur la 2ième chevrette pour m'amuser. La première démarre et s'arrête 40 à 50 mètres plus loin, se retourne vers moi puis repart, sort du blé et rentre au bois sous les yeux de la seconde. Je me fige et attends un court instant avant de reprendre ma progression mais je suis rapidement repéré et la chevrette s'élance pour rejoindre le bois. Alors que je la regarde s'éloigner, un mouvement à 15 mètres devant moi me fait baisser les yeux. La tête d'un brocard vient d'émerger du blé. Il regarde droit devant lui et se trouve plein travers. Je ne suis pas bien positionné pour décocher une flèche et fais doucement pivoter mes pieds produisant quelques petits craquements. Le brocard tourne brusquement la tête vers moi et je pense le voir partir. Je suis immobile mais débout au milieu du blé. Le brocard se tranquillise et reprend sa pause de départ. J'arme doucement mon arc sans qu'il ne réagisse, je prends la visée et décoche mais ma flèche est déviée par le blé après la décoche et rate sa cible. Le brocard démarre au galop, je réencoche en aboyant. Le brocard s'arrête de cul à environ 50 mètres et regarde vers moi. Il hésite un moment alors que j'aboie toujours puis bifurque à 90 °, fait 30 mètres à grands bons en aboyant puis s'arrête plein travers en me regardant puis redémarre et fonce vers le bois pour disparaître en aboyant.
Je vais vérifier mon tir même si je suis pratiquement sur du résultat. Je retrouve ma flèche fichée au sol sans aucune trace d'impact, Je suis la trajectoire du brocard jusqu'à son premier arrêt dans le blé au cas où mais pas la moindre goutte de sang. C'est bien ce que je pensais, je l'ai manqué. Je sors du blé et le longe pour rejoindre la route de crête un peu plus loin.
Arrivé à la route, je la traverse et rejoins l'angle du bois qui redescend sur ma droite vers le bas de la pente. Il borde un semé de tournesol qui n'a pas encore levé. J'observe un petit moment la parcelle de blé qui couvre le penchant opposé sans voir de chevreuil. Je descends en longeant le bois et rejoins l'angle de la culture qui démarre de l'angle bas du bois. Toujours pas de chevreuil en vue, je remonte doucement en longeant la bordure du blé qui borde un autre champ de tournesol à peine levé puis un petit bosquet qui sépare le blé d'un enclos où pâture un beau cheval baie. Toujours rien, j'arrive à la route de crête suivante, j'observe un instant le semé de tournesol bordé par un grand bois le long de la crête suivant et ponctué de 2 îlots boisés sur ma gauche. Pas de chevreuils. Je descends vers le fond de la combe pour rattraper la bordure du grand bois dont le retour se termine au bas du penchant opposé à 150 mètres sur ma gauche. Je longe ensuite une grosse haie qui fait suite au bois. J'aperçois de l'autre côté une parcelle de blé. J'avance doucement et finit par arriver au bout de la haie qui s'élargie petit à petit pour faire maintenant 10 mètres de large environ.
J'observe le blé devant moi et commence à réfléchir à comment aborder la culture. Sur ma gauche à environ 40 mètres, la crête du champ me permettrait d'avoir une meilleure vue d'ensemble sur le champ et je m'apprête à remonter vers ce point stratégique quand je jette un rapide coup d’œil sur ma droite. Un léger mouvement attire mon regard, je me fige et chose qui ne m'était pas arrivée depuis longtemps mon cœur s'emballe. Un beau brocard broute tranquillement au coin de la haie dans le dégagement d'un petit ru qui sépare 2 parcelles de blé et fait suite à la haie, seule sa tête dépasse. Je suis un peu trop avancé, à découvert et ma cagoule est remontée sur le haut de ma tête. Je reprends rapidement mes esprits et abaisse ma cagoule, me recule doucement à couvert derrière la haie puis m'avance tout doucement contre cette dernière, juste derrière l'angle pour voir sans me faire remarquer. Le brocard s'avance en broutant complètement inconscient du danger. J'arme mon arc, le brocard passe derrière un arbre qui masque sa zone vitale, broute un peu puis avance encore et se dégage plein travers à un peu plus de 10 mètres. Je cale ma visée et décoche mais le brocard fait un pas au même moment et j'aperçois ma flèche qui rentre trop en arrière.
