VENDREDI 10 JUIN
Ce matin, je finis de préparer ma valise et règle quelques affaires avant de partir chez Lionel sur Auch. J'ai un peu la boule au ventre, je n'ai toujours pas digéré le séjour catastrophique à la pourvoirie du lac Suzie où nous étions partis à 4 et où personne n'avait vu d'ours. Le pourvoyeur nous avait également vendu de superbes pêches au doré sans jamais nous y amener. Je m'en veux encore car c'est moi qui étais à l'origine de ce voyage. Seul Lionel retente l'aventure avec moi cette année et nous avons une grosse pensée pour notre ami Renaud qui aurait bien aimé venir mais ses finances ne le lui permettent pas. Cette fois, nous partons dans la réserve faunique des Laurentides, à environ une heure au nord de Québec,
avec l'équipe Chassomaniak présidée par Mathieu POULIOT qui propose plusieurs destinations via Next Hunt Adventure.
/image%2F1063143%2F20220807%2Fob_47caeb_sans-titre-1.jpg)
/image%2F1063143%2F20220807%2Fob_4632d0_sans-titre-2.jpg)
/image%2F1063143%2F20220808%2Fob_7dcee3_mat.jpg)
Nous devons rejoindre Christophe chez lui, à Escorneboeuf, pour midi. Nous mangerons ensemble avant de partir pour l'aéroport de Blagnac où nous laissera sa copine vers 15 heures.
Notre avion doit décoller vers 19h30 mais voyager au Canada est un vrai parcours du combattant. Nous commençons par enregistrer nos bagages de soute et pour cela il nous faut présenter notre passeport, notre AVE (Autorisation de Voyage Electronique), notre QR code ArriveCAN et notre passeport sanitaire mais Christophe et Lionel peine à retrouver les documents sur leurs portables respectifs et cette étape s'éternise.
Autorisation de voyage électronique (AVE) : Comment présenter une demande
Ceci est le site Web officiel du gouvernement du Canada pour présenter une demande d'AVE pour s'envoler vers le Canada ou pour transiter par un aéroport canadien. L'AVE ne coûte que 7 $CAN. Vous...
https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/visiter-canada/ave/demande.html
Utilisez ArriveCAN pour entrer au Canada
Avis concernant l'accessibilité Si vous avez des besoins en matière d'accessibilité, vous devriez utiliser la version Web d'ArriveCAN. La version Web répond à toutes les normes d'accessibilit...
https://www.canada.ca/fr/agence-services-frontaliers/services/arrivecan.html
Nous portons ensuite nos valises hors gabarit vers un tapis spécial puis passons le contrôle avant la porte d'embarquement. Lionel et moi passons sans encombre mais Christophe a droit à un contrôle de son bagage de cabine. Nous n'avons pas trouvé de vol direct pour Québec, nous devons donc prendre un premier avion pour Paris. Après un vol sans encombre, nous arrivons à l'aéroport Charles de Gaulle vers 20h30. Nous n'avons pas besoin de récupérer nos bagages en soute qui seront automatiquement transférés vers notre correspondance pour le Canada. Notre second vol n'est qu'à 13h30 le lendemain, nous prenons donc un petit repas avant de chercher une zone pour dormir. Nous allons ainsi passer la nuit sur un canapé avec des voyageurs ayant raté leur avion.
SAMEDI 11 JUIN
Au petit matin, nous commençons, au grès des informations glanées auprès de plusieurs personnes, à nous diriger vers notre terminal, qui s'est affiché sur le tableau d'affichage des vols, les vrais gersois à la capitale. Venus à bout de ce labyrinthe, nous passons le contrôle avant d'aller prendre un petit déjeuner et attendre notre avion à la porte d'embarquement. Après un vol sans encombre, nous arrivons à Québec vers 14h40, heure locale. Ici le masque est encore obligatoire dans l'aéroport. Il nous faut répondre à un questionnaire à une borne puis la douane nous laisse passer sans encombre. Le douanier très sympathique qui a observé nos arcs avec attention nous souhaite une bonne chasse. Ça y est nous y sommes mais, en sortant de l'aéroport, nous attend une mauvaise surprise. L'hôtel Econolodge que j'avais réservé en ligne en France était annoncé à 1,5 km de l'aéroport mais en rentrant l'adresse sur le GPS de mon portable, le parcours le plus court est annoncé pour 4,5 km. Nous décidons tout de même de faire le chemin à pied avec nos valises. Alors que je repère un merle américain et commence à le prendre en photo, un québécois amusé vient à notre rencontre pensant que nous avions repéré une marmotte.
Nous engageons la discussion alors qu'un ami à lui nous rejoint. Ils sont très enthousiastes à l'idée que nous allions chasser l'ours à l'arc et nous souhaitent également une bonne chasse. Nous en profitons pour leur demander de nous guider un peu vers notre hôtel puis suivant leurs explications et mon GPS, nous nous mettons en route. Plusieurs taxis s'arrêtent pour tenter de nous convaincre de monter mais nous continuons notre chemin sans vraiment nous rendre compte du périple qui nous attend. J'essaie en vain de joindre Mathieu avec qui je suis en contact depuis des mois pour l'organisation du séjour, ma connexion internet est très mauvaise. Je parviens enfin à le joindre un peu plus loin. Alors que nous faisons une halte, nous dérangeons 3 grosses marmottes qui foncent se réfugier sous un algéco posé près d'un bosquet, non loin de la route. Mathieu viendra nous chercher demain matin à 10 heures. Nous reprenons notre chemin et prenons à droite sur une grande avenue. Alors que nous n'avons fait à peine 1/3 du chemin. Un automobiliste interpelle Christophe plus en retrait pour lui proposer de nous amener jusqu'à notre hôtel. Il se gare un peu plus loin et charge nos bagages avant de nous amener jusqu'à notre destination qui était encore loin. Nous n'étions pas arrivés, nous ne savons pas comment le remercier et nous n'avons pas de liquidité sur nous mais il nous dit que c'était un grand plaisir pour lui et nous souhaite également une bonne chasse. Je l'avais déjà dit à mes compères mais cela se vérifie encore, les Québécois sont d'une gentillesse à laquelle nous ne sommes pas habitués en France. Nous prenons possession de notre chambre d'hôtel et nous nous posons un peu avant de ressortir pour chercher quelque chose à manger. Nous élisons un petit snack-glacier très américain et très proche de notre hôtel. Lionel, qui avait promis à notre ami Renaut de manger une poutine en pensant à lui, tient sa promesse alors qu'avec Christophe nous élisons un hamburger. Une bonne glace nous servira de dessert. Nous retournons ensuite à l'hôtel pour une bonne douche et une nuit de sommeil.
DIMANCHE 12 JUIN
Le lendemain, après un bon petit déjeuner pris à l'hotel, nous attendons l'arrivée de Mathieu. Nous sortons devant l’hôtel un peu avant 10 heures. Une merlette vient se poser sur le trottoir à notre droite avec des vers de terre dans le bec.
Nous supposons que son nid doit être proche mais nous n'imaginions pas autant. Elle s'envole et se pose juste au-dessus de moi, au-dessus d'un des piliers qui tient la structure métallique au-dessus de nous. Son nid est posé là et ses oisillons l'accueillent becs ouverts. Elle les nourrit puis saisit une déjection d'un oisillon et l'avale avant de se poser pour couver ses petits.
Mathieu finit par arriver, un peu après 10 heures, avec un énorme pickup noir GMC et déjà caméra au poing pour filmer notre réaction. Nous changeons nos affaires puis partons. Il nous faut passer chez un ami à lui qui tient un restaurant pour prendre les repas préparés pour la semaine, faire ensuite quelques courses puis trouver un magasin de chasse ouvert pour acheter nos permis de chasse à l'ours et de pêche avant de partir pour la réserve faunique des Laurentides. Mathieu est une vraie star, les gens l'accostent où qu'on aille, il est très connu au Québec, notamment pour la tournée des films Chassomaniak.
Trouvez ici la liste des prix des permis de chasse, les points de vente et quoi faire pour le remplacer ou obtenir un remboursement.
Mathieu est une vraie star, les gens l'accostent où qu'on aille, il est très connu au Québec, notamment pour la tournée des films Chassomaniak dont notre aventure fera certainement partie en 2023.
La ville de Québec laisse place à un paysage sauvage composé de forêts, lacs et rivières sous quelques grosses averses.
Je scrute la météo de la zone depuis plusieurs jours et si elle ne se trompe pas nous ne verrons pas beaucoup le soleil. En discutant, Mathieu nous annonce que nous sommes les premiers français à venir chasser avec lui sur son territoire qui fonctionne depuis 30 ans mais qu'il a pris en gérance depuis 2 ans. A notre arrivée à la réserve faunique gérée par la Sépaq,
/image%2F1063143%2F20220807%2Fob_ded4a3_sans-titre-3.bmp)
nous devons attendre que notre chalet soit libéré par ses occupants avant de nous installer et manger un bout.
