Cette année, j'ai décidé de réaliser un de mes rêves, aller chasser l'orignal à l'arc au Québec. Je me suis vite retrouvé perdu au milieu de toutes les offres des pourvoiries et des agences de voyage de chasse. Je me suis aussi vite rendu compte que l'arc n'était pas souvent cité comme arme de chasse pour cette espèce. C'est finalement un de mes contacts Facebook, Frank Poirson d'Esprit Sauvage qui m'a trouvé la pourvoirie du lac Suzie en Abitibi, gérée par Serge Dapra. C’est un domaine de 200 km², dans la zone 13, ponctué de lacs et couvert de forêts, où l'on peut chasser l'orignal (Alces alces americana), l'ours noir (Ursus americanus) mais aussi le tétra canadien (Falcipennis canadensis),
la gélinotte huppée (Bonasa umbellus) et le lièvre variable (Lepus americanus). Serge, chasseur à l'arc, accepte les archers ce qui n'est pas le cas partout car notre mode de chasse plus difficile augmente les chances d'échec et fait baisser les statistiques de prélèvement qui sont la vitrine d'une pourvoirie. Il m'a proposé une chasse, entre de 23 septembre et le 8 octobre (pendant la période de rut de l’orignal). Nous avons régulièrement discuté sur Facebook ou par téléphone pour préparer mon séjour et, très honnête, il m'a averti que la chasse à l'orignal n'était pas gagnée d'avance et qu'elle nécessitait une bonne condition physique. Il n'a pas essayé de me vendre du rêve mais m'a présenté objectivement ce qui m'attendait, je savais donc avant de partir que mon prélèvement ne serait pas garanti mais c’est aussi comme cela que je conçois la chasse. Au niveau matériel, j'ai opté pour mon nouveau Hoyt Carbone Défiant Turbo réglé à 70 livres en prévoyant tous mes accessoires en double (viseur, visette, carquois, repose flèche, cordelette à D-loop et décocheur). Pour mes flèches équipées de trilames fixes Q.A.D Exodus pour l'orignal et de Cut Edge pour le petit gibier, mon ami Arnaud de chez HAVA Archerie m'a conseillé de partir avec des tubes Full Métal Jacket qui sont plus solides que ceux que j'utile habituellement, j'ai donc dû revoir mes réglages. J'ai prévu, sur les conseils de Serge, des vêtements pour les temps chauds et froids, en privilégiant les vêtements superposés qui ont l'avantage d'une plus grande flexibilité en cas de réchauffement des températures durant la journée et d'être moins gênants durant le tir qu’une grosse veste. L'orignal fréquente souvent les zones humides et une paire de bottes confortables pour pouvoir marcher sur de longues distances est indispensable. Ma prise en charge se faisant à Clova, Il m’a fallu gérer mes réservations des billets d’avion et de train ainsi que les nuits d’hôtel pour le jour d’arrivée et la veille du départ. J'ai également dû acheter mes permis de chasse pour l'orignal et le petit gibier par téléphone, dans une armurerie où Serge est allé les récupérer avant mon arrivée. Attention, depuis quelques années, en plus du passeport, pour tout séjour au Canada (loisirs, affaires ou transit), une AVE (Autorisation de Voyage Electronique) est obligatoire et valable pour une durée de 5 ans, il suffit pour cela de se rendre sur le site internet dédié avec une carte de crédit pour répondre à un questionnaire.
