Vers 2 heures du matin, je me réveille et impossible de me rendormir. Je tourne et retourne dans mon lit avant de décider de me lever et de feuilleter, à la lueur de ma frontale car la génératrice qui assure l'électricité du camp n'est pas encore en route, quelques magazines de chasse québécois laisser à disposition sur la table basse de la salle commune. Je vérifie également un peu mon matériel puis, alors qu'il fait encore nuit noire, je décide de sortir pour aller me poster au bord du lac pour me familiariser avec les odeurs et les bruits de la pourvoirie. La nuit est calme quand un cri ressemblant un peu au hurlement d'un loup se fait entendre au loin. Je tends l'oreille, au bout d'un moment le son retentit à nouveau, ce n'est pas un loup mais je suis bien incapable d'en donner la provenance. J'apprendrais plus tard qu'il s'agit d'un des chants du huard ou plongeon imbrin.
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Plongeon imbrin - Gavia immer - Common Loon
Fiche d'identification : Plongeon imbrin (Gavia immer) est un oiseau qui appartient à la famille des Gaviidés et à l'ordre des Gaviiformes.
Il ne fait pas froid ce matin, la nuit n'a pas pu rafraîchir totalement la forte chaleur de la veille. Le bruit des ailles de libellules claquant dans la végétation du bord de la berge trouble à peine le silence impressionnant de la nuit entre 2 cris du huard. Je tends l'oreille espérant entendre un orignal sur la berge opposée mais ils restent silencieux. La luminosité commence à me permettre de voir un peu.
Un sillon se dessine sur le lac, un petit animal le traverse et se dirige vers la berge à environ 30 mètres sur ma droite. Alors qu'il se rapproche je pense à un castor mais sa petite taille me fait vite comprendre qu'il doit s'agir d'un rat musqué. Je le laisse disparaître dans la végétation du bord du lac puis me rapproche doucement. Alors que je ne suis plus qu'à quelques mètres, il repars vers le milieu du lac mais à quelques mètres de la berge, il bifurque et commence à la longer en partant sur ma gauche. Je le suis doucement en lui laissant quelques mètres d'avance, il avance tranquillement sans s'inquiéter de ma présence. Alors qu'il va rejoindre les barques accostées près d'un bâtiment en bois, je presse le pas pour le rapprocher et tester sa réaction. La réaction est immédiate, il plonge et disparaît.
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Faune et flore du pays - Le rat musqué
Le rat musqué contribue plus que tout autre mammifère au total des revenus combinés des trappeurs nord-américains. Vu la place importante qu'il occupe dans l'industrie de la fourrure, il a fait...
Je reste encore un peu près du lac puis décide de retourner un peu à mon chalet en attendant l'heure du déjeuner. Le ronron de la génératrice qui s'allume près du réfectoire m'indique que je peux me diriger vers le déjeuner.
Je quitte donc mon chalet et retrouve Jocelyn (mon guide) et Donya (notre cuisinière) au réfectoire. Jocelyn me demande ce que je veux pour déjeuner, lui va prendre le déjeuner copieux : œufs, bacon, toasts et fruit. Je ne me laisse pas tenter ce matin et me contente des toasts grillés avec de la confiture. Après déjeuner, je pars préparer mon arc sur lequel il me faut remonter mon carquois et préparer quelques flèches pour aller le cibler au cas où le transport aurait quelque peu fait bouger mon viseur. La pourvoirie possède plusieurs cibles 3 D positionnées devant un talus sablonneux. Une fois mon matériel prêt je pars tirer quelques flèches sous le regard de mon guide. Je suis content car mes réglages n'ont pas bougé et Jocelyn semble satisfait de ma régularité.
Nous allons maintenant aller préparer un chalet pour un groupe de chasseurs venant chasser en plan européen et Jocelyn veut en profiter pour me familiariser avec le quad qu'il va me prêter pour nos sorties chasse.
Je n'ai jamais utilisé une telle machine, il me montre donc le fonctionnement de l'engin puis me laisse faire le tour des bâtiments. Ce n'est pas bien compliqué, j'ai vite pris le coup. Nous partons donc, à 2 quads, pour le chalet par les pistes sablonneuses de la pourvoirie. Jocelyn ouvre la marche. Nous suivons un moment la piste principale avant de bifurquer sur une piste secondaire plus accidentée. En chemin nous apercevons 3 tétras sur la gauche de la piste. Ils nous laissent approcher et ne piètent vers le couvert du bois qu'au dernier moment comme s'ils savaient qu'ils ne devaient rien craindre de nous. Un peu plus loin nous trouvons des traces d'orignal qui traversent la piste.