Nous nous changeons ensuite rapidement pour la chasse, préparons nos arcs avant d'aller nous entraîner un peu pour vérifier nos réglages. Rien n'a bougé pour moi et Christophe mais Lionel est inquiet car son arc tire trop à droite. Mathieu nous explique que la zone vitale de l'ours est plus en arrière que chez les herbivores et nous montre plusieurs photos d'ours avec le point rouge matérialisant la zone à viser. Il nous conseille de tirer de la largeur d'une main, en arrière du défaut d'épaule, sur un ours plein travers.
Il est temps de partir pour la chasse, Mathieu possède une centaine de poste et fait chasser environ 45 chasseurs par an. Dès qu'un ours est tué, le poste est fermé pour l'année. La zone des postes n'est pas couverte par le réseau téléphonique et internet, nous devrons attendre le soir pour avoir des nouvelles les uns des autres. Nous déposons Lionel, son poste est proche d'un barrage de castors, les ours sont très friands de ces gros rongeurs. Mathieu l'accompagne pour lui montrer son poste au sol et appâter le site puis nous continuons. C'est Styve, un des guides, qui déposera Christophe qui n'est pas du tout sur le même secteur que nous. Il sera posté sur une plateforme à 3 mètres du sol. Le territoire est assez éloigné de notre chalet. Chaque poste est espacé des autres d'environ 5 km. Mathieu vient se poster avec moi pour filmer ma chasse. J'ai opté pour un affût au sol car je ne chasse jamais en tree-stand mais cette position, cumulée à la présence d'un caméraman, va fortement compliquer ma chasse. Le sentier qui mène à mon poste est tellement discret que Mathieu le manque 2 fois en passant devant. Il gare son pickup et nous partons chargés sur le sentier qui s'enfonce dans le bois d'épinettes très denses, jusqu'à une zone d'appâtage plus dégagée, au fond d'une combe. Le vent est bon et remonte vers la piste. Mathieu me montre notre poste qui domine la zone de nourrissage sur une bute à notre droite. Je monte mon matériel et la valise des caméras alors que Mathieu part appâter. Je pose les sièges pliants et la valise puis analyse mon poste alors que mon guide remonte après avoir tambouriné sur le bidon pour annoncer son remplissage aux ours du secteur. Il a vidé le sac d'appât de chez Meunerie Soucy
/image%2F1063143%2F20220808%2Fob_a9f5a1_ours.jpg)
et le remonte au poste. Les moustiques et mouches noires m'assaillent déjà et je me presse d'allumer mon Thermacell.
/image%2F1063143%2F20220808%2Fob_77f144_ter.jpg)
Les moustiques s'éloignent au bout de quelques minutes mais les mouches noires n'y semblent pas sensibles et continuent à me persécuter. La chaise pliante risque de me gêner au moment de me lever, je préfère la replier et m’asseoir sur le sac derrière la barrière en branches de sapin qui sera mon écran de camouflage. Mathieu me montre un crocher pour suspendre mon arc contre l'épinette à ma gauche et me demande d'essayer de me lever et d'armer mon arc. Le sol a été creusé pour former une marche sur laquelle je pose le sac d'aliment vide et m'assois dessus.
La pluie est annoncée pour ce soir mais j'ai fait le choix de ne pas prendre de vêtements étanches trop bruyants, j'ai mis un t-shirt, un sweat et ma veste camo par-dessus laquelle j'ai enfilé un dossard orange fluo unis, obligatoire pour la chasse à l'ours au Québec.
Mathieu s'installe derrière moi et cale le trépied de sa caméra avant de s’asseoir sur sa chaise pliante. Un crâne de femelle orignal, trouvé sur place avec la carcasse lors de l'aménagement du poste, est accroché dans l'arbre au-dessus du bidon et a donné le nom à ce poste : "le crâne suri".
Un coup de télémètre, le bidon est à 16 mètres. L'attente commence rythmée par les allés et venus des tamias et des écureuils qui se succèdent auprès du bidon nourricier. Quelques lièvres variables américains viennent régulièrement prendre part au festin. Rapidement, la pluie commence à tomber. Je mets la capuche de ma veste Solognac et subit l'averse sans broncher. Je suis vite trempé. Mathieu me propose un vêtement étanche mais je le refuse. De son côté, il a dû ranger la caméra au plus fort de l'averse pour éviter de trop la mouiller. La pluie finit par se calmer et Mathieu réinstalle sa caméra en m'expliquant que la pluie et surtout le vent ne favorise pas la sortie des ours car ces derniers sont plus vulnérables. Les intempéries limitent leur odorat très performant et leur bonne ouïe, leur vision n'est déjà pas bonne en temps normal, ils perçoivent surtout les mouvements. Les averses s'espacent et sont moins prononcées. Vers 19h30, alors que nous sommes au poste depuis 16 heures, un mouvement attire mon regard à 15 mètres sur la droite. Un ours regarde vers moi, ramassé en boule, il me semble obèse mais pas très grand. Je reste immobile, un petit ours arrive derrière, c'est une ourse suitée, interdiction de tirer. Elle s'avance un peu en longeant la crête qui remonte sur notre droite. Mathieu qui l’aperçoit alors me touche l'épaule et j'acquiesce sans bruit. L'ourse et son jeune tournent un instant, ils semblent inquiets puis disparaissent derrière la crête.
Pendant 30 minutes, plus rien à part les lièvres et les écureuils puis je sens, dans mon dos, que Mathieu a repéré quelque chose. Je me tourne doucement, vois la direction de son regard et qu'il allume sa caméra. Je scrute le fourré de feuillus sur la droite du bidon. Quand j'aperçois du mouvement. L'ourse revient mais elle est accompagnée de 2 oursons. Un des oursons s'avance, renifle près du bidon puis retourne dans le fourré. Au bout d'un moment, il revient au bidon et commence à bouger les troncs qui l'empêchent d'accéder à l'ouverture du bidon et tourne sur l'avant du bidon.
L'autre ourson moins téméraire, le rejoint prudemment.
Ils se mettent à manger. L'ourse très méfiante, s'avance doucement.
Elle tourne ensuite sur le secteur en humant l'air, donnant de grands coups de nez en l'air. Elle est énorme, elle me paraissait plus petite tout à l'heure. Elle regarde régulièrement vers nous mais ne semble pas nous voir. Elle s'éloigne dans les fourrés sur la gauche, revient vers ses oursons, tourne et retourne, hésite plusieurs fois à venir manger
puis finit par se décider après environ 20 minutes de vas et viens. Elle se présente presque plein travers à cheval sur un gros tronc qui passe sous son thorax, l'arrière train relevé et le poitrail au sol.
Elle se redresse quelques fois pour surveiller les alentours puis passe le tronc et mange avec ses oursons de bon cœur. Un lièvre arrive par notre droite dans une goulotte qui sépare notre promontoire de la crête puis contourne les ours par le bas avant d'arriver tranquillement par la gauche du bidon, surprenant les ours dans leur repas et leur faisant faire un bond en arrière. Egalement surpris par les ours qu'il n'avait pas vu, il s'éclipse. Trempé et avec la fraîcheur qui s'installe, je suis pris de tremblements incontrôlables, Mathieu inquiet me demande si ça va mais je le rassure. Les ours reviennent vite à leur repas, les oursons ne lâcheront plus le bidon alors que leur mère reprendra par moment ses rondes sur le secteur entre 2 prises de nouriture. Vers 21h15, la nuit s'installe, Mathieu casse du petit bois ce qui inquiète l'ourse qui se redresse et s'éloigne mais les oursons ne veulent pas lâcher leur repas. Mathieu continue à faire du bruit, l'ourse revient plusieurs fois chercher sa progéniture avant qu'elle ne se décide à disparaître dans le fourré sur la droite du bidon. Nous ramassons nos affaires et retournons au pickup. Nous partons récupérer mes amis, je grelotte encore et peine à me réchauffer malgré le chauffage allumé par Mathieu dans sa voiture, plusieurs lièvres traversent dans les phares. Lionel est le premier, il a vu un ours qu'il juge petit. Il nous compte avec enthousiasme cette première rencontre : "Il est arrivé après moins de 2 heures d'affût, sorti des sapins à environ 40 mètres, il est arrivé rapidement aux appâts, a mangé un peu puis est reparti. Il est ensuite revenu et reparti 6 fois sans me donner d'occasion de tir. L'ours finit par me repérer, hume l'air debout sur ses pattes arrières et regarde vers moi. Je le regarde, immobile, durant 6 ou 7 secondes avant qu'il ne reparte définitivement." Christophe lui n'a rien vu à part des écureuils et des lièvres.