Le 21 septembre, après un vol sans problème, j’arrive à Montréal vers 14h, heure locale. Il fait très chaud dans l'aéroport, je me demande pourquoi il est autant chauffé jusqu'à ce qu'en sortant je me rende compte qu'il fait encore plus chaud dehors. Cette température de plus de 35 degrés est anormale pour la saison bien que ce soit l'été indien. J'appelle mon hôtel, on m’envoie une navette qui me conduit en quelques minutes au Quality Hôtel situé dans une zone industrielle, pas terrible comme première vision du Canada. L'hôtesse d'accueil m'indique que leurs navettes ne desservent pas la gare mais que, de l'aéroport, je pourrai prendre une correspondance vers la gare. Mon train étant prévu à 8h15 à la gare de Montréal, je m'inquiète un peu de l'heure matinale de mon départ mais l'hôtesse me tranquillise en m'annonçant que ma navette est réservée pour 7 heures et que j'aurai largement le temps d'aller à la gare. Après une courte nuit perturbée par le décalage horaire et mon déjeuner pris, je prends la navette qui me conduit à l’aéroport vers 7h45. Apercevant une navette VIA RAIL, je récupère mes bagages et fonce vers elle. Le chauffeur m'annonce qu'aucune navette ne dessert la gare de Montréal et que, même s'il le voulait, il ne pourrait jamais y être pour 8h15. Son service se termine dans quelques minutes mais il me propose de me conduire au central VIA RAIL où 2 employés regardent où en est le train. Ils me confirment qu'il sera parti de la gare de Montréal avant mon arrivée mais qu'il me reste une chance de l'avoir en le rattrapant plus loin à une autre station. Heureusement, un chauffeur de taxi boit son café à une table derrière moi et me conduit à cette station où le train arrive vers 9 heures. Mon séjour commence bien ! Je m'installe dans le train où je vais passer de nombreuses heures avant d’arriver à Clova et remarque immédiatement un tableau représentant un orignal en ombre chinoise. C'est peut être un signe pour mon futur séjour.
Les paysages, en sortant de la ville, sont composés de plaines plantées d'immenses champs de maïs qui font peu à peu place à des collines couvertes de bois à perte de vue. Le secteur n'a pas encore mis ses couleurs d'automne, les feuillages sont encore bien verts. Je fais la connaissance d’un ancien agent du chemin de fer qui connaît le secteur comme sa poche et s'improvise guide en m'expliquant tout sur tout à mesure de notre avancée : le nom des villages, leur histoire, les lacs, la faune... Les immenses étendues d'épinettes et de feuillus s'ouvrent parfois sur une rivière ou un grand lac au bord desquels se sont installés de petits chalets ou de belles résidences. Nous passons plusieurs petits villages et chacun amène une nouvelle anecdote. Il me parle aussi du "huard" qui est représenté sur une des pièces de monnaie canadienne et je comprends vite qu'il s'agit en fait d'un plongeon imbrin. Nous tentons d'en voir un à chaque fois que nous passons près d'un lac mais je ne peux que les apercevoir de loin. Le train s'arrête au milieu de nulle part, près d'une belle rivière, mon compagnon de voyage descend pour rejoindre son campement improvisé où il compte pêcher un peu avant la nuit. Le soleil descend sur l'horizon et j'aperçois, sur ma droite, 2 jeunes pygargues à tête blanche en vol. Ils n'ont pas encore la tête et la queue blanches des adultes mais un plumage sombre presque uni. La nuit tombe peu à peu et le train finit par arriver à Clova, minuscule hameau de maisons autour d'un bar-épicerie-station essence. Serge et Jocelyn, mon futur guide, m'attendent près d'un énorme pickup. Je récupère mes bagages et me dirige vers eux, immédiatement assailli par un vol de petites mouches noires, les fameuses mouches noires !
Nous avons encore plus d'une heure de piste avant d'arriver à la pourvoirie, nous en profitons pour discuter et faire connaissance. Jocelyn connaît la chasse à l’arc pour l’avoir pratiquée, ce qui me conforte dans ses capacités à me guider. Serge m'annonce qu'hier un couple a prélevé un magnifique orignal mâle à la carabine et me montre la photo.
La nuit est tombée quand un lièvre traverse dans les phares de la voiture. Arrivés à la pourvoirie, nous passons à mon chalet où je laisse mes affaires avant de partir pour le réfectoire. J'y rencontre Donya qui sera notre cuisinière durant mon séjour. Je suis pour l'instant le seul client, Georges, un américain de la province de New York arrivera demain soir pour chasser l'orignal lui aussi mais à la carabine et je partagerai mon chalet avec lui pendant une semaine. D’autres chasseurs dont un archer arriveront la semaine suivante. Après un bon repas, je pars me coucher.