Le chalet rejoint, Jocelyn allume le frigo qui marche au gaz et nous vérifions un peu l'intérieur avant de repartir. J'observe la piste et les côtés de cette dernière à la recherche d'animaux ou d'indices de présence. De retour à la pourvoirie, nous tombons sur Serge, sa génératrice qui alimente le camp en courant est tombée en panne. Jocelyn lui donne donc un coup de main pour la réparer. La matinée se passe ainsi tranquillement jusqu'au repas de midi durant lequel Serge m’expliquera qu’il ne faut jamais venir dans le réfectoire avec les habits de chasse car ils pourraient s’imprégner des odeurs de nourriture qui pourraient nous faire repérer par les orignaux. Je vais me rendre compte qu’ici on croit beaucoup aux destructeurs d’odeur, même le jour de ma lessive on me fera utiliser une lessive spéciale sans odeur. La météo est scrupuleusement étudiée chaque jour pour connaître le sens des vents dominants pour prévoir la chasse du lendemain. En France, je ne fais pas attention à tous ces détails et me contente de tenir compte du sens du vent durant ma chasse mais je vais écouter ce conseil. Après une petite sieste pour mon guide et les derniers préparatifs de mon matériel, ainsi qu'un petit tour à pied de la pourvoirie pour me détendre avant la chasse et faire quelques photos souvenir.
Vers 15 heures, nous nous préparons avant de partir chasser. Nous allons aller chasser de l'autre côté du lac. Nous chargeons les affaires dans le canoë. Jocelyn embarque à l'arrière et moi à l'avant en poussant le canoë pour l'éloigner du bord.
Nous chargeons les affaires dans le canoë puis Jocelyn embarque à l'arrière et moi à l'avant en poussant le canoë pour l'éloigner du bord. Il fait encore très chaud aujourd'hui, les températures flirtent avent les 40°, nous partons chasser en T-shirt mais prenons tout de même la veste pour le retour de nuit sur le lac. Ces fortes températures sont problématiques pour l’orignal qui est déjà en poil d’hiver, il risque de chercher la fraîcheur durant la journée et ne bouger que de nuit. Nous traversons le lac en nous éloignant du camp sur la droite jusqu'à rejoindre une crique parsemée d'arbres morts avec les pieds dans l'eau. La végétation épaisse sur quelques mètres avant une forêt d'épinettes très dense.
Nous accostons et je débarque pour attacher le canoë avant que Jocelyn ne descende pour étudier sa carte écoforestière qui lui donne des indications sur les essences et la taille des arbres par zone ainsi que le relief pour déterminer notre parcours de chasse en fonction des endroits où il pense trouver les animaux.
J'en profite pour observer le secteur, le sol est couvert d'une végétation ligneuse basse mais très dense avant un mur d'épinettes. C'est une première pour moi, être totalement guidé par un autre chasseur, je ne connais rien à la chasse au Québec et pas grand-chose sur sa faune et sa flore si ce n'est ce que j'ai pu lire sur les livres ou les magazines ou voir en vidéo. Je vais suivre Jocelyn avec mon arc à la main, sans flèche encochée et me fier presque entièrement à lui.
Jocelyn ayant analysé sa carte et s'étant équipé nous partons pour la chasse. Il porte un T-shirt noir à manche courte, un pantalon uni vert kaki. Son visage n'est pas camouflé, juste une casquette camo su sa tête. Il porte un T-shirt noir à manche courte, un pantalon uni vert kaki, son visage n'est pas camouflé, juste une casquette camo sur sa tête, en bandoulière, dans le dos, une palette d'orignal équipée d'une poignée métallique, son cône d'appel en écorce de bouleau à la main, une sorte de banane multipoches à la ceinture avec un petit pulvérisateur d'urine synthétique de mâle orignal, son GPS, sa boussole, sa carte... et un pulvérisateur blanc de grande capacité et contenant de l'urine de jument en chaleur à la ceinture. Je suis équipé de ma cagoule, de gants, d'un T-shirt à manches longues et d'un pantalon léger le tout en camouflage realtree avec mon arc à la main, un appareil photo à la poche et un couteau dans l'autre. Il semble porter une attention plus importante à l’odorat qu’à la vue de l’orignal qui, d’après lui, ne serait pas bonne. Avant de partir, Jocelyn asperge ses bottes d’urine de jument en chaleur pour créer une ligne d’odeur dans notre sillage et asperge sa palette d’urine de mâle en rut. Nous traversons la bande d'épinettes épaisses et dès le départ, mon guide commence à casser des branches et arbres morts soit en marchant dessus soit à la main en avançant. Je suis très surpris car c'est à 1000 lieux de ce que je ferais si je chassais à l'approche en France. Une forte odeur de bête en rut m’empli les narines dans le sillage de mon guide. Nous débouchons sur une sorte d'ancien chemin bien dégagé.