Sur le retour, nous croisons une femelle orignal et son petit. Dans la panique la femelle s'est enfuit dans les fourrés laissant seul son petit perdu au milieu de la piste. Nous avions déjà vécu cette scène, en plein jour, avec Lionel lors de notre dernier séjour au Québec.
Mathieu a dû stopper un moment et éteindre ses phases en attendant que le petit rentre au fourré après avoir fait des allés retours sur le chemin. Un jeune orignal perdu serait inévitablement une proie facile pour les loups ou les ours. Plus loin, un autre jeune orignal traversera devant nous. Nous rentrons au chalet pour manger un bout et une nuit de sommeil. Nous allumons un feu pour faire sécher nos affaires mouillées et nous réchauffer un peu. J'enfile des vêtements secs après une bonne douche chaude avant d'aller me coucher.
LUNDI 13 JUIN
Ce matin, je me réveille vers 5 heures et n'arrivant pas à dormir, je décide de me lever pour aller prendre l'air et en profiter pour appeler ma compagne. Je pars jusqu'au bord du lac bordé par une plage de sable ponctuée de tables de pique-nique.
Je retourne ensuite au chalet en attendant que mes compères se lèvent ce qui ne tarde pas. Nous partons nous entraîner et affiner les réglages de l'arc de Lionel.
Ce soir, Mathieu ne peut pas venir me filmer, il a donc demandé à William, un de ses guides, de le remplacer. Nous partons pour le même poste que la veille, sauf Christophe qui n'a rien vu hier. Il sera, cette fois, installé sur une zone dégagée, dans une tente d'affût. Arrivé à mon poste, Mathieu nous laisse avec William au départ du sentier. William part appâter avec le même type d'appât que la veille et avec un grand seau blanc de la confiture de cerise noire, pendant ce temps, je pars m'installer au poste et poser la valise des caméras. J'allume vite mon Thermacell, le temps est incertain mais le vent est bon. Je m'installe alors que William revient au poste. Il a laissé le seau de confiture vide près du bidon. La pluie ne tarde pas à tomber. Ce soir, j'ai mis une veste sans manche par-dessus ma veste en espérant avoir moins froid. William couvre la caméra avec une housse faite pour cela alors qu'il commence à pleuvoir. Comme la veille, les écureuils et tamia s'en donnent à cœur joie mais beaucoup moins de lièvres viennent au bidon. La soirée est très calme et les averses se succèdent, nous sommes vite trempés. Les écureuils et tamias passent parfois très près de nous, un écureuil téméraire vient même tirer sur mon gilet fluo dans mon dos. Vers 21 heures, moins d'une heure avant la nuit, la pluie a cessé depuis un moment, un mouvement attire mon regard dans le fourré sur la droite du bidon. Une masse noire s'avance, j'attrape vite mon arc mais j'aperçois les oursons.
C'est la femelle d'hier avec ses jeunes. Les petits arrivent directement au bidon, la femelle moins méfiante que la veille hume rapidement l'air fait un petit tour puis arrive au bidon et se met à manger goulûment en me présentant un 3/4 arrière à 16 mètre alors que les oursons sont retournés dans le fourré. Idéal si elle n'avait pas été suitée.
Les oursons reviennent, ils tournent un peu autour du bidon puis recommencent à manger. après un instant, l'un d'eux jette son dévolu sur le seau à confiture, il lèche l'entrée
puis finit par rentrer à l'intérieur pour lécher le fond mais le seau roule et l'ourson avec. Il sort rapidement du seau et hésite à y revenir mais la gourmandise est la plus forte. Il recommence à le lécher. Le temps passe et la nuit s'installe. Le clack des fermetures métallique de la valise des caméras fera finalement déguerpir les ours. Nous retournons à la piste attendre Mathieu. Il tarde un peu à arriver, Christophe a fléché et retrouvé seul son ours qui est dans le coffre du pickup. Je l'aperçois furtivement en rangeant mes affaires. Cette fois, c'est Lionel qui n'a rien vu à part 2 lièvres et quelques écureuils. Plusieurs chasseurs à la carabine ont tué ce soir, nous les retrouvons un peu plus loin avec les guides. Nous leur laissons l'ours de Christophe qui va partir en chambre froide après avoir été vidé. En le voyant plus distinctement, je me rends compte qu'il n'est pas énorme mais c'est un bel animal. Les ours morts dans la benne du pickup sont beaucoup plus gros que celui de mon ami. Nous rentrons au chalet pour manger un bout et écouter le récit de notre ami avant d'aller nous coucher :
"Me voilà rendu sur un nouveau spot, encore plus éloigné dans la forêt que la veille, au sol cette foi- ci, et qui plus est, dans une tente d’affût. Le confort est appréciable, j’ai embarqué une chaise pliable depuis laquelle je pense pouvoir tirer assis. Rituel de mise en route du Thermacell, tentative d’armement de l’arc. Aïe, je suis trop bas, impossible d’armer sans être obligé de me déplacer vers l’avant de ce maudit siège en toile dont le frottement génère un bruit à même de faire fuir tout gibier. J’expérimente plusieurs positions, tente d’interposer des vêtements sur le siège à la fois pour me rehausser mais aussi pour étouffer les bruits parasites… Bof, je serai obligé de tirer assis en équilibre instable sur la barre avant du siège de trois-quart face pour ne pas être gêné par les accoudoirs malheureusement inamovibles de ce siège de carpiste. La distance de tir est mesurée au télémètre : 22 mètres, ça fait un peu loin à mon goût. Bien sûr d’ordinaire, sur cible, en bonne position, c’est simple, mais là il s’agit de tirer un ours… C’est une première pour moi et j’ignore encore quel pourrait être mon degrés d’émotivité au moment de l’arment et du tir.
Au bout d’à peine une heure, ça y est, un ours apparaît, surgi de nulle part devant moi. Comme prévu, je ne l’ai pas entendu s’approcher au travers de la forêt pourtant dense qui nous entoure. Il s’approche tranquillement, hume l’air alentour mais ne donne aucun signe d’alerte. Il semble calme. De mon côte, je suis très ému par son arrivée et suivant les conseils de mes guides, je prends le temps de l’observation. Pas de précipitation, j’ai l’après-midi devant moi, ne pas s’impatienter, qu’il soit en bonne position… Cela fait seulement deux jours que nous sommes là, mais hier soir, Alex m’a fait part de son point de vue, « ne soit pas trop gourmand, si tu vois un ours ‘’correct’’ et qu’il se présente bien… tire ! ». Il faut dire que lui-même n’a vu hier qu’une belle femelle accompagnée de ses petits, donc intirable et qu’il a été échaudé par une précédente chasse à Québec d’une semaine durant laquelle il n’a vu aucun ours… Michel aussi m’a prodigué le même conseil : « n’attends pas forcement le gros ours qui ne viendra peut-être pas, ou trop tard à la tombée de la nuit, ne laissant pas d’opportunité de tir… Il faut avoir le bon feeling avec son ours, si c’est le cas, c’est le plus important » Je prends donc mon temps pour observer son comportement, je me dis qu’il n’est pas très gros et que sa fourrure en pleine mue n’est pas très belle. A ce stade, je décide de ne pas le tirer et de fait, la tension descend rapidement, mon rythme cardiaque s’apaise. Quelques courtes minutes s’écoulent et mon ours s’éloigne tranquillement, disparaissant aussi furtivement qu’il m’était apparu.
Je suis enthousiasmé par cette première rencontre, convaincu désormais qu’il ne tardera pas à revenir, voire qu’un de ses congénères, plus gros apparaisse à tout moment. Je suis excité, tous mes sens en éveil lorsque la pluie commence à tomber calmement pour enfin laisser place à un orage interdisant toute velléité de tir. Moi je suis au sec, mise à part une infime gouttière au-dessus de ma tête, je suis protégé du déluge. Je pense alors à Lionel et Alex. J’ai laissé mon poncho à ce premier mais je sais que notre Bowhunter vas encore se tremper jusqu’aux os… Franchement, encore quatre ou cinq heures comme ça à grelotter et sans doute ne rien voir (il semble que les ours soient moins actifs par grand vent sous la pluie, leurs sens étant moins fiables), ça va impacter le moral des troupes… La pluie durera effectivement longtemps. Quelques rares accalmies déclencheront aussitôt la valse des écureuils et de nouveaux lièvres feront leur apparition. Mais toujours pas d’ours depuis plus de trois heures… Le temps semble vouloir s’apaiser laissant même un rayon de soleil illuminer la zone. C’est le moment que choisissent 5 grands corbeaux pour me survoler et se percher à proximité avant de se décider à venir se poser au sol devant mon affût. Je les observe discrètement et constate qu’ils ne sont en aucune manière affectés par la présence de ma tente ou les effluves potentielles de mon Thermacell. Cela me rassure, si les corbeaux sont à dix mètres de moi et sont si tranquilles, cela présage de bonnes choses pour la suite, je sais que je suis ‘’invisible’’.