Vers 3 heures du matin, n’arrivant plus à dormir, je décide de sortir pour aller au bord du lac me familiariser avec les odeurs et les bruits de la pourvoirie. Les cris du huard retentissent dans la nuit avant qu’un rat musqué ne vienne me rendre visite. Il ne fait pas froid ce matin, la nuit n'a pas pu rafraîchir totalement la forte chaleur de la veille. Le bruit des ailles des libellules claquant dans la végétation du bord de la berge trouble à peine le silence impressionnant de la nuit entre 2 cris du huard. Je tends l'oreille espérant entendre un orignal sur la berge opposée mais ils restent silencieux. Le ronron de la génératrice qui s'allume près du réfectoire m'indique qu’il est temps d’y aller. Après déjeuner, je pars préparer mon arc et quelques flèches pour aller vérifier mes réglages sur les cibles 3D mises à la disposition des archers devant un talus sablonneux.
Je décoche quelques flèches sous le regard de mon guide. Mes réglages n'ont pas bougé et Jocelyn semble satisfait de ma régularité. Lors du repas de midi, Serge m’explique qu’il ne faut jamais venir dans le réfectoire avec les vêtements de chasse car ils pourraient s’imprégner des odeurs de nourriture qui peuvent nous faire repérer par les orignaux. Je vais me rendre compte qu’ici on croit beaucoup aux destructeurs d’odeur, même le jour de ma lessive on me fera utiliser une lessive spéciale sans odeur. La météo est scrupuleusement étudiée chaque jour pour connaître le sens des vents dominants et prévoir la chasse du lendemain. En France, je ne fais pas attention à tout ça et me contente de tenir compte du sens du vent durant ma chasse mais je vais écouter ces conseils. Vers 15 heures, nous nous préparons avant de partir chasser de l'autre côté du lac. Nous chargeons les affaires dans le canoë. Jocelyn embarque à l'arrière et moi à l'avant en poussant le canoë pour l'éloigner du bord. Il fait encore très chaud aujourd'hui, les températures flirtent avec les 40°, nous partons chasser en T-shirt mais prenons tout de même la veste pour le retour de nuit sur le lac. Ces fortes températures sont problématiques pour l’orignal qui est déjà en poil d’hiver, il risque de chercher la fraîcheur durant la journée et de ne bouger que de nuit. Nous accostons, je débarque pour attacher le canoë avant que Jocelyn ne descende pour étudier sa carte écoforestière. Elle lui donne des indications sur les essences et la taille des arbres par zone ainsi que le relief pour déterminer notre parcours de chasse en fonction des endroits où il pense trouver les animaux. Le sol est couvert d'une végétation ligneuse basse mais très dense avant un mur d'épinettes. C'est une première pour moi, être totalement guidé, je vais suivre Jocelyn avec mon arc à la main, sans flèche encochée et me fier presque entièrement à lui. Il porte un T-shirt noir à manche courte, un pantalon uni vert kaki, son visage n'est pas camouflé, juste une casquette camo sur sa tête, en bandoulière, dans le dos, une palette d'orignal équipée d'une poignée métallique, son cône d'appel en écorce de bouleau à la main, une sorte de banane multipoches à la ceinture avec un petit pulvérisateur d'urine synthétique de mâle orignal, son GPS, sa boussole, sa carte... ses jumelles autour du cou et un pulvérisateur blanc de grande capacité contenant de l'urine de jument en chaleur à la ceinture.
