Cette année, malgré une très belle saison de chasse, j'ai joué de malchance avec les sangliers. J'ai fait pas mal de sorties mais je n'ai pas vu beaucoup de sangliers et quand je les ai vu ou entendu, je n'ai pas eu d'occasion de décocher. J'ai juste pu en flécher un en battue. Ce soir, c'est ma dernière chance, demain je ne suis pas disponible pour aller chasser. En sortant du boulot, je pars donc pour Traversères et décide d'aller me poster en-dessous du lac où je me suis fait avoir plusieurs fois cette année. Je me gare à la ferme, me prépare tranquillement et prends le chemin de terre qui descend vers le petit ruisseau qui coule sous la digue du plan d'eau. Alors que le chemin bifurque à angle droit dans le bosquet, en direction de la digue, je le quitte par un passage broyé cette année et qui rejoint un passage le long du ruisseau. Arrivé au passage, je me poste en bordure du taillis très épais, dans une petite éclaircie, partiellement caché par quelques arbustes. Ce poste me donne une bonne visibilité sur le petit ruisseau qui coule en bordure d'un épais taillis d'épines et ronces qui longe l'autre rive sur environ 50 mètres de large avant un chemin qui le sépare d'un penchant boisé de chênes et de genévriers. Un sanglier est venu se souiller ces jours-ci dans le ruisseau, juste en face de mon poste. Une ouverture dans le fouillis végétal et les arbres tombés au sol me donne une bonne fenêtre de tir sur la souille et une grosse coulée qui sort du taillis de l'autre côté du ruisseau.

Il y a plus d'un mois, je m'étais fait avoir par les sangliers sur ce secteur. Posté plus à droite, de l'autre côté du ruisseau, dans une zone dégagée, un premier sanglier, d'environ 40 kg, était sorti du taillis vers 18 heures pour traverser le passage au pied du penchant de chênes avant d'y monter pour suivre bruyamment une grosse coulée parallèle au chemin en retournant les feuilles jusqu'à l'aplomb de la digue du lac avant de rebrousser chemin et de revenir dans le taillis. Ce comportement annonçait la présence d'autres sanglier. Effectivement, un peu avant la nuit, j'avais entendu les sangliers bouger un moment dans le taillis avant qu'un gros en sorte pour marcher bruyamment dans le ruisseau en s'éloignant avant de revenir vers moi pour stopper de face, dans le sale, à moins de 10 mètres. J'ai attendu plusieurs minutes qu'il bouge un peu pour avoir une occasion de tir mais le vent a tourné et il a fait volte-face en grognant pour s'éloigner de cul avant de bifurquer vers le taillis et prendre la fuite en entraînant les autres avec lui dans un gros fracas. 

Avant ça, j'étais tombé 2 fois sur les sangliers en rentrant de nuit sur le chemin par lequel je suis venu et la semaine dernière j'ai dérangé un solitaire en arrivant à la voiture de nuit alors qu'elle était garée au-dessus du lac, près des ruches. Le sanglier était juste à 15 ou 30 mètres dans le taillis qui domine le lac. Aujourd'hui et hier, il a fait chaud et j'ai bon espoir de voir les sangliers venir boire ou se baigner au ruisseau. Il fera nuit vers 21 heures, le vent à peine perceptible, que je contrôle régulièrement en émiettant du bois sec pourri, est bon, il souffle en parallèle du cours d'eau. Je suis posté vers 18h30, le bruit de l'eau du ruisseau, le chant des oiseaux et le vert intense des premières feuilles qui éclosent sont très apaisants après ma journée de travail. Par moment, ce sont les rainettes qui s'en donnent à coeur joie avec leur chant puissant. Vers 19h45, le cri puissant d'un sanglier, entre un couinement et un grognement se fait entendre sur ma droite, sous la digue du lac. Vers 20 heures, ça commence à bouger en face de moi, dans le taillis. Le bruit dans la végétation cesse et reprend régulièrement. Les animaux semblent venir par ma gauche en direction de la souille mais impossible de les voir dans l'épaisse végétation. Je scrute le secteur quand, vers 20h15, un mouvement attire mon regard en face de moi. Une masse noire bouge dans le taillis, c'est un beau sanglier qui tourne sur place à environ 40 mètres avant de prendre la coulée dans ma direction. Il avance tranquillement en faisant des pauses. Il stoppe à environ 20 mètres, de face et hume l'air au bord du ruisseau. J'arme doucement mon arc et aligne ma visée en attendant une occasion de tir. Brusquement, il regarde vers moi avec un grognement puissant. Il trépigne, se balance de gauche à droite, hésite, commence à se tourner plein travers, se remet de face, recommence à se tourner puis bifurque pour prendre sur sa droite et passe derrière un gros arbre. Il s'arrête caché un instant puis s'avance tranquillement dans le ruisseau caché par la végétation. Je désarme, le bruit s'intensifie dans le taillis quand plusieurs bêtes rousses surgissent du sale et s'avancent au petit trot sur la même coulée. Les animaux stoppent au ras du ruisseau, je réarme mais elles prennent le même chemin que le premier sanglier et disparaissent dans la végétation. Je désarme. Les animaux tournent bruyamment un instant dans la végétation et semblent venir vers le passage qui passe juste devant moi. Je scrute le secteur quand j'aperçois les bêtes rousses qui reviennent par l'autre rive du ruisseau. Je m'apprête à armer quand j'aperçois une masse sombre qui s'avance, plein travers, à 10 mètres devant moi. Je me penche à gauche pour armer caché derrière un gros arbre juste à ma gauche puis me repositionne très lentement en face de la trouée. Le gros sanglier a bifurqué pour s'eloigner de 2 mètres. Il fouille la boue du ruisseau de son groin et se présente de cul. Les bêtes rousses sont plein travers à environ 20 mètres. J'attends une opportunité de tir. Le gros sanglier fouille énergiquement la boue de son groin et commence à me présenter un 3/4 arrière puis se remet de cul, il recommence à se positionner de 3/4 arrière et pivote à nouveau de cul, il renouvelle plusieurs fois se manège en pivotant à droite ou à gauche puis se tourne doucement à gauche pour me présenter son flanc. J'aligne ma visée et décoche. L'impact retentit et le sanglier démarre en trombe pour disparaître d'un bond dans la végétation. Les bêtes rousses foncent dans le fourré dans un gros fracas. Je réencoche. J'entends mon sanglier s'éloigner tranquillement dans la végétation qui craque sur son passage. Je reste immobile, le calme revient peu à peu. Je décide de rester en place jusqu'à la nuit au cas où les bêtes rousses reviendraient. Après quelques minutes de calme, des craquements se font entendre devant moi, je me prépare à armer. Le fourré s'agite plusieurs fois mais rien ne sort. La nuit s'installe et le calme revient.

