Ce matin, je ne peux pas me lever, ma chasse de la veille ma hanté toute la nuit, je n'ai pas dormi beaucoup et je n'ai plus le courage d'aller chasser. Patrick qui n'est pas du matin se lève vers 9h30 et vient me voir pour savoir ce que je veux faire de ma journée. Je n'ai pas trop de motivation mais nous décidons d'aller faire un tour sur une autre partie du territoire, dans des forêts de sapins et de hêtres de l'autre côté de la route d'Arreau. Nous partons en début d'après-midi car depuis quelques jours les cerfs brament même dans la journée. Patrick me laisse au bout d'une piste et me donne rendez-vous à la nuit en bas à un carrefour de piste. Il fait très chaud, sous la piste se trouvent quelques hêtres au-dessus des sapins, c'est là que j'ai approché un beau cerf l'an passé.
Je laisse partir Patrick puis commence à m'avancer dans une zone de bruyères et de fougères mais cette végétation est trop craquante pour envisager de chasser à l'approche. Je change donc de stratégie.
Je remonte doucement à travers bois pour rejoindre une piste un peu plus haut. Des ombres portées se déplacent sur le sol et je lève les yeux pour m'apercevoir qu'une escadrille de vautours plane au-dessus de ma tête. Ce signe macabre est souvent révélateur d'un animal mort dans le secteur.
Je commence à longer tranquillement la piste en U qui revient sur le versant d'en face vers des pâtures d'altitude où paissent des vaches et des brebis dont les clarines emplissent l'air ambiant. J'avance doucement à l'écoute du moindre brame mais la montagne reste silencieuse.
Je rejoins le versant nord plus humide et ombragé. La piste est assez silencieuse. Je m'arrête un instant à l'ombre et regarde vers le bas quand j'aperçois une biche couchée à 50 mètres en contrebas qui m'observe. Je tente de sortir doucement l'APN mais la biche se lève et se jette dans la pente. Son faon que je n'avais pas vu se lève à son tour et la suit. Je me pose un peu plus loin un moment à l'écoute mais rien, pas le moindre brame. Je me déplace sur la piste et me pose régulièrement mais toujours rien et je décide de revenir au point de départ.
Arrivé sur place, je me pose un moment et m'assois au bord de la pente, ce temps qui passe et ce calme ne m'occupe pas trop la tête et mes échecs précédents viennent me hanter. Que de questions, que de doutes, que de colère... Vers 16 heures enfin un brame retentit sur le versant d'en face et pendant 10 minutes environ quelques brament vont résonner dans le même secteur.
J'écoute un moment pour tenter de bien localiser l'endroit puis je retourne vers le versant nord. Arrivé au-dessus de l'endroit où le cerf bramait le calme est revenu. Je me pose au bord de la piste à l'écoute et attends mais vers 18 heures toujours pas de brame. Je décide de longer un peu la piste puis trouve une grosse coulée qui m'inspire. Je descends dans le bois et quelle n'est pas ma surprise d'apercevoir un cervidé au gagnage à 70 mètres plus bas. Je tente une approche et zigzague pour éviter les parties de sol bruyantes et rester cacher un maximum derrière les arbres. Cette fois, je le vois un peu mieux, c'est un cerf mais il ne semble pas bien gros. Il est encore à 60 mètres, je continue mon approche, le cerf pousse un brame auquel lui répond un autre cerf plus à ma droite.
Petit à petit, je gagne du terrain alors que le cerf qui me tournait le dos se tourne plein travers et part vers ma gauche. Je me rapproche encore un peu sur la pointe des pieds et arrive à environ 35 mètres du cerf. C'est un jeune 8, il brame à nouveau puis se remet à brouter. J'attrape l'APN alors qu'il passe derrière un arbre et le prend en photo. Le flash ne l'a même pas perturbé.
