Ce soir, j'ai décidé d'aller chasser sur un secteur où j'ai repéré un très grand brocard lors d'une battue de la saison passée mais en arrivant sur place, je constate que la moissonneuse est affairée dans les blés dont il ne reste plus grand chose et qu'un tracteur est en train de faire des andains de foin. Cette agitation me fait changer d'avis et je fais demi-tour pour aller me garer au départ du chemin de pierres blanches sous le village de Roques. Une place à l'ombre, au bord du chemin, près d'une résidence secondaire, me semble toute indiquée mais alors que je quitte le chemin je sens que ma voiture s'enfonce et le temps d'essayer de braquer pour revenir sur le chemin il est trop tard, je suis embourbé dans la seule zone où la boue n'a pas encore séchée sous le soleil ardent de ces derniers jours. Je vais lutter près de 30 minutes pour me sortir de ce mauvais pas avant d'aller me garer plus loin près d'un petit lac près du chemin. Ma soirée commence mal. Le vent vient du coteau. Je décide de revenir vers une bande boisée proche de l'endroit où je me suis embourbé. Je prends donc le chemin puis bifurque pour longer le bois, vent de face. J'avance tranquillement en surveillant le sous-bois clair sur quelques mètres avant le taillis d'épines noires qui remontent vers la crête à ma gauche. Un ru longe à l'intérieur du bois, le long de la lisière. Vers le coin du bois, je descends le talus du ru et l'enjambe pour rejoindre une grosse coulée qui longe le bord du bout du massif quand je tombe sur le crâne d'un brocard, certainement un des "manqués" au plomb de la saison de battue.
Le sol est marqué de belles traces de sangliers. Je remonte par les coulées vers le haut du bois où je pense tomber sur une parcelle de fèveroles repérée de la route mais je débouche sur un pré fauché et constate que les féveroles sont plus à gauche, à mauvais vent, je décide de changer de plan pour ce soir et prends à droite pour redescendre vers le ru bordée d'une haie épaisse en continuité avec le bois. Je suis ce cours d'eau un moment puis le traverse alors que la bande boisée bifurque pour remonter vers la crête en longeant une vigne à sa droite. J'avance doucement en suivant les arbres coté prairie jusqu'à la crête ou je traverse la haie qui bifurque à 90° à gauche pour suivre la crête. Je biaise à gauche pour rejoindre le haut du blé où j'ai fléché mon jeune brocard au pied pourri l'autre soir. Je rejoins ainsi le passage de tracteur qui longe à environ 10 mètres du haut de la parcelle de céréale. J'avance doucement en surveillant les alentours et arrive dans un virage du passage qui remonte vers la crête en suivant la haie qui délimite le haut de la parcelle. Alors que je marque une pause observatoire, j'aperçois sur ma gauche une chevrette qui s'avance vers le blé à environ 50 mètres. Elle vient de sortir de la haie et rentre dans les céréales. Je l'observe un instant alors qu'elle fait une pose à 2 mètres du bord des céréales pour manger puis commence à remonter en suivant le passage de tracteur alors qu'elle s'avance, tête baissée dans la culture. Elle vient vers le passage de tracteur et j'avance à sa rencontre quand elle décide brusquement de bifurquer et de descendre bruyamment vers moi dans le blé et de biaiser vers la haie où je la perds brusquement de vue dans une touffe de végétation sous le vent à moins de 10 mètres à ma gauche. Elle m'a certainement senti et s'est immobilisée ou s'est débinée.
Je m'éclipse en remontant sur le passage jusqu'à ressortir en haut du champ sur une bande enherbée à droite de la parcelle qui sépare le blé d'une jeune vigne. Je descends un peu pour rattraper le bas de la parcelle de vigne, bordée par une bande enherbée bien verte qui la sépare d'une bande boisée d'environ 10 à 15 mètres de large sur 100 mètres de long. Je m'avance doucement sur la bande enherbée en suivant la vigne, dans l'ombre de la bande boisée.
J'avance tranquillement et jette un coup d'œil sur les traces au sol. En relevant les yeux, j'aperçois une masse sombre à une cinquantaine de mètres contre le premier rang de vigne. J'identifie rapidement un sanglier d'environ 50 kilos qui semble sortir d'un bain de boue. Je me fige et constate qu'il ne m'a pas vu. Je biaise alors vers la vigne dont les rangs démarrent en décalé de quelques mètres, formant un biais en parallèle de la courbure du bois. Un autre sanglier du même poids et couvert de boue sort de la bande boisée et rejoint le premier puis un autre s'avance à son tour avant une flopée de marcassins de quelques kilos que je n'aperçois qu'au moment où ils sortent de l'herbe au bord de la vigne. J'avance ainsi doucement d'un bout de rang à un autre et gagne ainsi peu à peu du terrain. Les animaux passent le premier rang, je presse le pas, caché par la vigne et arrive facilement au bout du 3ième rang à environ 35 mètres des sangliers qui avancent tranquillement. J'identifie vite la mère des marcassins à ses tétines pendantes. Les 2 autres me semblent être des mâles. J'avance en suivant la droite du rang de vigne, le plus vite et silencieusement possible pour tenter de couper la route des suidés mais les 2 premiers traversent sans me voir à environ 25 mètres, la laie et un mâle. J'avance encore alors qu'ils ont disparu derrière le rang suivant et arme mon arc. La tête du dernier sanglier apparaît à environ 18 mètres entre les ceps et je me fige contre la vigne en alignant ma visée. Il démarre tranquillement et s'avance pour traverser. Je le suis dans mon viseur et comprends vite qu'il ne s'arrêtera pas. Je cale ma visée et décoche alors qu'il me présente un 3/4 arrière. Je vois ma flèche rentrée un peu trop en arrière à mon gout. Le sanglier réagit à peine à l'impact et traverse sans vraiment se presser alors que ma flèche est retombée 15 mètres après l'impact, entre les 2 rangs. Les marcassins traversent ensuite rapidement.
