Ce matin, je ne suis plus très motivé, mon séjour ne se déroule pas du tout comme je l'imaginais. Ne pas prélever mon mâle mouflon est une chose mais ne pas arriver à en voir un seul... J'ai du mal, à émerger ce matin, je déjeune tranquillement puis pars pour tenter de conjurer le mauvais sort. Je me gare au petit parking, au départ de la piste puis remonte à travers bois vers le lacer de la route un peu plus haut. Il fait encore nuit mais le jour se lève doucement quand je commence à remonter le flanc de montagne pour atteindre la crête où j'ai approché la mouflone jeudi soir.
Je monte très lentement sur un sol pierreux et fait des pauses pour tendre l'oreille. Tout à coup, en escaladant un rocher, je pose la main tout près d'une bécasse qui me décolle sous le nez. Je la regarde s'éloigner mais la perds rapidement de vue dans la pénombre. Un peu plus loin alors que je suis à mi pente, un bruit de vol me fait lever les yeux au ciel. Une seconde bécasse descend vers le pied de la montagne.
J'arrive à la crête sans voir un seul mouflon, le secteur semble calme ce matin. Je commence à longer très lentement la crête en ouvrant bien les yeux et en faisant régulièrement des pauses pour écouter. Le jour se lève sur un grand lac de nuage d'où ne dépassent que les crêtes et les plus hauts sommets, les nuages s'interrompent brusquement au-dessus de la pinède et semble couler comme une cascade blanche.
Le paysage est magnifique mais toujours pas de mouflon.
Arrivé en limite du territoire, je redescends doucement à travers bois vers le fond de la vallée pour rejoindre ma voiture et tenter de changer de secteur. Je rejoints un chemin forestier au pied de la montagne et le suis. Le sol est retourné par les sangliers. Le secteur encore à l'ombre, sous une haute pinède clairsemée, est très humide et froid, il gèle et je dois mettre mes mains aux poches pour soulager mes doigts douloureux. Le sol est silencieux et absence de mouflon me fait perdre mes règles élémentaires de prudence, j'avance un peu trop vite quand, dans un virage du chemin, une sensation bizarre me fait stopper net. Je tourne doucement la tête à gauche alors qu'un très gros mâle mouflon tourne lui aussi la tête vers moi.
Je viens de gâcher ma seule occasion du séjour de réaliser une approche ! Nous nous regardons un moment sans bouger, il est à 35 mètres environ. Il finit par interrompre ce face à face et s'enfuit au galop en me tournant le dos alors que surgissent de derrière quelques buissons un autre beau mâle et une femelle qui le suivent. Je les perds de vue et le calme revient.
Je décide de les suivre, j'attends un moment puis pars dans la direction de fuite et retrouve leur trace sur le sol humide. Les traces descendent dans le lit d'un petit ruisseau escarpé puis remontent en face, je les suis et entends démarrer les animaux alors que je suis encore au fond du ruisseau. Je remonte rapidement mais trop tard, ils ont disparu. Je perds rapidement leurs traces et décide de faire demi-tour pour revenir vers la voiture.
Je m'en veux, je n'y croyais plus... cette fois je redouble de prudence mais trop tard. Le sol est toujours marqué de coups de nez de sangliers assez frais mais je ne verrai pas le moindre mouflon jusqu'à la voiture. De retour sur la route, je retrouve les rayons du soleil qui me réchauffent un peu.
Je reprends ma voiture et pars me garer après le village de Gars pour tenter une approche sous les falaises qui surplombent le village. Je me gare au départ du bois de chênes qui fait suite à une zone de buissons et d'arbustes. La zone est façonnée par des paliers artificiels délimités par des murets de pierres blanches appelés "restanques" en Provence. Je remonte par une grosse coulée marquée et tombe rapidement sur de nombreuses traces et crottes de mouflon. Je reprends espoir et suis les traces qui semblent fraiches. Elles slaloment entre les passages qui passent les murets. Le secteur semble très fréquenté et j'avance doucement mais se flanc de montagne exposé plein sud est déjà bien sec malgré les fortes pluies de ces derniers jours. Les feuilles sèches et les pierres sont très bruyantes et une progression discrète est mission impossible. Je redouble de précautions mais alors que j'arrive près d'une zone de buis assez fourrée qui entoure de gros rochers, des animaux démarrent sans que je puisse les apercevoir.
Je tente de remonter vers le pied de la falaise pour tenter de les dominer mais je ne verrai rien
et je redescends doucement vers le village en longeant sous la falaise. Le secteur semble très fréquenté, je descends au travers d'un pierrier
et rattrape un petit sentier silencieux que je longe tranquillement. Une construction en pierre est posée sur un replat rocheux perché contre la falaise et je me demande à quoi elle pouvait bien servir et comment les anciens y accédaient.
Une grosse coulée traverse les buis vers la falaise au pied de cette ruine
et je la suis pour déboucher sur une zone pelée, couverte de crottes de mouflon. C'est un abri naturel, un mur de buis protège le pied de la falaise et les mouflons doivent certainement s'y réfugier par mauvais temps.
Je quitte cet abri improbable et continue à descendre vers le village mais impossible de voir les mouflons.
Je rentre, il est temps de manger et il fait déjà chaud. En chemin, je photographie un formation géologique surprenante qui borde la route.
Ce soir, je retourne sur le secteur prospecté en fin de matinée
et me poste sous la falaise en haut d'un pierrier sur des passages fréquentés
mais rien ne bougera. Je ptofite encore un peu de ce paysage magnifique car demain matin je rentre dans le Gers
et je redescends alors que la nuit s'installe. Mon séjour se termine... Je ne flècherai pas de mouflon cette année.
Alex