Je suis équipé de ma cagoule, de gants, d'un T-shirt à manches longues et d'un pantalon léger le tout en camouflage realtree avec mon arc à la main, un appareil photo à la poche et un couteau dans l'autre. Il semble porter une attention plus importante à l’odorat qu’à la vue de l’orignal qui, d’après lui, ne serait pas bonne. Avant de partir, Jocelyn asperge ses bottes d’urine de jument en chaleur pour créer une ligne d’odeur dans notre sillage et asperge sa palette d’urine de mâle en rut. Nous traversons la bande d'épinettes épaisses et, dès le départ, mon guide commence à casser des branches et arbres morts, soit en marchant dessus soit à la main en avançant. Je suis très surpris car c’est à 1000 lieux de ce que je ferais si je chassais à l'approche en France. Une forte odeur de bête en rut m’emplit les narines dans le sillage de mon guide. Nous débouchons sur une sorte d'ancien chemin bien dégagé. Jocelyn en profite pour se retourner et m'expliquer, à voix basse, pourquoi il casse du bois. En forêt, l'orignal est le plus gros animal, les adultes ne craignent que le loup, l'ours et l'homme, ses prédateurs ont tendance à se mouvoir en silence ou presque. Il est le seul à faire de tels bruits en se déplaçant dans l'épaisse forêt et se sert parfois de ces craquements pour communiquer avec d'autres orignaux. Il ne faut donc pas essayer d'avancer sans bruit, bien au contraire, les craquements tranquillisent l'orignal et peuvent même l'attirer vers nous. Il m'explique ensuite que certains chasseurs qui ne savent pas "caller" (imiter les cris d'orignaux) se postent simplement et cassent juste des branches ce qui les attirent parfois quand ils cherchent la compagnie d'un autre orignal ou à chasser un rival. Il m'indique aussi que nous allons avancer tranquillement et qu'il va caller de temps en temps pour tenter de faire répondre un orignal. Il faudra alors que je me poste pour avoir une opportunité de tir pendant que Jocelyn se décalera pour attirer l'animal vers lui et me le présenter plein travers. Nous repartons tranquillement et ne tardons pas à observer les premières traces d'orignaux sur le sol sablonneux du chemin, certaines sont plus grandes que ma main.
En arrivant sur une petite placette ouverte, Jocelyn décide d'appeler et se décale sur la gauche du sentier vers un petit bouquet d'épinette. Il commence par appeler avec son cône en imitant le cri d'une femelle avant de commencer une séance de "rattling", frottant énergiquement sa palette sur les épinettes pour imiter le comportement d'un mâle en rut frottant ses bois. Il finit par des cris de mâle avant d'écouter un moment. Avant de partir, il gratte le sol du bout de son pied dans une zone sablonneuse du chemin puis asperge le coin d’urine de jument en chaleur et de mâle en rut. Il m’explique que les mâles font souvent des souilles, ils grattent le sol de leur sabot puis urinent dans ce trou où ils se roulent. Ce trou attire ensuite les femelles en chaleur qui viennent s’y rouler pour lui signifier qu’elles lui appartiennent. Cette souille artificielle peut attirer un mâle jaloux. Nous repartons ensuite en avançant doucement tout en surveillant les alentours, à l’écoute du moindre craquement ou cri qui pourrait trahir la présence d’un orignal. Le chemin fermé par la végétation n’est plus praticable et nous rentrons dans la forêt d’épinettes. Le sol est couvert d’une mousse verte très épaisse qui étouffe le bruit de nos pas mais marque bien sous le poids des orignaux qui y laissent des traces bien visibles.
Nous faisons parfois des pauses pour appeler et c’est alors que je vais faire la connaissance d’un des hôtes les plus pénibles de la forêt. A peine Jocelyn émet un call que un ou plusieurs écureuils accourent dans les arbres pour se mettre à crier au-dessus de nous, donnant l’alerte et nous empêchant d’entendre une éventuelle réponse lointaine d’un orignal.
Nous remontons vers une zone de bouleaux au pied d’une colline couverte de ces feuillus et tombons sur un laissé assez frais d’orignal. Jocelyn m’explique qu’il s’agit d’un mâle car le laissé est en paquet et non en boules comme le ferraient les femelles et les veaux.
Nous remontons la colline puis redescendons pour déboucher dans une « swamp », zone de tourbière humide et couverte d’une végétation herbacée parcourue par un petit ruisseau. Des traces anciennes d’orignaux sont présentes au sol, nous descendons le long du ru pour revenir vers le lac. Le petit cours d’eau s’engouffre, un peu plus bas, dans un trou qui s’est formé au pied d'un ancien barrage de castor abandonné.