Jocelyn en profite pour se retourner et m'expliquer pourquoi il casse du bois. En forêt, l'orignal est le plus gros animal, les adultes ne craignent que le loup, l'ours et l'homme, ses prédateurs ont tendance à se déplacer sans bruit ou presque, il est le seul à faire de tels bruits en se déplaçant dans l'épaisse forêt et se sert de ces craquements pour communiquer parfois avec d'autres orignaux. Il ne faut donc pas essayer d'avancer sans faire de bruit, bien au contraire, les craquements tranquillisent l'orignal et peuvent même l'attirer vers nous. Il m'explique ensuite que certains chasseurs qui ne savent pas "caller" (imiter les cris d'orignaux) se postent simplement et cassent juste des branches ce qui les attirent parfois quand ils cherchent la compagnie d'un autre orignal ou à chasser un rival. Il m'explique aussi à voix basse que nous allons avancer tranquillement et qu'il va caller de temps en temps pour tenter de faire répondre un orignal. Il faudra alors que je me poste pour avoir une opportunité de tir alors que Jocelyn se décalera pour attirer l'animal vers lui et me le présenter plein travers.
Nous repartons et avançons tranquillement. Nous ne tardons pas à observer les premières traces d'orignaux sur le sol sablonneux du chemin. Leur taille est impressionnante, certaines sont plus grandes que ma main. En arrivant sur une petite placette ouverte, Jocelyn décide d'appeler et se décale sur la gauche du sentier vers un petit bouquet d'épinette. Il commence par pulvériser sa palette avec de l'urine synthétique de mâle en rut pis appelle en imitant le cri d'une femelle avant de commencer une séance de "rattling", frottant énergiquement sa palette sur les épinettes pour imiter le comportement d'un mâle en rut frottant ses bois et il finit par des cris de mâle avant d'écouter un moment.
Avant de partir, il gratte le sol du bout de son pied dans une zone sablonneuse du chemin puis asperge le coin d’urine de jument en chaleur et de mâle en rut. Il m’explique que les mâles font souvent des souilles, ils grattent le sol de leur sabot puis urine dans ce trou où ils se roulent, ce trou attire ensuite les femelles en chaleur qui viennent s’y rouler pour lui signifier qu’elles lui appartiennent. Cette souille artificielle peut attirer un mâle jaloux. Nous repartons ensuite en avançant doucement tout en surveillant les alentours, à l’écoute du moindre craquement ou cri qui pourrait nous signifier la présence d’un orignal.
Le chemin fermé par la végétation n’est plus praticable et nous rentrons dans la forêt d’épinettes. Le sol est couvert d’une mousse verte très épaisse qui étouffe le bruit de nos pas mais marque bien sous le poids des orignaux qui y laissent des traces bien visibles.
Nous faisons parfois des pauses pour appeler et c’est alors que je vais faire la connaissance d’un des hôtes les plus pénibles de la forêt : l’écureuil. A peine Jocelyn émet un call que 1 ou plusieurs écureuils accourent dans les arbres pour se mettre à crier au-dessus de nous pour donner l’alerte et nous empêcher d’entendre une éventuelle réponse lointaine d’un orignal.
Nous remontons vers une zone de bouleaux au pied d’une colline couvert de ces feuillus
et tombons sur un laissé assez frais d’orignal. Jocelyn m’explique qu’il s’agit d’un mâle car le laissé est en paquet et non en boules comme font les femelles et les veaux.
Nous remontons la colline
puis redescendons pour déboucher dans une « swamp », zone de tourbière humide et couverte d’une végétation herbacée parcourue par un petit ruisseau. Des traces anciennes d’orignaux sont présentent au sol mais rien de frai en vue, nous descendons donc le petit ruisseau pour revenir vers le lac. Le petit cours d’eau s’engouffre un peu plus bas dans un trou qui s’est formé dans un ancien barrage de castor abandonné.
Une trace d’ours noir dans la boue explique peut-être leur disparition. Jocelyn m’explique que les loups ou les ours creusent des brèches dans les barrages de castors et attendent que les gros rongeurs viennent les réparer pour les capturer.
Nous rentrons à nouveau dans le bois pour chercher à retrouver le chemin et tombons sur une zone de bouleaux abattus par les castors.
Le chemin retrouvé nous revenons vers le canoë alors que la luminosité commence à baisser et décidons de faire un affût et d’appeler près de la souille artificielle
mais rien ne venant nous quittons notre poste pour rejoindre notre embarcation à la nuit. En mous éloignant du bord, je suis attiré par un petit remous à la surface du lac et reconnais un couple de libellules en train de se noyer. Je le sors de l'eau pour les poser sur le bord du canoë et les protège du vent avec ma main durant la traversée du lac jusqu'à ce que nous accostions.
Il est temps d'aller prendre une douche avant de rejoindre le réfectoire. Cette première journée aura été riche d’enseignements et m’aura permis de mieux connaître mon guide et de me rendre compte de ses grandes qualités autant humaines que de chasseur.
Alex