Le brocard sursaute, démarre et fait à peine 10 mètres puis s'arrête pour regarder autour de lui un moment. J'en profite pour réencocher. Il a traversé le ru et se trouve maintenant dans le blé à moins de 10 mètres, seule sa tête dépasse du blé et tenter un tir est très aléatoire. Je me tiens prêt à armer, au bout de quelques secondes le brocard, commence à remonter le blé en suivant un passage de tracteur, j'arme mon arc et le suis espérant trouver une fenêtre de tir, d'abord au pas sur 2 ou 3 mètres, il accélère progressivement et prend finalement le galop en décrivant une boucle pour foncer droit sur moi. Je le suis dans mon viseur. Le brocard vient se figer à 4 mètres environ devant moi en m'apercevant, je lui décoche ma flèche au même moment sans lui laisser le temps de réfléchir. L'impact retentit et le brocard redémarre en trombe pour me passer à quelques mètres de moi et rentrer dans la haie où je l’entends tomber à 10 mètres environ puis se débattre un court instant sur place.
Je m'éloigne rapidement de la zone de tir et appelle le président de la chasse pour qu'il m’amène Hemo puis je remonte l'attendre à la route de crête. Au bout d'un moment, il arrive. J'attrape Hémo et sa longe, il a compris ce qui se trame et est excité comme une puce. Je lui mets sa longe de travail puis nous redescendons vers la zone du tir. Je calme Hémo en lui disant "doucement" c'est l'ordre pour le tenir aux pieds. Il se calme immédiatement et reste à mes pieds jusqu'au coin de la haie, je n'en reviens pas, c'est plutôt rare. Je le prends ensuite dans mes bras pour ne pas lui faire croiser la rentrée au bois qui est couverte de sang puis le repose sur la zone du premier tir. "Le sang Hémo, le sang". Il prend immédiatement la trajectoire de fuite mais dépasse la traversée du fossé puis il revient sur ses pas et tente de traverser le fossé mais il s’emmêle dans un petit roncier et finit par se rebuter. C'est sa première recherche au naturel et je ne veux pas le rebuter. Je lui fais traverser le fossé, il reprend alors la piste et rentre rapidement dans la haie.
Je le suis en essayant de me frayer un chemin dans les épines qui me griffent. Je rejoins Hémo, à 5 ou 6 mètres, qui peine à passer un mur de ronces et en me redressant j'aperçois mon chevreuil étendu sur le flanc un peu plus loin. J'encourage Hémo. "Allez Hémo, le sang..." Il finit par passer l'obstacle et arrive au chevreuil qu'il sent d'abord prudemment puis alors que je me rapproche et le félicite de vive voix, il commence à mordiller la patte puis s'attaque à la plaie de la première entrée de flèche. Je suis content de cette première soirée pour moi mais surtout pour Hémo, sa recherche était très facile mais c'est ce que j'espérais pour sa première. J'appose le bracelet et sors mon brocard de la haie. Ma première flèche est bien en arrière mais ressort derrière les poumons entaillant même légèrement l'un d'eux et traversant le foie, la seconde rentre au-dessus de l'épaule et ressort à côté de la première entrée, au milieu du chevreuil. Elle coupe les vaisseaux au-dessus du cœur, entaille les poumons, traverse le foie, la rate et la panse.
Je charge mon chevreuil sur l'épaule et remonte vers la route de crête. Il n'a pas fait plus de 20 mètres depuis ma première flèche.
Alex
Trophée :