Une heure se passe encore, la vie autour de mon affût s’agite, les écureuils, les oiseaux, les lièvres… Je contemple ce tableau qui m’est devenu familier, mes sens sont comme en retrait, je contemple paisiblement lorsque tout à coup, tout mon corps et mon esprit sont secoués ! Il revient, c’est lui, c’est l’ours de toute à l’heure. Son attitude d’approche, sa grosse tête, son pas dodelinant, me donnent l’impression qu’il est plus massif que toute à l’heure. Pourtant sa toison clairsemée sur le flanc ne laisse que peu de place au doute, c’est lui. Durant toutes ces heures d’attente, j’ai eu le temps de réfléchir à une foule de scénarios. Si j’en vois plusieurs, si je les sens inquiets, si je vois un trop petit, si j’attends la dernière heure dans l’espoir de l’arrivée d’un gros, si j’attends demain, après-demain… La magie de la chasse, c’est que souvent rien ne se passe comme prévu. Mais j’avais envisagé le retour de cet ours, et après réflexion, si il se présente bien, si j’ai un bon feeling… Il est calme comme toute à l’heure, arrivé par le même layon, son rituel d’approche est sensiblement le même. Il contourne les lieux, prend le vent, puis rassuré, commence à manger. Il se tient idéalement de profil et tourne la tête vers la forêt. J’en profite pour saisir mon arc délicatement. Je m’applique à le ramasser au sol sans heurter ni le montant de ma chaise ni griffer le revêtement de la tente avec la lame de la flèche encochée. J’ai l’impression de jouer à docteur maboul, vous savez ce personnage dont on doit prélever des os sans toucher les parois sous peine que tout clignote dans un grand vacarme… Ces quelques secondes pour ramener mon arc à moi me demandent une acuité décuplée « surtout ne pas toucher, n’émettre aucun bruit.. » Ouf, l’arc est à la verticale devant moi. Je respire calmement, l’ours est devant moi et circule dans la zone. Toutes mes séquences sont fonction de son comportement. Dès qu’il tourne la tête à mon opposé, j’en profite pour parfaire ma position sur mon siège, monter mon arc. J’y suis, il à la tête de nouveau tournée, je me décide d’armer mon arc et prends la visée. A ce moment mon cœur frappe dans ma poitrine mais j’arrive à garder le sang-froid nécessaire pour aller plus loin. Je vise défaut d’épaule puis décale d’une largeur de main plus en arrière pour tâcher de traverser les deux poumons. Il est à 22 mètres, je presse la détente de mon décocheur. « Chlack !» Je vois ma flèche parcourir les quelques mètres qui nous séparent alors qu’il amorce un pas en avant. Trop tard pour lui, ma lame pénètre dans son flanc, je le vois se courber sur lui-même à l’entrée de ma flèche. Un jet de sang trahit le point d’entrée de ma lame. Un peu haute, un peu trop en arrière à mon goût.
Il part en trombe dans le bois et je tente d’évaluer la direction de sa fuite lorsque moins de trente secondes plus tard, j’entends le râle caractéristique d’un ours vivant ses derniers instants. Un nouveau râle dix secondes plus tard et puis plus rien. Le calme est revenu tout autour de moi sauf dans ma tête, je bouillonne fébrilement. Je sors de mon affût, encoche une nouvelle flèche et écoute aux alentours. Je tente d’envoyer un message pour prévenir Alex mais bien sûr ici pas de réseau. Je prends le temps de calmer mon excitation puis me décide à faire ma recherche. Je ne veux rien précipiter et surtout ne pas prendre le risque de le relever si d’aventure il n’est pas mort. D’abord parce que c’est le meilleur moyen de le perdre et qui plus est, je ne suis pas fan à l’idée de me retrouver nez à nez avec cet ours blessé, moi-même à quatre pattes entravé dans ce bois d’épinette. Pour autant je suis confiant. Ce cris émis tout à l’heure m’a été plusieurs fois décrit comme étant le dernier. Je fais ma recherche au sang, attentif au moindre indice, au moindre bruit éventuel. Quelques gouttes à l’impact me confirment la bonne pénétration de ma flèche. Je retrouve celle-ci fichée au sol quelques mètres plus loin. La couleur du sang sur les vannes me laissent à penser qu’il s’agit d’un tir de poumons. Pas de sang trop rouge, pas de résidu de graisse ou de muscle adhérent sur le tube… C’est bon signe ! Je suis la piste qui s’éloigne progressivement de l’endroit où j’ai entendu mon ours pour la dernière fois, mais je continu ma progression. Une goutte par ci par là, un frotté sur un baliveau… Les indices sont de plus en plus en plus difficiles à percevoir et après une trentaine de mètres, plus de sang visible. Jusque-là un tapis de lichens gris clairs tapissait le sol, facilitant grandement mes recherches, mais je suis désormais dans une zone de mousses sombres et humides en lisière du bois. Il est 20 heures passé et la luminosité est de plus en plus faible. Je décide de ne pas prendre le risque de polluer la piste en cas d’une éventuelle recherche avec un chien de sang. Je balise la dernière trace de sang trouvée puis contourne largement la zone pour me rapprocher de là où j’ai entendu mon ours tomber.
Je monte sur une roche qui me permet d’avoir une vision plus large de la zone, je décrypte mon environnement proche mais je ne vois pas mon ours. Je me rapproche progressivement de la zone estimée de son dernier souffle et me fie à mon expérience, je rentre ‘’dans le sale’’, c’est surement au travers d’une zone dense qu’il a dû essayer de se réfugier. Il ne me faudra pas longtemps pour le trouver. Il avait parcouru une boucle depuis son départ fulgurant, s’étant éloigné puis revenant sur le chemin qu’il avait dû emprunter pour venir (les guides m’indiqueront plus tard que c’est un comportement très habituel des ours qui cherchent à retrouver une zone de « sécurité », c’est bon à savoir…) Il n’aura en définitive parcouru que soixante-dix ou quatre-vingt mètres. La flèche est bien là où je pensais l’avoir vu pénétrer. De part et d’autres les poumons ont obstrués les trous générés par ma lame, ainsi, je comprends mieux pourquoi je n’avais que si peu de traces de sang sur la piste. Il est la posé sur le flanc. Tout est calme, je le contemple, le touche, prends le temps de vivre pleinement ces moments de forte intensité où l’excitation de retrouver son gibier se mêle au sentiment d’émotion d’avoir ôté la vie. Après quelques minutes de plénitude, précipité par l’attaque redoublée des moustiques et des mouches, je ramène mon ours vers le bord de la piste en attendant l’arrivée de mon guide."
MARDI 14 JUIN
Ce matin, encore levé le premier, vers 6 heures, je pars faire quelques photos au bord du lac et appeler ma compagne, le temps et gris mais il ne pleut pas, c'est déjà ça. Un couple de mouettes vient se poser à environ 80 mètres de moi.
Sur le retour vers le chalet, j'aperçois une masse grisâtre sur la bande d'herbe qui borde la droite du chemin qui revient vers l'accueil de la Sépaq. Je pense d'abord à une marmotte et tente une approche en longeant les conifères sur la gauche du chemin. Je m'aperçois vite qu'il s'agit d'un lièvre. J'avance doucement et stoppe quand il relève la tête. J'arrive ainsi sans mal à environ 10 mètres de lui.