Une trace d’ours noir dans la boue explique peut-être leur disparition. Jocelyn m’explique que les loups ou les ours creusent des brèches dans les barrages de castors et attendent que les gros rongeurs viennent les réparer pour les capturer. Nous rentrons à nouveau dans le bois pour chercher à retrouver le chemin et tombons sur une zone de bouleaux abattus et écorcés par les castors. Le chemin retrouvé, nous revenons vers le canoë alors que la luminosité commence à baisser. Nous décidons de faire un affût et d’appeler près de la souille artificielle mais, rien ne venant, nous quittons notre poste pour rejoindre notre embarcation à la nuit. Cette première journée aura été riche d’enseignements et m’aura permis de mieux connaître mon guide et de me rendre compte de ses grandes qualités autant humaines que de chasseur.
Le lendemain matin, nous partons de nuit, en quads, pour le secteur de la pourvoirie qui m’a été attribué : Le Chenevert. En route nous tombons sur des laissés d’ours tout frais. Nous nous garons au bord de la piste le long de laquelle Jocelyn a décidé de chasser. Nous attendons que la luminosité soit suffisante avant de partir en chasse. Nous avançons tranquillement à l’écoute et nous arrêtons par moment pour appeler mais le secteur reste calme. Je remarque des traces de loups sur le sable du chemin, leur taille est impressionnante. Jocelyn me dit que s’il y a des loups, il y a certainement des orignaux.
Nous finissons par rejoindre un chemin plus petit qui part sur la droite et le prenons. Nous rencontrons régulièrement des tétras qui sont étonnamment peu farouches, ils se laissent souvent approcher de très près pour finalement s’envoler et se percher à quelques mètres du sol pour parfois se reposer au sol derrière nous. Jocelyn qui les appelle "les poules" m'explique qu'ici ils ne sont pas chassés et n'ont donc pas peur de l'homme. Certains mâles viennent même nous « challenger », ils gonflent les plumes du cou et du torse en faisant la roue puis foncent vers nous pour nous impressionner. Après une longue marche sur le chemin sans contact avec les orignaux, nous décidons de faire demi-tour pour retourner aux quads où nous attend notre casse-croûte. Il fait à nouveau très chaud aujourd’hui. Des mésangeais nous accompagnent en suivant le bord du chemin, volant d’arbre en arbre. L’après-midi, Jocelyn décide d’aller appeler au bord d’un des lacs proche du sentier que nous avons chassé ce matin. Nous nous installons dans la végétation épaisse, en bordure d’une langue de swamp qui rentre dans les épinettes à la pointe du lac. Jocelyn passera la soirée à appeler puis à écouter par intermittence mais rien ne viendra à part de bruyants vols de bernaches du Canada (appelées "outardes" localement) en migration qui annoncent très certainement un changement de temps.
Alors que la nuit vient, nous quittons notre poste et Jocelyn m’explique que nous venons de préparer le secteur pour demain. Si un mâle a entendu nos appels, il sera peut-être dans le secteur demain matin.
Le lendemain, nous repartons pour le Chenevert. Nous laissons les quads au bout du chemin près du chalet proche du lac et repartons un peu en arrière pour rejoindre le sentier que nous avons chassé la veille.
