Ce matin, après une bonne nuit de sommeil, nous nous levons et partons rejoindre Xavier et Christophe qui ont déjà attaqué de déjeuner sur la terrasse de Xavier d'où nous avons une vue magnifique sur la savane aux alentours et la forêt au loin.
Alors que je m'installe à table, j'aperçois une magnifique mygale (la fameuse matoutou) sur le mur en bois de l'habitation.
Je m'approche pour la photographier, elle reste immobile et semble ne pas faire attention à moi. Un petit nid est calé sous le toit devant la fenêtre de la cuisine, c'est une petite tourterelle qui couve.
Après le déjeuner, nous descendons pour ranger un peu nos affaires et donner à Xavier notre linge sale pour qu'il puisse aller le laver en ville au lavomatique en allant amener le moteur du canoë à réparer pour que nous puissions l'avoir pour le prochain séjour en forêt. Xavier n'est pas branché au réseau d'eau potable, il tire son eau de grosses réserves d'eau de pluie. L'eau de boisson est achetée en bouteille. Xavier parti nous nettoyons un peu les glacières, le canoë et la barque.
Sous la terrasse de nombreux nids de guêpes maçonnes sont collés aux poutres et des nids de guêpes sont collés sous les feuillages qui bordent l'habitation. C'est ce style de nid qu'il faut éviter de déranger en poussant les grandes feuilles en forêt.
Une fois tout en ordre, nous prenons un peu de temps pour vérifier nos arcs et pour nous entraîner un peu sur un bloc de mousse. Mes tirs sont bons, j'ai encore passé de la pommade sur mon épaule ce matin et l'armement ne me pose pas de problème. Alors qu'Oliver règle l'arc de Xavier que ce dernier vient de récupérer récemment, je pars explorer la propriété de Xavier que je n'ai pas encore bien pu voir.
Christophe m'a dit qu'un petit caïman logeait dans un bassin près de la terrasse. Je m'approche donc du bassin et cherche un moment du regard avant d'apercevoir le petit caïman au milieu de la végétation qui retombe dans le bassin. Je l'attrape derrière la tête et constate qu'il est assez maigre.
Je le relâche puis pars donc chercher un peu de chair de poisson, de l'acoupa que nous allons manger à midi, pour lui en donner un peu. Je le capture à nouveau, il ouvre grand la gueule.
Je lui mets le poisson dans la gueule mais il la referme rapidement et son repas reste collé au palais alors qu'il ouvre à nouveau la gueule. Je tente de décoller le poisson en passant rapidement avec mon doigt mais c'était sans compter sur la rapidité de fermeture de ses mâchoires qui se referment sur le bout de mon doigt. Ses petites dents très pointues sont bien rentrées dans la pulpe du doigt et l'une d'elles a traversé mon ongle.
Je saigne pas mal alors que j’essaie de dégager mon doigt mais en tirant d'un côté, les dents rentrent plus de l'autre et inversement. Je finis par me dégager au bout d'un moment et entoure mon doigt dans du sopalin pour arrêter le saignement puis revient à la charge. J'ai trouvé un bouchon en liège et le fais mordre du bout de la mâchoire au petit caïman puis pousse le poisson à l'aide d'un bâton au fond de sa gorge et lui fais avaler par le vide laissé à l'arrière de la gueule avant de le relâcher dans son bassin après avoir retiré le bouchon.
Je pars maintenant faire un tour de la propriété de Xavier avec mon arc au cas où car je peux tomber sur des petites tourterelles ou un iguane. La maison de Xavier
est entourée de plusieurs petites habitations louées pour les vacances ou en permanence à des personnes travaillant dans le secteur. Celle que nous occupons vient juste d'être terminée par Xavier avant notre arrivée et se trouve au bout de la propriété.
Elle possède une petite terrasse qui donne sur la savane. Les petites tourterelles s’envolent parfois des hautes herbes sans que je puisse les voir posées et tenter une flèche par contre une fois posées dans un arbre, elles se laissent approcher à moins de 10 mètres comme si elles savaient qu'avec une lame mon tir doit être fichant.
Xavier a planté de nombreux arbres fruitiers sur son terrain : des papayes,
des bananiers
actuellement en fleur
et sur lesquels nous avons coupé un régime hier soir, des citronniers, des pamplemoussiers,
mais aussi des ananas
et toutes sortes de fleurs naturelles comme les oiseaux de paradis qui poussent ici à l'état sauvage
ou plantées.