Pour tenter de recouper le mâle, je fais demi-tour et passe d'un bout de rang à un autre en surveillant entre les rangs dans mon dos. Les sangliers n'ont pas été loin, ils sont juste à 3 rangs plus loin. Je me cale au bout d'un rang et les observe à un peu plus de 40 mètres. Ils tournent sur place comme s'ils ne savaient pas où aller. Ils reviennent en arrière puis font demi-tour plusieurs fois de suite puis se décident à revenir tranquillement vers le bois pour se remettre à tourner entre 2 rangs un moment. Je me décale au bout du rang de droite et décide de tenter l'approche. J'avance tranquillement vers eux sans qu'il ne s'occupe de moi. Tout à coup, la laie devient inquiète et démarre pour foncer droit sur moi en suivant le rang de vigne contre lequel je viens de stopper. J'accroche vite mon décocheur. Je remarque une belle tache de sang sur le groin de la laie, les marcassins lui emboîtent le pas, au moins un d'entre eux a du sang sur les pattes. La laie passe, à environ 5 mètres devant moi, derrière le rang de vigne contre lequel je suis posté et passe à 2 mètres sur ma droite suivie des marcassins. Le mâle arrive derrière, j'arme mon arc et le laisse venir à moi, m'attendant le voir prendre le même chemin que les autres sangliers mais, à environ 10 mètres devant moi, il biaise et traverse les rangs de vigne pour se diriger vers la bande enherbée. Je le suis dans mon viseur espérant le voir s'arrêter dans une troué. Il stoppe derrière le dernier rang à un peu plus de 10 mètres. Son coffre est dégagé entre les feuillages de vigne. J'aligne ma visée et décoche mais ma flèche heurte le fil de fer, que je n'avais pas vu et qui tient les sarments de vigne. Ma flèche est déviée vers le haut et passe au-dessus du sanglier qui démarre en suivant la vigne. Je réencoche vite et pivote en le sifflant. Il stoppe à nouveau, 10 mètres plus loin à environ 12 mètres, j'arme mais un piquet tenant le fil de fer est en plein sur la zone vitale, je me penche un peu à gauche mais le sanglier démarre et saute dans le bois pour rejoindre les autres qui y sont déjà. Tout ce petit monde grogne et trépigne sur les feuilles mortes puis redémarre. Je cours pour tenter de les intercepter avant le blé, au bout de la bande boisée mais le bruit s'arrête d'un coup et les sangliers semblent s'être volatilisés. Je surveille la surface du blé mais rien ne semble bouger, je décide d'aller faire ma recherche.
Je vais chercher ma flèche. Elle est couverte de sang et ce dernier a déjà séché.
Je ne vois pas de sang sur le sol et prends la direction de fuite de mon sanglier en traversant un rang. Je trouve un peu de sang au sol et le suis puis passe 2 autres rangs de vigne avant d'apercevoir mon sanglier sur le flanc à quelques mètres sur ma droite contre le rang de vigne. Il n'a pas fait 15 mètres et je comprends maintenant ce que faisaient les sangliers. Ils ont tourné un moment autour de leur compagnon pour tenter de l'encourager à les suivre, la laie meneuse a même dû le bousculer de son groin pour le relever, ce qui explique la tache de sang sur son groin. Ce que je pensais être un mâle est en fait une laie dont une seule tétine s'est développée à l'arrière et que j'ai confondu avec l'attribut d'un mâle. Soit un des marcassins était à elle soit elle participait à l'allaitement des marcassins de la bande. Son lait est presque tarit. Ma flèche rentre entre les côtes et le cuissot et ressort derrière l'épaule opposée, elle a traversé le foie et un poumon sans toucher l'estomac.
Après quelques photos souvenir, je ramène mon sanglier jusqu'en bordure de l'autre côté du blé puis pars faire un tour avant la tombée de la nuit mais je ne pourrai pas réaliser d'approche sur les chevreuils vus. Je retourne à mon sanglier pour le tirer jusqu'en bordure de la vigne où je reviens le chercher en voiture avant de partir le peler chez le président de la société de chasse.
Alex