J’ai équipé une de mes flèches pour le tir des oiseaux car nous avons décidé d’en tirer 2 ou 3 pour les manger un midi. Nous n’avons fait que 100 mètres environ sur le sentier quand nous arrivons au niveau d’une sorte de placette où trônent fièrement 7 ou 8 tétras. Jocelyn me dit d’aller en tirer. J’encoche ma flèche équipée d’une Cut Edge et m’avance doucement vers le premier. Ce mâle me fait face et me challenge, me laissant approcher à 6 ou 7 mètres. J’arme, il passe derrière des branches basses sur la gauche du sentier, j’aligne ma visée et le voit ressortir plein travers. Je décoche le séchant sur place. Ma flèche est posée un peu plus loin sur le chemin, au milieu des autres tétras qui n’ont presque pas bougé. Je me retourne vers Jocelyn qui me fait signe d’en tirer un autre. Je m’avance doucement, récupère ma flèche et réencoche puis approche un autre tétra sur la droite du chemin. J’arrive à environ 5 mètres, arme mon arc et décoche. A nouveau, il est séché sur place puis se débat un peu au sol. Je me retourne et Jocelyn me fait signe d’en tirer un dernier. Je pars chercher ma flèche posée sur le sentier un peu plus loin, réencoche et approche un autre tétra un peu plus loin. Encore une fois, je m’approche à quelques mètres et le sèche sur place. Cette fois ma flèche est restée en travers, arrêtée par le sol. En me retournant, je vois que Jocelyn est entrain de ramasser le premier tétra mais le second a disparu et il me dit qu’il s’est relevé. Je me précipite et l’aperçois qui se coule dans la végétation. Je pose mon arc et le poursuis pour finir par le plaquer au sol dans la végétation épaisse avant de l’achever. Nous récupérons les 3 tétras et ma flèche qui est un peu abîmée au niveau de l’insert, ma Cut Edge est cassée en partie. Nous ramenons nos prises au chalet avant de repartir en chasse. J’ai fléché 2 mâles et une femelle reconnaissable à son plumage brun clair moucheté de noir alors que les mâles sont noirs mouchetés de blanc avec un beau sourcil rouge.
Cette expérience m'a dissuadé de rechasser le tétra tant cette chasse a été facile. Nous partons maintenant vers un secteur que Jocelyn a repéré sur la carte et qu’il pense prometteur. Nous longeons un moment le chemin en croisant plusieurs tétras toujours aussi peu farouches avant que Jocelyn décide de prendre à gauche à travers bois. Une gélinotte se coule entre les troncs sur notre gauche. Nous débouchons un peu plus loin sur une butte granitique couverte d’un lichen blanchâtre. Elle domine une grande swamp située au milieu des épinettes en alignement du lac où nous avons appelé hier soir. Jocelyn casse 3 branches d’un gros conifère mort au bout de la bute en me chuchotant : « Je m’annonce. » Il pousse ensuite un call de femelle et immédiatement un son nous répond sur la droite de l’autre côté de la swamp à environ 100 mètres : « Houow ». Je comprends immédiatement qu’il s’agit d’un orignal mâle, tends mon doigt dans sa direction et me retourne vers Jocelyn qui acquiesce. Je suis aux anges, je viens d’entendre ma première réponse. Jocelyn me fait placer sur le bord du sommet de la bute, en face d’une trouée dans les épinettes qui me permet de voir la zone plus dégagée couverte d’herbes, de petits buissons et de petits conifères. Il se décale sur la droite et recommence à appeler, l’orignal répond à nouveau et commence à venir. Son déplacement s’accompagne de craquements dans la végétation et de cris espacés de quelques secondes : « houow houow houow…. », mon cœur s’emballe comme jamais. Je respire profondément pour essayer de me calmer. Jocelyn commence une séance de rattling accompagnée de cris de mâle qui énervent l’orignal. Il stoppe pour détruire une épinette de ses bois. Le bruit est impressionnant, je ne vois toujours pas l’animal mais, au bruit, je comprends qu’il doit avoir un beau panache.
Il reprend sa progression rythmée de craquements et de cris. Mon décocheur est accroché, ma cagoule baissée, mes muscles déjà en tension, je suis presque en apnée et commence à réguler mon rythme cardiaque. Il se rapproche tranquillement mais alors qu’il ne doit plus être qu’à 40 mètres, je sens le vent qui tourne sur ma nuque. Immédiatement nous nous regardons avec Jocelyn, l’orignal a stoppé net et fait demi-tour en donnant de la voix "houow houow houow...". Il n'a pas poussé son cri d'alerte, ce n'est pas encore perdu. Jocelyn décide de tenter de le suivre en décalé, sur le bord de la swamp au milieu des épinettes très denses en craquant du bois et en poussant des cris de mâle. Après 40 mètres environ de poursuite, l’orignal que nous entendions stoppe net et le calme s’installe. Nous stoppons, Jocelyn me chuchote : « Il nous écoute ». Nous restons un bon moment immobiles, à l'écoute, avant de décider de quitter les lieux mais, au même moment, il redonne de la voix pour se taire définitivement malgré les appels de Jocelyn. Nous nous éclipsons et revenons vers le chemin avant de tenter sans succès de le recouper plus loin. Nous décidons de laisser le secteur tranquille pour la soirée et partons chasser en canoë à partir du camp vers un autre secteur mais nous ne trouverons que de vieilles traces.