En revenant vers le chalet, je sors à découvert et me rends compte que j'ai pris beaucoup de précautions pour rien, le lièvre ne s'occupe même pas de moi et continue son repas. Christophe me fait signe, il m'a vue en mode approche et a observé la scène en retrait. Plusieurs lièvres sont sortis autour des chalets et broutent tranquillement. A son réveil Mathieu prépare de délicieux pancakes au sirop d'érable et nous demande ce que nous voulons faire, nous avons le choix entre chasse à la marmotte ou pêche à la truite mouchetée (omble de fontaine). Nous décidons d'aller faire un tour à la pêche. Nous partons sur des pistes forestières que même Mathieu a du mal à suivre. Nous arrivons finalement au lac du "pas perdu" qui nous a été attribué par les agents de la Sépaq. D'autres pêcheurs sont déjà là et ont déjà accaparé les meilleures barques. Il ne reste que 2 barques remplies d'eau par les fortes pluies de ces derniers jours. Nous les vidons en écopant avec des petits bidons bouchonnés dont le font a été découpé pendant que Mathieu part chercher notre matériel à la voiture garée un peu plus haut. Les barques vidées nous les mettons à l'eau et chargeons notre matériel après avoir enfilé un gilet de sauvetage. Les autres pêcheurs équipés de moteurs électriques s'éloignent vite, nous partons à la rame pour nous éloigner un peu du bord. Les cannes à pêche sont équipées d'une plaque ondulante dorée ou argentée suivie d'un bas de ligne avec un hameçon. Christophe n'a quasiment jamais pêché, Mathieu nous explique comment enfiler nos demis vers de terre. Nous éloignons ensuite nos barques du bord et commençons à pêcher en lançant puis en ramenant. Christophe attrape 2 truites aux 2 premiers lancés. La chance du débutant ? J'en décroche plusieurs avant d'en ramener une. Nos compères peinent un peu plus à démarrer mais les premiers poissons ne tardent pas à mordre et les prises s'enchaînent. Les poissons mouchent tout autour de nous et nous signalent ainsi leur présence. À chaque lancer près d'une zone où un poisson vient de moucher, un poisson mort à l'appât. On croirait pêcher dans une pisciculture. Mon bas de ligne s'entortille souvent au-dessus de la plaque ondulante au moment du lancer, Mathieu me fait un nouveau montage et tout rentre dans l'ordre. Peu à peu, je comprends comment ramener et, quasiment à chaque lancer, j'ai une touche. Christophe doit ramer de temps en temps pour éviter que la barque ne dérive trop. Nous trouvons une bonne zone autour d'un gros rocher qui affleure dans le lac, à environ 40 mètres du bord. Nous gardons beaucoup de nos prises mais je relâche quelques poissons qui sont piqués juste au bord de la bouche. Il est vite l'heure de rentrer pour manger et nous préparer avant la chasse. Nous ramenons 21 truites et nous en avons péché une trentaine.
Sur le chemin du retour, j'aperçois un porc-épic qui remonte le talus du bord droit de route. J'arrête Mathieu et cours vers l'animal pour tenter de le prendre en photo. Sa démarche pataude ne lui permet pas d'avancer vite dans la mousse qui tapisse le bois et je le rattrape vite. Pour m'échapper, il grimpe alors à une épinette.
Je verrai ensuite plusieurs autres porcs-épics sur le borde la route. C'est un animal protégé au canada, il est réservé à la survie car c'est semble t'il le seul animal dont la viande peut se consommer crue, il est très facile à capturer et très abondant. Nous passons par une cabane à poisson, à l'entrée de la Sépaq, où nous devons déclarer nos prises et où se trouve tout l'équipement pour préparer les truites. C'est Lionel qui est un grand pêcheur qui s'y colle pendant que nous allons préparer le repas.
Mathieu a décidé de nous changer de poste. Lionel n'a rien vu hier et de mon côté, la grosse femelle doit certainement tenir les autres ours à distance. Christophe passera l'après-midi avec les guides pour voir leur travail. C'est à nouveau William qui sera mon caméraman. 2 chasseurs à la carabine nous suivent avec leur pickup et Mathieu leur montre leurs postes avant d'aller nous poster. En chemin, Christophe aperçoit un ours sur le bord de la piste et le signale, je l'aperçois furtivement dans un coupe-feu perpendiculaire à la piste. Il est petit, Mathieu stoppe un peu plus loin et me demande si je veux tenter l'approche. J'hésite un peu mais il est petit, de plus, je ne veux pas retarder mon ami Lionel et lui faire perdre du temps de chasse. Je décide de ne pas tenter ma chance. Mathieu nous laisse sur la piste au départ du sentier qui va à notre poste. Nous partons chargés. Je m'installe derrière une barrière de branches de sapin pendant que William part appâter. À son retour, il installe la caméra, nous nous asseyons sur nos chaises de jardin en plastique et l'attente commence.
Ce poste est plus plat et plus fourré que mon poste précédent, un penchant boisé, bordé par un ru bruyant, le délimite sur notre gauche, une petite bute longée par le sentier dégagé délimite l'autre côté. Le bois est très dense autour de nous puis s'éclaircit sur la zone des bidons qui sont à environ 16 mètres. Le balai des écureuils et tamias commence. Un lièvre arrive par notre gauche et nous contourne pour aller au bidon.
Plusieurs écureuils passent tout près de nous, l'un d'eux fait des allers retours entre son terrier à quelques mètres sur ma droite et le bidon pour faire ses réserves. Alors que nous regardons fixement vers le bidon, un léger craquement nous interpelle dans notre dos. Nous nous retournons doucement et apercevons un jeune ours qui vient certainement d'être éjecté par sa mère. Il s'avance d'un pas lent, plein travers, en humant l'air à 4 ou 5 mètres dans notre dos. Il regarde vers nous et nous détecte vite car nous sommes sous le vent. Il démarre en trombe et fonce dans le fourré avec un bruit de bois cassé. Il disparaît vite et le calme revient. William filme un écureuil qui nous observe sans bouger devant lui.
Vers 18 heures, un coup de carabine claque alors qu'il fait un beau soleil. Un des chasseurs que nous avons posté vient de prélever son ours. Au bout d'un moment, un mouvement m'interpelle à environ 30 mètres dans le fourré de gauche. Le petit ours est de retour, il s'avance un peu puis fait volte-face et s'enfuit au pas de course dans le fourré. Un moment passe, William allume la caméra et l'oriente à droite. L'ourson revient cette fois par la droite comme par magie, sans un bruit. Comment a t'il fait pour passer de la gauche à la droite sans se montrer ? Il a dû faire une grande boucle. Méfiant, il observe un moment vers nous puis il commence par lécher la confiture sur le bidon de droite, dressé sur ses postérieurs.
Il part dans le fourré de droite, revient mange un peu, repart revient. Il est toujours en mouvement. Sachant qu'il va beaucoup pleuvoir en fin de semaine, j'hésite à le flécher mais me résonne vite. Je préfère rentrer bredouille que de tirer un ourson. Je tente tout de même de me lever sans être repérer pour tester au cas où un gros arriverait plus tard, l'ourson ne m'a pas vu et je l'observe un instant debout, caché derrière un sapin avant de me rassoir doucement. Il part et revient régulièrement entre ses prises de nourriture.
Debout sur ses pattes arrlère, il fait tomber au sol le bidon de gauche qui était debout puis finit par rentrer dans le bidon de droite posé au sol. On ne voit plus qu'un petit bout de patte arrière, un écureuil sautant sur le bidon va l'affoler, le faire sortir en trombe et disparaitre dans le fourré de droite.
L'attente recommence, le lièvre revient au bidon et mange tranquillement. La luminosité baisse, le vent a tourné vers le bidon, ce n'est pas bon. Brusquement le lièvre détale mais vient vers nous et passe juste à notre droite. Je comprends que quelque chose se passe. J'attrape mon arc, un mouvement attire mon regard à environ 80 mètres dans une zone dégagée derrière le bidon, une énorme masse surgit du fourré. Un très bel ours s'avance vers le bidon et tourne dans le bois clair en humant l'air, nez en l'air. Il part sur la gauche, revient sur la droite, repars sur la gauche mais reste à environ 40 mètres puis s'éclipse tranquillement. Il nous a repéré. La nuit tombe vite, nous rassemblons nos affaires et retournons à la piste pour attendre Mathieu. Dès qu'il arrive avec Christophe, nous partons chercher Lionel qui nous attend au bord de la piste. Il a tiré, Mathieu est fou de joie mais Lionel n'est pas serin. Il était posté sur une plateforme à environ 15 mètres du bidon et 3 mètres du sol. 30 minutes après son installation, un jeune ours est arrivé sur sa gauche, vu qu'il lui restait encore 4h30 d'affût, il l'a laissé passer en espérant en voir un plus gros. 10 minutes plus tard, il est reparti en trombe et, immédiatement, est arrivé un ours plus gros avec un collier blanc. Il a décidé de le tirer mais après quelques minutes sans lui donner de possibilité de tir, il est reparti tranquillement. Le temps était ensoleillé, il faisait chaud et les moustiques et les mouches noires étaient très présents, les conditions étaient réunies pour que les ours circulent, il avait bon espoir pour la suite. Après ces émotions, il s'est assoupi un court instant tout en écoutant la nature. Quand il a rouvert les yeux, un bel ours arrivait sur une des coulées face à lui. Arrivé aux appâts, il s'est assis et a commencé à manger. Pendant ce temps, un jeune ours est arrivé sous la plateforme, concentré sur l'autre ours, il ne l'avait pas vu arriver ni entendu. Ce jeune ours a commencé à renifler l'échelle puis s'est redressé jusqu'à la deuxième marche, Lionel a commencé à se demander s'il n'allait pas monter le rejoindre mais l'ours a fini par repartir tranquillement et disparaître. Après 10 minutes, l'ours au bidon s'est redressé pour contourner les appâts. Lionel a armé son arc et l'a suivi dans son viseur. L'ours a stoppé à moins de 15 mètres, avec un léger 3/4 face. La visée calée, il a décoché. A l'impact, l'ours a sursauté et démarré à vive allure pour disparaître dans la végétation. Lionel est resté un moment à l'écoute mais n'a pas entendu le cri de mort. Une heure plus tard, il est descendu pour contrôler sa flèche, le sang sur les vannes et le fût lui ont paru très clair et il n'a pas trouvé de sang au sol ce qui lui a fait penser que sa flèche n'était pas bonne. Sans réseau téléphonique pour nous prévenir, il est remonté sur sa plateforme en attendant la nuit. En fin de soirée, un énorme ours est venu au bidon.
