Aujourd'hui ce sera journée de chasse non-stop, je ne rentrerai pas manger à midi. Le réveil sonne vers 5 heures, après un bon petit déjeuner, je pars à la chasse alors qu'il fait encore nuit noire. J'arrive au petit parking vers 6h30. 2 grosses chevrettes sortent du bois de pins près de la piste et traversent la route dans mes phares pour remonter vers les sommets. Je me gare, attrape mon arc et pars au clair de lune en longeant la piste, je bifurque vers le plateau puis traverse la pinède et remonte comme jeudi matin vers la crête du dôme rocheux. La pleine lune éclaire bien et je n'ai même pas besoin de ma lampe pour progresser au travers de la végétation pleine de rosée et je retrouve le petit sentier pierreux qui remonte vers la crête. Je suis déjà trempé. Je progresse doucement en marquant des pauses pour écouter mais à part les merles et les grives rien ne bouge.
Le paysage se dégage, les chênes font place à la zone d´herbe et de petits buissons. Le sol est tout givré. Le soleil se lève sur un grand lac de brume d'où dépasse quelques îlots.
J'arrive à la zone où se trouvaient les mouflons jeudi matin mais ce matin l'endroit est désert. Je marque une pause un peu plus longue, un peu plus loin. Au bout d'un moment 2 merles et 2 geais surgissent de la végétation et criant et me passent tout près. L'un des merles vient se cacher sous un buis à juste 2 mètres de mon pied avant de s'apercevoir de ma présence et de changer de secteur. Je pense voir sortir un animal mais le temps passe et rien ne bouge. Un troglodyte viens se poser près de moi et commence à piailler son mécontentement en sautillant dans un buis. Je me déposte et continue ma marche lente ponctuée de petites pauses.
Le paysage de referme de plus en plus au milieu des buis et des chênes.
Le sol est jonché de crottes fraîches de mouflons.
J'aperçois au travers de la végétation une crête rocheuse et m'avance doucement quand un sifflement me fige sur place. Un mouflon tout proche vient de me repérer et se débine dans les broussailles sans que je puisse le distinguer. Je reste un moment sans bouger. L'animal s'est immobilisé un peu plus bas. Je m'avance sur la crête, le mouflon redescend un peu plus puis le bruit s'arrête.
Impossible de le voir dans cette végétation épaisse.
Je fais demi-tour et longe la crête en essayant de trouver un passage qui redescendrait vers les falaises qui dominent le village.
Je m'avance vers un aplomb rocheux d'où j'ai une belle vue sur le village de Briançonnet au loin.
Puis je redescends en progressant péniblement au travers d'une végétation parfois inextricable et de gros blocs rocheux chaotiques pour finir par retomber sur un sentier pierreux que je longe un moment
avant de le perdre dans la végétation. Je progresse lentement en espérant voir des mouflons mais le secteur est désespérément calme.
De gros rochers très glissants ponctuent le paysage et je les franchis avec beaucoup de précautions mais, tout à coup, mon pied glisse et c'est la chute. J'ai juste le réflexe de tendre mon bras pour ne pas taper mon arc et de pivoter légèrement pour ne pas taper sur le coccyx. L'impact est violent et la douleur très vive me donne des nausées. Je me redresse péniblement avec une forte douleur à la hanche, la peau a sauté et je suis bon pour un gros bleu.
Je rattrape le haut de la falaise qui domine le village et la longe doucement mais toujours rien.
Je rattrape le sentier qui longe sous la pinède et repars vers ma voiture. Juste au-dessus du village une zone d'herbe est visiblement très fréquentée aux vues du nombre de crottes mais rien de bien frais.
En arrivant à la route, je tombe sur le président de la chasse qui prend des nouvelles de ma chasse. J'en profite pour lui demander s'il pense chasser le secteur que j'ai prospecté jeudi soir et il m'affirme que non. Je décide donc d'y chasser ce soir et l'en informe. Des chercheurs de champignons venus de Marseille sont garés à côté de ma voiture et nous discutons un peu avant que je remonte vers ma zone de chasse de l'après-midi.
Je remonte par un petit chemin de terre que je ne connaissais pas et qui retombe pile au virage où je remonte vers la crête. Je remonte doucement, la zone d'herbe en sous-bois a été bien fréquentée. Des traces et des crottes fraîches ponctuent le sol. Je me poste un moment où se trouvaient les mouflons hier soir mais le secteur est bien calme.
J'en profite pour faire une petite sieste puis, vers 15 heures, je pars en longeant la crête tout doucement, m'arrêtant souvent pour observer et écouter.
Je me poste un moment sur la crête en limite du territoire puis fais demi-tour. Un chien donne de la voie sur ma droite dans les feuillus, il va certainement déranger le secteur. Je continue tout de même ma marche silencieuse. Au bout d'un petit moment, le chien passe la crête à 100 mètres environ dans mon dos. J'avance toujours doucement quand j'aperçois un chasseur posté en contrebas sur ma gauche. Le président m'avait pourtant dit qu'il ne chassait pas là cet après-midi. Un peu plus loin, je tombe sur un autre chasseur posté sur la crête.
-"Bonjour"
-"Bonjour"
-"Vous êtes en battue ?"
-"Oui"
-"Vous faites partie de la société de chasse de Gars ?"
-"Oui"
-"J'ai vu un posté un peu plus bas"
-" Oui, c'est le président..."
J'essaie de ne rien laisser transparaître mais je suis dégoûté, c'était bien la peine que je lui demande s'il devait chasser dans le secteur. Le chasseur me tape un brin de discussion puis il redescend en appelant les chiens qu'il a perdu à grand cris et je rentre dépité. Vu l´heure je n'aurais pas le temps de changer de secteur. Je descends doucement à travers bois quand un grelot retentit. C'est un des chiens de la battue. Il saute à la route et je lui emboîte le pas. Une dame de la commune s'est arrêtée et tente de joindre les chasseurs sans succès. Je lui propose de descendre le chien jusqu'au petit parking alors qu’elle rentre au village avertir les chasseurs.
Arrivé à ma voiture j'attends un peu avec le chien puis son maître arrive pour le récupérer alors qu'il fait déjà nuit noire. Je rentre quelque peu amer d'avoir perdu mon après-midi de chasse.
Alex