Ce matin, réveillés vers 7 heures, nous préparons et partons pour l'affût. Aujourd'hui, j'ai mis mes chaussons de plongée pour pouvoir tenter une approche si l'occasion s'en présente. Il a plu cette nuit et Gaston pense que les guanacos risquent de ne pas venir aux abreuvoirs. Il fait encore quelques gouttes ce matin. Nous allons nous poster au second affût qui me semble permettre des tirs à plus courtes distances. Nous débarquons nos affaires au bord de la piste, non loin de ce dernier et Gaston part se garer un peu plus loin alors que je commence à amener les affaires à l'affût et à aménager ce dernier.
A son retour, Gaston part poser une GoPro, sur batterie, en face de l'affût pour pouvoir filmer mes tirs sous 2 angles puisse rejoint dans l'affût. Je profite de ce temps pour vérifier les distances de tir avec mon télémètre. Ce poste n'est pas sur un point haut comme celui d'hier et la végétation arbustive ne permet pas une vision aussi lointaine que la veille. Rapidement le ballet des passereaux commence autour de l'abreuvoir, quelques tinamous sortent de broussailles pour venir boire dont un adulte suivi d'un jeune plus petit. Viennent ensuite les moutons par petits groupes qui arrivent de partout autour de l'affût pour boire quelques minutes avant de repartir. Les guanacos ne se pressent pas pour se montrer et nous passons de long moment assis à attendre et je m'endors régulièrement ce qui me vaut les railleries de mon hôte que je surprends également parfois en plein sommeil. Quelques jours après mon retour en France, il m'enverra un message en me demandant si j'avais vu le puma qui était venu boire durant notre affût, n'ayant pas compris tout de suite je lui avais répondu que non et il m'avait répondu qu'il savait pourquoi en m'envoyant cette photo, ce qui m'a beaucoup fait rire.
Le vent souffle encore ce matin mais il est moins froid qu'hier. Au bout d'un moment, Gaston m'indique l'arrivée de nandous. Je me redresse et regarde dans la direction indiquée. J'aperçois plusieurs nandous se rapprochant prudemment en poussant de petits piaillements, sur la droite de l'affût, en marquant des arrêts observatoires. C'est un groupe de jeune accompagné d'un adulte. Très certainement un mâle car, comme chez les autruches, c'est le mâle qui couve les œufs et élève les petits de plusieurs femelles. Petit à petit les oiseaux se rapprochent et arrivent à l'abreuvoir, ils commencent à boire.
L'adulte est inquiet et reste aux aguets. Les jeunes boivent tranquillement quand l'adulte devient inquiet et démarre, entraînant les jeunes dans les broussailles sur la droite. Après quelques minutes, les oiseaux reviennent se désaltérer et restent un instant autour de l'abreuvoir avant de s'éclipser. Le temps passe, rythmé par les allées et venues des moutons, quelques petites averses courtes et très espacées tombent par moment. Gaston, qui vient de se lever, repère un guanaco dont seule la tête dépasse à environ 200 mètres dans les broussailles sur la droite de l'affût. Il reste un moment immobile à observer puis disparaît dans la végétation. Nous apercevons alors 2 autres guanacos un peu plus sur la gauche. Le premier guanaco réapparaît et se fige à nouveau en observation alors que quelques moutons viennent boire. Les minutes passent, les guanacos tourne sur un petit secteur et observent méfiants le secteur. Le meneur a une trace dans le pelage au niveau de la gorge comme si quelque chose lui avait rasé le poil sur quelques centimètres de large et 10 à 15 cm de long. Après près de 20 minutes à hésiter, le meneur s'avance doucement en s'arrêtant souvent puis stoppe à environ 10 mètres de l'abreuvoir. Il reste statique un court instant
Puis repart vers les 2 autres restés en retrait.
Il stoppe un peu plus loin et observe les alentours et surtout la direction de l'abreuvoir.
Il recommence à venir vers l'abreuvoir, pendant ce temps, 2 moutons arrivent et commencent à boire sur la droite de l'abreuvoir. Le guanaco stoppe derrière les fourrés et attend le départ des ovins.
Dès leur départ, il s'avance à 10 ou 15 mètres de l'abreuvoir, hésite, penche la tête en direction de l'eau puis la redresse
avant de faire à nouveau demi-tour pour rejoindre les 2 autres.
Après un petit moment à tourner dans les buissons, les guanacos s'avancent et les 2 premiers arrivent à l'abreuvoir où ils commencent à boire.
Le troisième, plus méfiant, est resté en retrait et observe les alentours.