Il n'est pas confiant, sa flèche lui semble trop haute et trop en avant. Nous partons chercher son ours. Lionel nous montre sa flèche plantée au sol. Vu ses explications et la viande présente sur le fût et les vannes, je ne suis pas confiant, cela ressemble à un tir dans les muscles du dos. Nous cherchons des indices dans la direction de fuite mais rapidement les coulées se multiplient et rien, pas une goutte de sang. Je tombe sur de magnifiques orchidées, la même variété que Christophe avait prise en photo lors de sa chasse d'hier.
Christophe a trouvé une touffe de poils près de la zone du tir. Nous tournons un moment sans succès, je retourne au départ et remarque des traces de griffes au sol qui correspondrait aux traces laissées par un ours à la course. Un peu plus loin, je trouve un poil coincé dans une souche posée sur la coulée puis plus rien. Nous décidons d'arrêter là pour une éventuelle recherche au sang demain matin. Mathieu marque les indices avec des rubans puis prends une photo de la flèche. Lionel est dépité et nous partageons sa peine, nous pensons son ours perdu. L'ambiance est morose sur le retour.
MERCREDI 15 JUIN
Ce matin, un soleil radieux brille, ce sera la plus belle journée de la semaine. Je pars faire mon tour matinal près du lac pour appeler ma compagne en attendant que les collègues se lèvent.
Un huard se promène tranquillement sur le plan d'eau.
Je retourne au chalet et attrape mon arc pour m'entraîner un peu. Mes tirs à 15, 20, 25 et 30 mètres sont parfaits. Cela me met en confiance si je dois prendre un tir ce soir. Mes amis se lèvent, Lionel est dépité mais hier soir Mathieu semblait prêt à le laisser rechasser aujourd'hui. A son réveil, il contacte une référence de la recherche au sang et lui envoie la photo de la flèche. Juste en voyant la photo, il nous annonce se le tir est de 3/4 face ce que confirme Lionel, mais pour lui le 3/4 face était peu prononcé. Il annonce à Mathieu que pour lui l'ours est mort car il a repéré des traces de liquide sur les vannes qui ne seraient pas là si c'était une flèche de muscle. Mathieu le remercie et appelle une conductrice de chien de sang qui va venir faire la recherche ce matin. Si elle retrouve l'ours c'est un happy-end, si elle ne le trouve pas, il accepte de laisser chasser Lionel en lui expliquant qu'il ne fait jamais ça d'habitude. Du coup, Lionel sort s'entraîner, je repère alors un morio, papillon que j'ai vu à chaque fois que je suis venu au Canada alors qu'il est très rare en France. Ses ailles sont abimées et décolorées. Il tourne autour des boulots dont il se nourrit de la sève.
Après manger, nous partons pour la chasse. Les porcs-épics sont à nouveau de sortie et j'aperçois un très jeune orignal solitaire marchant dans le ruisseau qui longe la route. En route, la nouvelle tombe, l'ours de Lionel a été retrouvé. Il avait fait environ 400 mètres et était revenu mourir à environ 40 mètres du poste. La flèche était plus en arrière que ce que pensait Lionel et avait touché l'estomac.
Nous sommes tous soulagés et tellement heureux. Du coup, mes amis vont passer l'après-midi avec les guides et je serais le seul à chasser. Tout le monde me dit que c'est la meilleure journée pour chasser et essaie de me remotiver car je commence à me dire que je ne ferai pas mon ours. Nous posons mes amis au chalet des guides puis partons pour mon nouveau poste de ce soir. En route, Mathieu me dit de faire une prière en demandant à son frère Spart, qui nous a malheureusement quitté cette année, de m'amener un bel ours au poste. Quand nous arrivons sur place les guides reviennent à leur pickup. Ils ont appâté la zone. Le timing est parfait, le vent semble bon. Nous partons nous poster. Les barils sont sur la droite d'un large coupe-feu bien dégagé dans le bois très épais. Le poste est aménagé de l'autre côté du coupe-feu, plus en retrait, au sommet d'une bute, rentré dans la végétation, derrière une barrière en branches de sapin.
Un coup de télémètre, 21 mètres, c'est un peu loin mais bon, je suis capable de tirer à cette distance par contre de ma position. Mathieu me demande d'essayer de me lever et de tester l'arment de mon arc.
Assis sur mon fauteuil, je ne vois presque pas les bidons. Je dois me pencher en avant ou me lever pour cela. Mathieu sur ma droite a une bonne vue sur les barils, il a calé sa caméra. Je fais ma prière silencieuse à Spart en fermant les yeux. L'attente commence sous un beau soleil mais un vent soutenu tournant souffle. Ce n'est vraiment pas bon.
Un bruit étrange se fait entendre en face du poste dans le bois, quelque chose tape sur un tronc et nous pensons à un pic-bois mais un bruit de frotté se fait ensuite entendre. C'est peut être un ours. Des bruits de pas se font maintenant entendre sur ma gauche. Nous nous tenons prêt mais les craquements stoppent puis plus rien. Nous étions à mauvais vent et l'ours a dû nous repérer. Dans la soirée, nous entendons plusieurs fois du bruit dans le bois mais rien ne sortira. Ce vent tournant est un cauchemar. Alors que seulement quelques mouches tournent autour de Mathieu, nullement importuné par mon Thermacell, un gros vol de ces bestioles essayant régulièrement de me piquer et de rentrer dans mes yeux jouera avec mes nerfs toute la soirée.
En fin de soirée, des geais bleus viennent animer le secteur de leurs cris. Plusieurs oiseaux tournent sur le secteur et se posent d'arbre en arbre, faisant régulièrement des vols acrobatiques pour capturer des insectes.
Je comprends vite qu'il s'agit d'un couple et de leurs petits qui viennent de quitter le nid. Après avoir saisi un gros insecte, un des adultes part nourrir un des jeunes posé au bout d'une branche d'épinette.
La nuit s'installe doucement et aucun ours ne s'est montré, la pluie est annoncée pour les prochains jours, je n'y crois plus. Nous rentrons et retrouvons mes amis qui ont passés une super après-midi avec les guides.
Lionel en a profité pour faire de belles photos de son ours qui est magnifique.
Mes amis ont mangé un bon repas et boivent des bières avec les guides. Ils sont dégoûtés pour moi mais c'est aussi ça la chasse. Beaucoup de Français considérent la chasse à l'ours comme une chasse facile et sans intérêt. Je faisais partie de ces personnes mais je me suis rendu compte que cette chasse n'est pas si facile que ça et le biotope du Québec, très fermé, complique énormément la chasse à l'approche que j'aurai aimé pratiquer.
JEUDI 16 JUIN
Il a beaucoup plu cette nuit et il pleut encore ce matin, l'orage gronde. Ça s'annonce mal pour la chasse d'aujourd'hui. Je profite d'une accalmie pour aller au lac comme tous les matins, plusieurs canards ressemblant à des garrots à œil d'or font des boucles entre le lac et notre chalet. A son réveil, Mathieu m'annonce que je vais encore changer de poste. Je vais aller au poste "l'écorce" qu'il se réservait pour sa chasse. Je serai dans une tente d'affût qui me protègera de la pluie. C'est une première pour moi. De plus, on m'annonce que je serais posté entre 20 et 25 mètres du baril ce qui m'inquiète un peu. La pluie se calme et le soleil fait même une percée sur une partie de la matinée mais la pluie fera son retour avant le départ pour la chasse. Je devrai filmer ma chasse seul car on ne peut pas rentrer à 2 avec les caméras dans la tente. Mathieu me prête donc une caméra et un trépied. Pour Midi, Lionel nous prépare nos truites, pêchées l'autre jour, en papillote avec des épices Chassomaniak, un vrai régal.
C'est Michel et Styve, 2 des guides qui vont m'amener au poste car Mathieu doit s'occuper de d'autres clients cette après-midi. En chemin, nous discutons chasse, les canadiens semblent très intéressés par la chasse du sanglier. Nous stoppons au départ du sentier de mon poste. Pour le moment, il ne pleut pas mais le temps est menaçant. Ils me laissent passer devant au cas où un ours serait déjà là. J'encoche une flèche et prends le chemin.
Un peu plus loin, je remarque un sentier sur la gauche. Je me retourne vers les guides qui me font signe de prendre ce sentier au bout duquel j'aperçois le baril.