Je quitte mon poste et allume ma frontale pour aller voir ma flèche. Elle est plantée dans la boue et le tube est couvert de sang. 

Je la laisse sur place et commence à chercher du sang mais rien. Je parcours un moment les coulées dans la végétation sans trouver le moindre indice avant de trouver des grosses gouttes de sang à environ 20 mètres du tir, au bord du ruisseau que mon sanglier a traversé, j'aperçois du sang de l'autre côté. Je traverse et suis le sang qui longe le cours d'eau sur quelques mètres avant de le retraverser en contournant un gros arbre par la gauche. Le sang s'enfonce dans le sale et je le suis encore sur environ 15 mètres avant que la piste ne descende dans le lit du ruisseau maintenant encaissé de 2 mètres pour remonter en face dans l'épais taillis. Je rentre à 4 pattes dans les épines en suivant une coulée étroite. Les frottés très marqués et sanguinolents sont nombreux et assez faciles à suivre. Je peine tout de même à les suivre en faisant suivre mon arc dans ces épines qui me lassèrent les bras et le dos. Par moment, le sang devient peu abondant puis s'intensifie à nouveau et je dois contrôler les bifurcations de coulées pour ne pas me tromper. La piste tourne et retourne dans ce taillis puis finit par ressortir sur la piste au pied du penchant de chênes. Le sanglier a traversé la piste et prend maintenant une grosse coulée qui remonte un peu avant de longer le bas du penchant dans le bois. Je suis assez facilement la piste relativement bien marquée, à quelques exceptions près où je dois contrôler sur plusieurs mètres les coulées avant de retomber sur le sang. Le sanglier ne remonte pas, c'est bon signe, après environ 50 mètres dans le bois, je tombe sur une grosse reposée debout, il a perdu beaucoup de sang et une forte odeur de sanglier emplit l'air. Je suis encore le sang sur quelques mètres puis le perds, je contrôle un peu plus loin, rien, je reviens sur mes pas et constate qu'il prend à droite pour remonter dans le penchant. J'aperçois alors mon sanglier mort sur le flanc dans la végétation. 

C'est une belle laie de plus de 69 kilos, elle est marquée d'une longue balafre sur le flanc en cours de cicatrisation. Une balle semble avoir entaillé sa peau superficiellement en arrachant ses poils sur environ 50 cm.

Il est temps de rentrer, je la descends dans le champ, en bas du talus puis l'attache par le groin et la tire jusqu'à la digue du lac avant d'aller chercher ma flèche puis ma voiture. Avant de la charger, je fais quelques photos souvenirs.

Il est temps de rentrer. Au dépeçage, j'ai trouvé du petit plomb sous la peau au niveau du cou et de l'épaule de l'animal et un abcès en cours de guérison au niveau de l'épaule, décidément c'était une coriace mais ma flèche qui a traversé les poumons ne lui a pas laissé autant de chance.

Alex