Sur un côté de la maison, pousse un magnifique cocotier, j'observe les noix de coco qui me semblent énormes quand j'aperçois un gros lézard vert logé dans l'arbre.
Je m'approche un peu pour le photographier, il n'est pas trop effrayé et se laisse tirer le portrait.
Je pars à la recherche des iguanes sur tous les arbres du terrain mais impossible d'en voir un. Celui vu hier n'est plus là. Sur une grosse feuille j'aperçois une magnifique grenouille tigrée qui reste parfaitement immobile.
Xavier est de retour, je récupère la lessive pour l'étendre puis nous montons pour préparer le repas. Xavier nous cuisine de l'acoupa pêché par ses soins. Une averse incroyable s'abat sur le secteur.
Le bruit de l'eau sur le toit est incroyable. En entrée, Xavier nous a rappé une papaye verte de son jardin. Son acoupa est vraiment délicieux. Alors que le soleil est revenu, un bel iguane vient se caler sur une branche d'un arbre proche de la terrasse de Xavier. Je le montre à mes collègues qui auront beaucoup de mal à le voir. Alors que nous nous sommes rapprochés de la rambarde de la terrasse et que nous l'observons, il finit par partir se cacher au cœur de l'arbre.
Le repas terminé, nous partons nous reposer un peu puis préparons notre matériel. Ce soir nous allons chasser le capibara sur un petit fleuve à environ 30 minutes de chez Xavier. Xavier m'ayant dit qu'il était possible de tomber sur du caïman à lunette plus gros que les caïmans rouges que nous avons fléchés en forêt, je décide de monter mon moulinet de pêche sur mon arc.
Nous partons en fin d'après-midi avec Olivier et Christophe, avec le pickup de Xavier sur le toit duquel nous avons fixé le canoë. Arrivé au débarcadère, Christophe se gare dans l'herbe et nous descendons le canoë au bord de l'eau.
Une boîte avec des têtes coupées de poissons-chats qui bougent encore est posée au sol. Un fourgon ouvert semble abandonné mais j'aperçois rapidement un pêcheur au bord du fleuve. Nous le saluons en nous lançant sur le fleuve et essayons d'éviter sa ligne.
Un peu plus loin nous passons sous un pont, des dizaines de grosses chauves-souris volent sous l'ouvrage et se posent entre les poutres de soutènement du pont. L'odeur de leurs excréments et de leur urine est très forte. Des lignes de pêche pendent du pont et nous les évitons. De jeunes guyanais nous saluent alors que nous passons et nous échangeons quelques mots courtois en nous éloignant. Le fleuve est assez étroit et bordé de végétation dense qui avance dans l'eau.
Il s'agit en majorité de moucoumoucous, des plantes possédant un tronc avec de grosses épines émoussées et dont les racines s'encrent sous l'eau. De grosses feuilles terminent la plante à 1 à 1.5 mètres au-dessus de l'eau.
D'autres plantes se mêlent à ces troncs épineux et forment parfois un véritable mur vert. Olivier et Christophe ont eu pitié de mon bras. Olivier est devant et Christophe est derrière et ce sont eux qui pagaient le plus. Ils sont assis alors que je suis à genoux sur le font du canoë et cette position est vite inconfortable. Je bouge souvent pour soulager mes douleurs de dos et de jambes. J'aide un peu en pagayant moi aussi de temps en temps.
Certains passages du fleuve se ferment plus ou moins à cause de la végétation et avancer est parfois difficile.
A d'autres endroits le fleuve s'ouvre sur la savane inondée ou sur des zones couvertes de grands nénuphars.
2 passages vont être particulièrement difficiles, un premier passage au travers d'une végétation complètement fermée que nous peinons à traverser et un autre passage très étroit où nous naviguons dans un amas très compact de débris végétaux en tous genres agglomérés sur une dizaine de mètres de long et environ 30 centimètres d'épaisseur. Nous débouchons enfin sur une zone ouverte, sur un grand marécage couvert d'herbes hautes ou le fleuve se ferme totalement sur plus de 10 mètres.
Nous décidons d'accoster au pied d'un grand arbre mort aménagé en affût, des laissés de capibaras flottent en surface du fleuve contre la berge. Déplier mes jambes fait un bien fou. Nous attachons le canoë puis jetons un coup d’œil au secteur. Le terrain ferme sous nos pied est pour le moment hors d'eau et l'herbe broutée est parsemée de laissés de capibaras.
