Ce soir, je pars faire un tour au sanglier autour d’une zone de maïs sur la commune de Saint Arroman. La zone est entourée de petits bosquets et de points d’eau (mares et lac). Les traces sur les roues du pivot laissaient présager quelques rencontres avec les suidés mais depuis plusieurs jours, à part quelques chevreuils et un bon nombre de ragondins, je n’ai pas pu voir le moindre sanglier.
Mais aujourd’hui ce n'était pas mon jour, je décide d’aller me poster un moment le long d’un petit bosquet très humide bordé d’un côté par des maïs et de l’autre par une friche qui se termine en pointe au niveau d’une petite mare et qui est elle-même bordée par une grande parcelle de maïs. Les passages y sont nombreux et j’ai bon espoir.
Je longe lentement la bordure boisée en marquant de fréquents arrêts pour écouter. Le bruit des feuilles mortes, des glands qui tombent ainsi que le bruissement provoqué par les merles qui coulent sous les ronces me font souvent tendre l’oreille et j’en fini par entendre marcher les sangliers. Mais non c’est encore un merle.
De nombreuses coulées traversent la friche et le bosquet, l’herbe est par endroit couverte de boue attestant du passage d’un sanglier ces derniers jours. Pas à pas, j’arrive à la petite mare. L’eau frémit, je change de flèche c’est un ragondin, je ne vois que le bout du museau mais l’angle de tir n’est pas bon. J’essaie de me décaler mais il disparaît dans un gros remous.
Je reste là un moment, des passereaux s’envolent du maïs et rentre au bois, un merle pousse son cri d’alerte en s’envolant mais rien ne bouge. Les minutes passent, au loin un tracteur travaille et ce bruit continu varie en intensité en fonction de ses allées et venues et couvre parfois les bruits naturels ambiants. La luminosité commence à baisser, il est environ 19h15.
Je décide de rebrousser chemin pour aller faire le tour de la grande parcelle de maïs. Je longe le bosquet, oblique à 90 ° pour longer la friche en bordure d’un fossé qui délimite une parcelle travaillée et fumée. En avançant tout droit je tombe sur une bande enherbée de 5 mètres de large qui fait le tour du maïs. A ma gauche, un maïs fait suite à la friche et, à ma droite, c’est la grande parcelle de maïs.
Je progresse doucement sur la bande enherbée plusieurs dizaines de mètre, de nombreuses coulées fréquentées traversent le fossé. J’arrive au coin du maïs de gauche qui fait place à un soja moissonné. Je m’arrête un moment et aperçois, à environ 100 mètres, au bord d’un fossé perpendiculaire à celui que je longe, une chevrette arrêtée qui me regarde. Elle ne bouge pas puis tourne la tête vers le maïs sur ma droite.
Je comprends que quelque chose se passe et tourne aussi le regard dans la même direction quand j’aperçois, à 120 mètres environ, un sanglier d’environ 60 à 70 kg qui sort sur la bande enherbée, il est suivit d’une ribambelle de bêtes rousses de 30 à 40 kg puis 5 plus gros. Tout se petit monde chahute alors que je me suis mis à genoux et que mon cœur s’est mis battre très fort.
La laie meneuse regarde vers le tracteur qui travaille puis esquisse quelques pas vers moi suivie par sa progéniture puis finit par faire volte-face et partir en me tournant le dos avec toute la compagnie en longeant sur la bande enherbée.
J’en profite pour me remettre en marche quand 4 autres gros (80 à 90 kg) sangliers sortent du maïs et prennent la même direction que leurs congénères. Je les suis alors que le gros de la compagnie rentre dans le maïs. Les deux derniers poursuivent jusque au coin de la parcelle et tournent à 90° pour disparaître.
J’avance doucement en longeant la culture et en marquant des arrêts pour écouter les sangliers. Ils sont là à 30 ou 40 mètres du bord mais semblent s’éloigner. J’arrive au coin de la parcelle et prends la direction des 2 dernières bêtes noires qui sont aussi rentrées dans le maïs.
La compagnie longe maintenant à 30 mètres environ dans la culture alors que je la suis. Ils soufflent, grognent couinent, cassent des pieds de maïs font silence puis recommence en avançant. Tout à coup, un cri de cochon égorgé, c’est certainement la laie qui repousse un mâle. Je poursuis en les écoutant, leur direction va leur faire traverser la bande enherbée sur l’autre côté du champ.
Le vent est bon, je vais donc me positionner au coin du champ. Un grognement à quelques dizaines de mètres puis plus rien. Je me décale un peu sur la bordure du champ et l’attente commence alors que le silence s’installe et que la luminosité décroît vite.
Je décide de retourner sur l’autre côté du champ. Je n’ai pas fait 40 mètres que des grognements furieux retentissent et que tout se met à craquer, deux mâles se battent puis toute la compagnie reprend sa route au trot pour venir à 15 ou 20 mètre de l’angle du champ ou je retourne rapidement.
Les grognements, les couinements, les bruits de mastication et de pieds de maïs cassés se font de plus en plus proches. J’arme mon arc et attends un moment, rien ne sort. Je désarme, ils se remettent en marche et un sanglier de 50 kilos sort la tête du maïs pour y rentrer aussi sec.
L’agitation est impressionnante, tout craque, mon cœur bat la chamade mais la nuit s’installe. La pleine lune éclaire encore un peu mais ne me permettrait qu’un tir à 5 mètres au plus. Je décide de rester pour voir où ils vont sortir.
Focalisé sur le bruit de plus en plus proche, je n’ai pas remarqué tout de suite une grosse masse noire qui est sortie sur la bande enherbée à 40 mètres devant moi suivie par le gros des troupes qui restent un moment avant de rentrer dans un autre maïs.
J’avance doucement vers la sortie alors que j’entends un dernier sanglier venir vers moi avant de s’évanouir sans un bruit. Je prends le chemin du retour la tête pleine d’image. Ma frontale croisera deux yeux verts rentrant dans le maïs avant d’arriver à ma voiture.
Alex