Je m'avance un peu et stoppe en cherchant mon poste que mes guides me montrent. J'étais juste devant mais je n'avais pas vu ma tente d'affût camouflée derrière moi par des branches de sapin.
Pendant que mes guides appâtent au bidon et remettent les branches pour boucher le trou d'accès latéral, Je cherche comment on rentre dans cette tente et trouve une fermeture éclair à l'arrière. Je l'ouvre rentre avec mon matériel, la valise de ma caméra, son trépied et mon fauteuil puis tente de m'installer. Je commence par ma chaise pliante mais je me rends vite compte qu'elle est trop basse, même en ouvrant la fenêtre au maximum ma flèche va toucher la toile au moment du tir. Impossible de tirer debout ou à genoux, je trouve finalement la solution. Je pose la mallette de la caméra sur mon siège mais je suis encore un peu bas, je retire mes 2 vestes et les pose sur la mallette ce qui me fait gagner les quelques centimètres qui me manquaient. Mon assise n'est pas très confortable et pas très stable mais je n'ai pas d'autre option. Je tente d'armer plusieurs fois mon arc et vérifie ma distance de tir, le bidon est à 21,5 mètres.
Très affairé, je n'ai même pas vu partir mes guides et oublié d'allumer mon Thermacell, la tente est pleine de moustiques qui m'assaillent. Je me dépêche de l'allumer mais les ils mettront plusieurs minutes à s’éloigner. Je tente ensuite de mettre en place la caméra, devant la fenêtre ou en arrière de moi, elle me gêne beaucoup pour armer et viser. Je me résous à la replier mais Mathieu compte sur moi pour filmer ma chasse. Je tente une dernière fois et parviens à la caler sur ma gauche dans le coin de la fenêtre.
J'essaie l'armement de mon arc, ça a l'air bon. Je remarque alors que le centre du couloir de tir a été mal nettoyé. Plusieurs branches dépassent du sol à hauteur du poitrail d'un ours, j'hésite à aller dégager le centre mais j'ai tout de même de belles fenêtres de tir de part et d'autre du bidon. Comme la veille, je fais une prière en demandant à Spart de m'envoyer un ours. Cette fois c'est bon, je suis prêt. Le balai des écureuils et tamias a déjà commencé.
Certains rentrent directement se servir dans le bidon en suivant les branches qui ferment l'entrée mais pas suffisamment pour eux. J'entends le vent qui souffle dans mon dos mais, curieusement, il ne souffle pas devant moi. La pluie ne tarde pas à faire son entrée, un déluge s'abat sur la tente. Le bruit des grosses gouttes sur la toile tendue est assourdissant et je crains que ce bruit n'affole les ours.
La pluie finit par s'arrêter et le soleil tente même une percée. Je teste la caméra en filmant les écureuils et me rends compte qu'elle s'éteint seule, au bout de quelques minutes, si on ne filme pas. Le problème est qu'elle fait une sorte de "clac" quand on la rallume. J'essaie donc de la garder allumée, en espérant que la batterie va tenir, en touchant régulièrement l'écran tactile mais, un peu avant 18h15, la caméra se met en veille, il le faut la relancer. Le clac retentit ce qui me fait grincer des dents, j'espère qu'un ours n'a pas entendu. Je scrute attentivement le paysage. Beaucoup de moustiques reviennent, je comprends vite que mon Thermacell s'est éteint, il a pas mal de ratés depuis qu'il a pris la pluie lors de ma première chasse. Je le rallume vite et les moustiques ne tardent pas à déguerpir. A 18h15, alors que je regardais à gauche, j'aperçois un mouvement du coin de l'œil. Une masse noire arrive par la droite au bidon. C'est un ours, il n'a pas fait un bruit, il me semble maigre et très haut sur patte, ce n'est pas l'ours de mes rêves mais c'est certainement ma chance de ne pas rentrer bredouille. J'allume vite la caméra. Il passe derrière le bidon, fait demi-tour sur la gauche de ce dernier, s'assoie puis se couche pour manger tranquillement.
Il se rassoie, hume le bidon puis se dresse sur ses pattes arrière pour coucher le bidon au sol.
Le bidon couché, il le contourne par la gauche pour venir se recoucher plein travers, tête à droite en avant du bidon sur la droite de ce dernière. On nous a déconseillé de tirer un ours couché et de toute façon la zone vitale est partiellement masquée par les bouts de branches dont je parlais tout à l'heure.
Il mange tranquillement la nourriture tombée au sol puis se relève, contourne le bidon par la droite pour se recoucher sur la gauche, en arrière du bidon et manger tranquillement.
Il saisit, dans sa gueule, la corde qui retient le bidon à un arbre. Il tire vivement dessus mais ne parvient pas à la rompre.
Il la lache et se redresse sur ses pattes arrière pour placer le bidon sous son ventre et tenter de le tirer à lui.
N'y parvenant pas, il commence à coup de patte, à extraire les bouts de bois qui ferment l'accès au bidon.
Il bouge sans cesse mais, brusquement, il s'immobilise plein traver, tête à droite, j'arme mon arc qui touche légèrement le trépied de la caméra mais l'ours n'a rien entendu.
Je prends la visée et décoche. Au même moment, l'ours pivote à gauche, ma flèche l'atteint à la cuisse,
je suis effondré mais dès l'impact un gros jet de sang jaillit de sa cuisse et j'ai bon espoir d'avoir touché l'artère fémorale. L'ours fonce dans le bois de cul. J'aperçois ma flèche fichée au sol un peu après la zone du tir. Peut-être que ma flèche aura touché autre chose. Je ne suis vraiment pas serein. J'attends un moment en tendant l'oreille mais je n'entends pas le cri de mort caractéristique précédent la mort de l'ours. Ma flèche est plantée au sol sur la gauche du bidon.
Je visionne ensuite la vidéo de mon tir qui confirme ce qu'il me semblait avoir vu. J'attends un peu puis sors de la tente, la luminosité étant trop faible à l'intérieur, pour filmer ma réaction à chaud comme me l'avait demandé Mathieu. J'attends encore un peu puis pars vérifier ma flèche. À l'impact, l'ours a perdu beaucoup de sang tombé au sol.
Les écureuils et les tamias continuent à manger juste à côté de moi comme si de rien n'était.
Ma flèche est rouge de sang. Du sang coagulé est collé au vannes. En passant l'ours a aspergé les feuilles au-dessus de ma flèche.
Je suis, sur environ 15 mètres, la piste de sang abondante qui tourne vers la droite en suivant une belle coulée.
Le sang était difficile à voir sur la terre et les arbres mouillés mais la coulée et maintenant tapissée de mousse qui fait bien ressortir le sang. La piste est incroyable, mon ours a perdu beaucoup de sang.
Je retourne patienter un moment à la cache mais ne résiste pas bien longtemps à aller faire ma recherche. Je prends la caméra et mon arc pour filmer ma progression. Je reprends du premier sang et suis la piste pour arriver là où j'avais arrêté. La suite de la piste est aussi très marquée et presque ininterrompue. Elle suit un chemin d'ours. Après environ 50 mètres, j'aperçois une masse noire derrière un sapin et exulte de joie : " Mon ours est mort". Je le rejoins rapidement en contournant le sapin. Il est allongé sur le flanc et semble mort dans sa fuite, il n'a pas eu le temps de souffrir. Ma flèche a bien sectionné la fémorale comme je l'espérais et a traversé le muscle de la patte avant opposée. Je m'agenouille à ses côtés et le caresse en pensant fortement à Spart. Je n'y croyais plus et demain de fortes pluies sont annoncées. Je ramène mon ours près du baril puis pars chercher mon appareil photo pour faire quelques photos souvenir mais je n'arrive pas à avoir ce que je veux. Je me dis que je recommencerai plus tard en attendant les guides qui n'arriveront pas avant 20h30. Je retourne à la tente. Range toutes mes affaires et pars les amener au bord de la piste, je garde juste mon arc et retourne chercher mon ours pour l'amener également près de la piste. En chemin, je trouve une zone dégagée au bord du sentier, j'y dépose mon ours pour reprendre ma séance photo.
Je le ramène ensuite au bord de la piste pour attendre les guides qui m'ont dit qu'ils feraient un passage vers 20h30 ou 21 heures au cas où j'aurais fléché tôt. Arrivé sur la piste, mon Thermacell s'est encore éteint et les moustiques et mouches noires me harcèlent. Je le rallume ce qui fait fuir les moustiques mais les mouches noires vont encore me tourner autour jusqu'à l'entrée de la nuit et je dois fermer ma cagoule et garder les mains aux poches pour ne pas être piqué.
Alors que je fais les cent pas sur la piste, je remarque des traces de loup qui ne semblent pas vielles, il semble que 2 animaux soient passés par là.