Sur la droite, le marais est bordé par la forêt et devant nous s'étend une immense surface de marais constituée de hautes herbes poussant dans 20 centimètres à un mètres d'eau et parsemée de trous d'eau, de petites butes hors d'eau et de zone de buissons ou d'arbustes, sous l'eau le sol est un peu mouvant et constitué de l'accumulation des végétaux pourris, il fait beaucoup de vent ce soir.
Je démonte ma flèche pêche et rembobine le câble dans mon moulinet, Christophe me confectionne un carquois de dos avec mon carquois d'arc et une corde. Il me laisse partir devant par une grosse coulée au milieu des herbes hautes avec de l'eau jusqu'à mi-mollets. J'avance doucement en surveillant bien les alentours mais pas le moindre capibara. J'avance ainsi sur environ 100 mètres sans voir autre chose que des jacanas noirs qui s’envolent par moment des hautes herbes pour aller se poser un peu plus loin.
Je fais demi-tour et retourne vers mes collègues. Nous décidons de continuer à avancer doucement dans les marais. Nous progressons dans l'eau, je suis devant à 30 ou 50 mètres de mes collègues et explore le secteur. Par moment, je retourne sur la terre ferme et tombe sur des zones broutées avec de nombreux laissés. Les coulées de capibaras sont bien marquées, les zones arbustives semblent très fréquentées mais pas le moindre capibara en vue. J'attends de temps en temps mes collègues pour discuter un peu du plan de chasse puis repars devant.
Sur notre gauche, un grand trou d'eau couvert de nénuphars, pas de caïman en vue, je poursuis quand, au loin, des taches sombres se détachent de la végétation. Je pars voir mes collègues qui les ont vu également puis tente une approche mais il s'agit en fait de touffes de végétation. Nous attendons un moment dans le marais que la nuit tombe. Les moustiques commencent à nous tomber dessus. Une fois la nuit tombée nous repartons vers le canoë à la lumière des frontales en espérant voir des yeux briller. Des jacanas s’envolent régulièrement mais pas le moindre capibara en vue. Tout à coup, un œil attire mon attention, je m'approche doucement mais il s'agit d'un très gros crapaud buffle.
En m'approchant, je dérange un jacana qui se débine devant moi en abandonnant son poussin complètement perdu dans le faisceau de ma lampe frontale. Il finit par disparaître dans la végétation. Les assauts des moustiques se calment un peu avec la nuit noire. Nous rejoignons le canoë en nous arrêtant régulièrement pour éclairer le marais mais sans voir de capibara Je ne crois d'ailleurs pas trop faisable d'en voir un dans l'épaisseur de la végétation mais Christophe semble penser que cela est faisable. Nous reprenons le fleuve, je remonte ma flèche pêche.
Nous descendons doucement, un œil rouge s'allume sur ma gauche dans les moucoumoucous, c'est un boa de Cook qui est sorti pour chasser en profitant de la fraîcheur de la nuit. Nous nous arrêtons dans les zones ou le fleuve s'ouvre sur le marais mais toujours rien. Christophe descend parfois pour s'avancer dans le marais mais sans rien voir. Nous nous battons un peu avec les moustiques et parfois une guêpe attirés par nos frontales.
Un très gros papillon possédant des ocelles ressemblant fortement à des yeux vient taper plusieurs fois sur nous avant de se mettre à l'eau sans que je puisse l'en sortir. Les passages difficiles de jours prennent une autre dimension de nuit. Arrivés dans le secteur ou le fleuve est fermé par 2 murs de végétation nous attendons un peu puis faisons demi-tour pour revenir vers l'endroit où nous avons accosté de jour.
Avancer sans bruit sur l'eau est très difficile car les pagaies tapent parfois contre le canoë et nous nous accrochons dans la végétation au niveau des passages difficiles. Nous ne verrons pas le moindre caïman ni le moindre capibara.
Cette fois, nous rentrons tranquillement vers le débarcadère. Les chauves-souris ne sont plus sous le pont, elle sont certainement parties en chasse mais leur odeur nauséabonde est toujours là. De retour chez Xavier les gros crapauds buffles sont à leur repas sous les néons. J'en attrape un avant de le relâcher.
Nous rangeons nos affaires et déchargeons le canoë avant d'aller nous coucher.
Alex