Je vérifie la distance avec mon télémètre, le premier guanaco est à 25 mètres. Je cale mon viseur sur cette distance. Tranquillisé, le 3ième guanaco rejoint ses confrères, encore un peu inquiets, ils relèvent quelques fois la te tête et regardent, à l'opposé de l'affût, vers la GoPro puis tous se mettent à boire tranquillement. J'arme doucement mon arc et cale ma visée. Le premier guanaco est presque de plein travers, je vise le défaut d'épaule et prends mon temps pour décocher.
Ma flèche part mais elle arrive trop basse et passe juste sous le poitrail.
Les guanacos en panique se redressent. Celui que j'ai tiré, lève une patte et semble hésiter à la reposer au sol. Le guanaco le plus à droite part derrière les arbustes par le chemin qu'il a emprunté pour venir,
le guanaco fléché démarre droit sur nous en peinant à poser sa patte, c'est alors que je vois jaillir le sang de l'intérieur de sa patte avant gauche. Le troisième s'emmêle les pattes dans l'abreuvoir puis s'élance aux trousses du guanaco blessé
Ils bifurquent sur notre droite à environ 10 mètres de l'affût pour disparaître dans les broussailles. Je surveille leur fuite au travers du filet de l'affût pour estimer la graviter de la blessure. Les guanacos se regroupent à environ 200 mètres de l'affût et stoppent un instant en poussant des cris d'alerte puis repartent tranquillement en marquant plusieurs arrêt pour regarder derrière eux en s'éloignant. je les perds de vue derrière la colline à plus de 300 mètres. Le guanaco blessé boite un peu mais sa blessure ne semble pas mortelle. Je suis dégouté, je ne comprends pas comment j'ai pu faire une telle flèche alors que le tir semblait facile, je tourne et retourne les images du tir dans ma tête sans arriver à comprendre.
L'attente reprend, rien ne sert de suivre mon guanaco pour le moment. Seuls les moutons viennent boire pendant un moment et nous décidons de faire une petite pause repas en regardant la vidéo de mon tir sur l'appareil photo de Gaston. Les images confirment ma vision de la scène, j'ai juste erraflé l'intérieur de la patte avant gauche. Quelques fruits et un bout de viande froide grillée la veille.
Le secteur devient très calme et nous commençons à somnoler assis sur nos chaises. Des piaulements familiers finissent par ne sortir de ma torpeur. Le groupe de nandou arrive par la droite comme ce matin. Ils viennent boire à l'abreuvoir mais semblent très inquiets et repartent assez vite. Les guanacos ne venant pas, nous quittons l'affût en milieu d'après-midi et j'en profite pour aller contrôler mon tir. Ma flèche est introuvable. je tente de trouver du sang mais n'en voit pas, je coupe et recoupe la trajectoire de fuite sans succès. Alors que je reviens à l'abreuvoir, Gaston me demande si j'ai trouvé le sang et je lui dis que non, il me montre alors des traces de sang près de l'abreuvoir. Sèches et presque absorbée par le sable, elles m'avaient échappée. Je reprends ma recherche plus attentivement et cette fois, j'arrive à trouver le sang. Je ne suis pas habitué à ce type de piste en France, c'est la seconde fois que je suis une piste de sang sur un sol sablonneux qui boit le sang presque immédiatement et change sa couleur du rouge au brun. J'avais déjà eu beaucoup de mal à trouver et suivre la piste de mon dernier renard fait quelques jours plus tôt sur l'autre territoire. La piste est continue et assez abondante malgré la blessure qui semblait superficielle, je la suis tranquillement. Pendant ce temps, Gaston, qui a rassemblé nos affaires près de la piste, a pris les devants pour aller voir derrière la colline. Arrivé au sommet de cette dernière, le point de vue élevé lui permet de voir loin mais aucun guanaco à l'horizon. Il descend pour tenter de recouper la piste des guanacos et retrouve du sang à plusieurs centaines de mètres après la colline. Alors que je suis toujours le sang, la piste devient très abondante en se rapprochant de l'endroit où les guanacos se sont arrêtés et je commence à croire que j'ai mal jugé mon atteinte. Gaston, sur le retour, me fait part de sa trouvaille qui met fin à mes espoirs.
Nous retournons vers l'affût, je tente une dernière fois de retrouver ma flèche avant de quitter les lieux, pendant ce temps Gaston est parti chercher la voiture. Impossible de la trouver, je retourne vers la piste alors que Gaston arrive. Nous chargeons les affaires puis retournons au camp. Gaston me propose de cibler mon arc, nous installons sa cible et je commence à tirer. Ma première flèche tirée dans les mêmes conditions que sur le guanaco est 30 centimètres trop basse. En contrôlant mon arc nous nous apercevons que mon viseur bouge. Les vis se sont desserrées, je refixe mon viseur correctement mais ma deuxième flèche est toujours trop basse. Je n'y comprends rien, je dois reprendre tous les réglages. Un vent fort se lève et ne facilite pas la régularité de mes tirs. Je passe un moment à régler mon arc qui semble maintenant tirer correctement. Ce dérèglement explique peut-être le tinamou manqué hier à cause d'une flèche trop basse. En regardant mon arc de plus près, je constate que le corps d'arc, qui s'était arqué lors de la rupture de mes branches cet été, semble s'être bien redressé, ce qui explique peut-être que mon arc soit déréglé, la synchronisation des poulies a dû bouger également. La régularité de mes tirs semblant bonne j'espère que mon arc sera opérationnel pour demain, ce sera mon dernier jour de chasse avant de rentrer en France.