Il continue à s'avancer doucement
puis disparaît derrière une bute. Ne le voyant plus, je tente de me rapprocher d'avantage mais le sol devient très craquant et je regarde où poser mes pieds. J'arrive derrière un arbre et observe, rien en vue, je me décale sur la gauche de l'arbre et me fige. Je cerf est là, 40 mètres en contrebas, de face, les pattes avant posées sur une souche, il m'observe. Je reste immobile, au bout d'un moment sa curiosité l'emporte. Ne m'ayant pas identifié, il commence à biaiser vers moi, pas à pas et me fixant, il se rapproche. Je profite de son passage derrière un sapin alors qu'il est à peu près à 15 mètres de moi pour lever l'APN et le prends en photo alors qu'il vient de se planter devant moi.
Au flash, le cerf surpris démarre au galop et s'enfonce dans le bois. Je descends doucement en biaisant vers le son du brame de l'autre cerf mais il ne donne plus signe de vie et je ne le retrouve pas. Je retombe un peu plus bas sur une piste forestière que je longe doucement. Le vent est très capricieux et change très souvent de direction. Un craquement m'interpelle plus en avant et j'aperçois une biche qui se débine, son faon juste sous le talus de la piste démarre et la rejoint. Je les laisse s'éloigner puis reprends ma route. La piste remonte et je la suis mais je tombe sur un cul de sac.
Je m'arrête à l'écoute quand un brame retentit plus en bas. Je repars donc en sens inverse et rejoints un ruisseau qui dévale le franc de la montagne. Je le suis vers le bas. un brame retentit sur le flanc opposé de la montagne, je biaise et rattrape une coulée qui traverse un second ruisseau qui marque le fond de la vallée. Je le traverse et commence une approche en remontant doucement par une grosse coulée vers la position estimé du cerf. Il se remet à bramer plus en avant. Je poursuis doucement mais le vent est maintenant dans mon dos, je tente de monter un peu plus pour surplomber le cerf et tenter de ne pas être repéré. J'arrive à une grosse bute et les brames semblent venir d'en dessous, je me rapproche doucement mais à mon arrivé le secteur est désert.
La luminosité baisse rapidement, surtout sous ces sapins et au fond de la combe. Je remonte en biais vers le sommet de la montagne quand un animal se débine en dessous. Une biche surgit à 50 mètres devant moi puis se jette dans la pente et je l'observe s'éloigner au trot. Je reprends ma progression mais le terrain est de plus en plus périlleux, je passe plusieurs barres rocheuses et progresse sur une coulée caillouteuse très glissante. Des brames retentissent au fond de la vallée mais vu l'heure je n'ai plus le temps de m'en occuper. Je regarde plus mes pieds que devant moi pour ne pas chuter quand, tout à coup, j'ai une impression bizarre. Je me fige et lève les yeux sur un très gros cerf qui semble endormi à 6 mètres devant moi. Je sursaute stupéfait puis, reprenant mes esprits, je saisis mon arc. Je l'observe un moment hésitant puis commence à me demander s'il ne serait pas tout simplement mort. Ses oreilles sont pendantes et il semble un peu gonflé. Je m'approche prudemment et constate qu'il est bien mort. C'est un beau cerf portant de beau bois.
Aucune blessure n'est apparente, je déplie son coup mais ne constate pas plus de blessure par balle ou par flèche. Je le laisse et poursuis ma route sans vraiment savoir ou je me trouve. Dans le fond de la vallée des cerfs brament de plus en plus fort. Je remonte espérant retomber sur la piste quand j'entends le 4x4 de Patrick et aperçois la lueur de ses phares. Trop tard, je descends au plus vite, avec ma lampe car la nuit s’installe, pour récupérer la piste en dessous quand une grosse masse claire m'interpelle. Je l'éclaire et constate qu'il s'agit d’une vache restée pendue par une patte à une branche d'un arbre mort. Les vautours avaient bien raison de tourner dans le secteur !
Je continue ma descente au plus vite mais le 4x4 passe en dessous et je n'ai plus qu'à rattraper la piste et finir à pied. En rejoignant la piste et commence à descendre en écoutant les cerfs qui brament fort juste en dessous. C'est une zone non chassée à cause de la difficulté de sortir les animaux. Je m'amuse à bramer dans la nuit et les cerfs me répondent. Les phares ont fait demi-tour au loin Patrick revient me chercher.
Alex