Michel et Styve arrivent finalement après 21 heures. Il me demande tout de suite si j'ai fait quelque chose et, à mon sourire, ils comprennent vite. Ils descendent du pickup et me félicitent avant de me demander s'il faut aller le chercher, je leur montre alors mon ours au bord du chemin. Michel me dit en souriant qu'en m'entendant parler de chasse tout à l'heure, il s'était dit que, si j'avais fléché, j'aurais fait ma recherche seul et ramener mon ours. Je lui réponds que je veux également le vider et le peler moi-même. Nous le chargeons ainsi que mes affaires avant de rentrer. Je les remercie plusieurs fois pour tout ce qu'ils ont fait pour nous. Ils ont tout fait pour nous faire tuer nos ours et vivent la chasse avec nous, le poste de "l'écorce" où j'étais aujourd'hui était même destiné à la chasse de Mathieu qui me l'a gentiment laissé. Toute l'équipe des guides est super sympa et nous avons passé beaucoup de bons moments avec eux. Sur le retour, un orignal traverse dans les phares, Michel m'annonce que c'est le sixième qu'il voit aujourd'hui. Quand nous récupérons le réseau téléphonique, Michel averti Mathieu de ma réussite mais fait croire aux autres guides, qui sont avec Lionel et Christophe, que je n'ai pas tué mon ours. Il me demande de faire croire à tout le monde que je n'ai pas fléché en arrivant à la cabane des guides. Alors que nous suivons maintenant la grande route, nous croisons plusieurs porcs-épics dont un qui a été écrasé par un véhicule. Mes amis m'accueillent dépités devant la cabane et me demande : "Alors ? "Je leur réponds : "Alors rien, rien vu", en essayant de garder mon sérieux. Heureusement pour moi, l'éclairage n'est pas bon dehors mais, en rentrant dans la cabane, tout le monde m'assaille de questions et je ne peux pas garder une mine dépitée très longtemps. Je dis à Lionel qui est vraiment dégoûté : "Va voir dans le coffre". Ce dernier me traite de tous les noms avant de partir voir mon ours. Mes amis sont tellement heureux pour moi, ça fait chaud au cœur. Ils avaient du mal à se dire que nous allions rentrer sans que je fasse mon ours. Une belle assiette de filet mignon d'ours et de viande d'orignal accompagnée de salade et de pommes de terre m'attend, mes amis ont déjà mangé avec les guides, plus tôt dans la soirée.
C'est vraiment délicieux, merci à Michel qui a cuisiné ce repas. Nous discutons un moment devant le pick up et mon ours avant de rentrer. Alors que je dis aux guides que je ne suis pas fier de ma flèche et que j'aurai préféré faire mon ours avec une belle flèche, ils me rétorquent que mon ours est fait et que c'est bien là le principal. En observant les dents de mon ours, ils sont impressionnés par la taille des crocs, ils n'ont jamais vu de crocs si gros. Personnellement, je n'ai pas de point de comparaison mais il semble que mon ours, malgré sa taille modeste, ait un trophée exceptionnel. Les guides avaient remarqué, sur ce poste, des traces de crocs impressionnantes sur le bidon et pensaient qu'il s'agissait d'un très gros ours mais ils ont le coupable devant les yeux. Il me tarde de voir le crâne préparé pour pouvoir mieux apprécier mon trophée. Les guides ont été si gentils avec nous que nous décidons de leur proposer de venir chasser en France cet hiver. Je pars ensuite poser et vider mon ours à la chambre froide. Il est temps de retourner au chalet pour une bonne nuit de sommeil, ce soir les esprits sont plus sereins et je suis vraiment soulagé de ne pas avoir à chasser demain sous la pluie.
VENDREDI 17 JUIN
Ce matin nous devons quitter notre chalet. Les agents de la Sépaq ont fait une erreur de réservation. Mathieu nous propose de prendre un autre chalet ou de venir manger chez lui ce soir et de passer la nuit dans un hôtel en ville. Nous choisissons la seconde option, nous préparons nos valises et rangeons le chalet avant un brin de ménage puis nous partons pour la chambre froide où je vais dépecer mon ours car je tiens à vivre ma chasse jusqu'au bout. Nous en profitons pour faire quelques photos souvenir.
J'hésite encore à le faire naturaliser et commence à le dépecer délicatement en attendant que Mathieu se renseigne sur les tarifs. Après un petit moment, il m'annonce un prix correct mais le prix de la livraison en France me décourage. Je finis de dépecer mon ours en compagnie de Lionel alors que Christophe part avec Mathieu. Il me faudra environ 30 minutes pour peler mon ours, je récupère ensuite la tête et le bout des pattes. Avec mes amis, nous avons décidé de faire préparer nos crânes et les griffes de nos ours. La viande de nos prises sera distribuée à des gens dans le besoin grâce à l'organisation Chasseurs Généreux, partenaire de la Fédération des Chasseur du Québec comme je l'avais demandé à Mathieu avant notre séjour.
/image%2F1063143%2F20220808%2Fob_afe8d8_telechargement.png)
/image%2F1063143%2F20220818%2Fob_7f4b80_gen.jpg)
Nous attendons ensuite Mathieu et Christophe devant la chambre froide mais les attaques de moustiques et de mouches noires nous contraignent à nous réfugier dans un bâtiment de stockage de matériel de la Sépaq. Il commence à pleuvoir, ils finissent par arriver. Il nous faut encore déclarer mon ours et celui de Christophe pour pouvoir faire traiter les trophées chez un taxidermiste. Michel a enregistré celui Lionel hier mais il semble que Christophe ait un problème de concordance entre son nom et son adresse. Nous allons luter un moment avec l'administration pour parvenir à enregistrer l'ours de mon ami, mon enregistrement sera plus simple. Nous partons maintenant pour la maison de Mathieu qui vit à la campagne, entouré de cerfs de Virginie et de dindons sauvages. Nous apercevons d'ailleurs une biche dans une prairie près de chez lui. En arrivant, nous rencontrons ses fils et son épouse qui chasse également. La maison est richement décorée de trophées de chasse canadiens qui me font rêver, cerfs de Virginie, orignaux, caribou, ours et dindons. Nous faisons connaissance avec son fils aîné pendant qu'il prépare le repas avec son épouse, du salon nous pouvons voir une belle rivière qui coule devant chez Mathieu et sur laquelle sont posées des bernaches et des canards. Un orage très violent s'abat sur le secteur, je n'aurai pas aimé être dessous, les averses se sont succédées toute la journée, entrecoupées de périodes ensoleillées. Il nous a concocté une fondue chinoise qui consiste à cuire des morceaux de viande d'orignal et de cerf de Virginie dans un bouillon de boeuf au bout d'un pique. Un vrai délice, nous passerons une superbe soirée avant que Mathieu nous amène à notre hôtel.
Après une nuit de sommeil, nous cherchons un endroit pour prendre notre petit déjeuner et trouvons une épicerie/restaurant Pères Nature (PN) où nous prendrons un bon repas et pourrons acheter quelques spécialités à ramener chez nous. (Une très bonne adresse à conseiller)
/https%3A%2F%2Flesperesnature.com%2Fwp-content%2Fuploads%2F2021%2F10%2Fplg-134-3.jpg)
Épicerie - restaurant - traiteur | Les Pères Nature
Découvrez les Pères Nature Découvrez les Pères Nature Découvrez les Pères Nature Découvrez les Pères Nature Nous savons qu'il y a des façons plus faciles ou plus rapides de cuire vos pains...
Nous rentrons ensuite à l'Hôtel attendre Mathieu qui viendra nous chercher pour nous amener à l'aéroport de Québec. Après un vol sans encombre jusqu'à Paris, nous arrivons à 5h45, je me rends compte que le temps pour prendre notre correspondance de 6h35 est très limite. Le débarquement semble prendre des lustres, nous sortons de l'avion vers 6 heures. Nous courons le plus vite possible en nous frayant un passage entre les passagers en transit et arrivons, au contrôle avant l'embarquement, sur une file d'attente interminable. Le temps d'attente nous semble incroyablement long, une fois passés, nous reprenons notre course effrénée pour arriver juste à la fin de l'embarquement. L'avion est presque vide, beaucoup de voyageurs n'ont pas eu autant de chance ou n'ont pas couru aussi vite que nous. Je suis trempe de sueur mais dans une heure nous serons à Toulouse et un peu plus de 2 heures, je serai chez moi.
Un immense merci à toute l'équipe des guides Chassomniak pour leur gentillesse et leur professionnalisme, un immense merci également à Mathieu Pouillot pour son accueil et les supers moments de rigolade passés ensemble. Cette chasse à l'ours aura été riche en émotions et en superbes rencontres dans un territoire fabuleux avec une très belle densité d'ours. Moi qui ne me voyais pas chasser l'ours à l'appât, je réfléchis déjà à quand je pourrai revenir. Une destination que je conseille vivement à qui veut s'essayer à cette chasse.
Alex