Une grosse averse s'abat sur le camp, nous nous mettons à l'abri dans un hangar et Gaston plaisante en me disant que j'attire la pluie, il n'avait pas vu une goutte d'eau depuis un moment et c'est notre deuxième jour de pluie depuis le début de mon séjour en Argentine. L'après-midi est bien avancée, la pluie a cessée, avant qu'il ne fasse nuit, je décide d'aller faire un tour à l'approche. Je pars sur la piste qui conduit sur la zone où j'ai tenté mon approche hier. Le vent n'est pas bon et souffle dans mon dos, je décide d'avancer un moment à mauvais vent pour revenir en chassant à bon vent sur le retour vers le camp. Je passe la barrière puis remonte doucement vers la crête de la colline puis commence à la suivre doucement en slalomant entre les buissons quand les cris d'alerte d'un guanaco retentissent sur ma gauche. Je me fige et observe les alentours, les cris semblaient assez proche mais impossible de repérer l'animal. Je reste un moment immobile, espérant voir bouger quelque chose mais le temps passe et les cris ont cessé depuis un moment sans que le guanaco ne se montre. Je me remet en mouvement en direction de l'abreuvoir en contrebas. Je stoppe au départ de la pente pour observer la grande vallée avant de descendre. Un animal en mouvement attire mon attention sur le penchant de la colline d'en face. Un nandou fuit à toute patte à environ 400 mètres à mi-pente et je finis par le perdre de vue après environ 300 mètres de course effrénée. Pas de guanaco en vue, je descends dans la vallée et cherche des traces fraîches pour tenter de les suivre. La pluie a effacé les traces de la veille, aucune trace fraîche en vue. Je biaise vers la piste au travers d'une zone quasi désertique parsemée de petits buissons bas et épars. Je trouve quelques belles traces de nandou du jour sur lesquelles il a plu.
Je les suis un peu et commence à trouver des traces de guanacos mais elles ne sont pas fraîches.
Je les suis, traverse la piste et tombe sur les traces fraîches d'un grand guanaco solitaire, très certainement un mâle.
La végétation basse est beaucoup plus dense de ce côté de la piste mais me permet de voir loin et j'observe un moment immobile le secteur en espérant voir un guanaco. Des petits groupes de moutons sont dispersés sur la zone. Aucun guanaco en vue, j'avance doucement en suivant les passages d'animaux en revenant vers le camp avec le vent soutenu de face, alors que la luminosité baisse doucement.
Les traces de guanaco se font de plus en plus rares. Les moutons qui ne dépasse pas de la végétation se laissent parfois surprendre mais fuit dès qu'ils me voient. Je tombe sur les traces d'un gros nandou qui sont aussi grande que ma main.
La végétation s'éclaircit de plus en plus en me rapprochant du camp que j'ai repéré de loin grâce à l'immense antenne qui surmonte les bâtiments. Le sol sablonneux fait place à un sol pierreux et les semelles fines de les chaussons ne protègent que peu la plante de mes pieds, la progression devient douloureuse. Je me fais surprendre par un tinamou qui court se réfugier dans la végétation. Je change de flèche en espérant en voir un autre mais je n'ai pas plus de chance avec le suivant qui me surprend également et me fausse rapidement compagnie. Alors que j'approche du camp, la nuit va tomber et j'aperçois Gaston et l'employé du camp qui sont montés sur la butte sur laquelle a été bâti un réservoir avec son moulin. Je pense immédiatement qu’ils tentent de m'apercevoir et je presse le pas pour rejoindre la piste du camp, Gaston et l'employé semble rentrer vers les bâtiments et je pense qu'ils m'ont vu mais presque aussitôt, je vous passer le pick up de Gaston qui, malgré les signes des bras, s'élance sur la piste par laquelle je suis partie. Je presse le pas sur la piste, pose mon arc dans notre chambre, médicinale à l'employé puis pars au passe course sur la piste pour tenter de retrouver mon ami. Je m'aperçois vite qui arrive par une piste parallèle, je cris et cours à sa rencontre. M'ayant entendu, Gaston s'arrête et m'attend, je le rejoins au pas de course et nous rentrons pour partager une épaule de mouton grillée au feu de bois avant de partir nous coucher.
Alex