Le lendemain matin nous retournons appeler sur le secteur du Chenevert sans succès, l’après-midi, sur les conseils de Serge, nous partons chasser sur un nouveau secteur. Depuis plusieurs jours, je subis les assauts des mouches noires qui ont la salle manie de rentrer dans les yeux et de quelques moustiques qui semblent beaucoup aimer mon sang, Serge m’a donc prêté un filet de tête pour me protéger.
Je suis obligé de m'équiper d'un filet de tête pour éviter que les mouches noires ne ne rentrent dans les yeux
Nous prenons la piste du Chenevert mais laissons les quads bien avant le chalet, au départ d’un petit sentier. Nous partons en suivant ce chemin mais tombons vite sur un énorme chablis qui nous barre la route et peinons à trouver un passage.
Nous rejoignons ensuite la bordure d’un lac où nous nous postons un moment pour appeler mais rien ne venant à part les mouches noires qui me contraignent à mettre mon filet de tête en place, Jocelyn décide de finir la soirée en chassant en sous-bois pour revenir vers les quads. Nous nous dirigeons par la swamp vers la bordure du bois d’épinettes. Juste en entrant dans le bois, nous tombons sur une trace d’orignal toute fraîche dans la mousse qui tapisse le sol. L’eau remontée dans la trace n’est pas encore redescendu dans la mousse, l’orignal est très certainement venu écouter le call en bordure de bois avant de faire demi-tour. Il ne doit pas être très loin, Jocelyn m’explique que nous allons avancer tranquillement en forêt en cassant du bois, il imitera le cri d’une femelle en « tabernacle » (en colère) harcelée par un petit mâle ("pineux") pour tenter d’attirer un gros mâle jaloux. Nous avançons donc dans le bois bruyamment en ouvrant les yeux mais pour le moment seuls les écureuils nous répondent. Nous biaisons peu à peu à droite pour nous rapprocher de la colline sur laquelle se trouve le chablis et trouvons régulièrement des traces. Jocelyn imite la femelle en colère puis des cris de pineux tout en laissant frotter parfois sa palette sur les branches ou en cassant ces dernières. Nous arrivons sous le chablis et faisons une petite pause pour chercher le meilleur passage en discutant à voix basse quand de gros craquements nous font tourner la tête en même temps. Un très gros mâle orignal s’avance dans la végétation à environ 40 mètres et stoppe net plein travers. Sa zone vitale est masquée par les feuillages, je m’agenouille rapidement au sol, caché par la végétation alors que Jocelyn tente de retirer mon filet de tête avant que je ne lui chuchote que je peux tirer avec. Il se décale alors sur ma droite pour se cacher derrière la végétation. J’encoche vite une flèche mais me rends compte qu’il s’agit de la flèche avec laquelle j’ai tiré les tétras, équipée d’une lame neuve. Je décide d’encocher une flèche neuve et dégage ma première flèche que je jette au sol, encoche la suivante puis me redresse doucement en accrochant mon décocheur. L’orignal n’a pas bougé, j’essaie d’analyser rapidement la situation et mes possibilités de tir. Je suis en face d’un beau couloir dégagé. Je n’ai pas le temps de bien me préparer que Jocelyn lance un call, immédiatement, l’orignal avance de quelques pas et bifurque pour venir droit sur moi. Je me fige et le laisse venir. Il est magnifique, brun avec des pointes presque dorées dans son pelage, il approche d’un pas tranquille pour venir se planter de face, bien dégagé, à environ 17 mètres devant moi. Il regarde vers moi immobile, Jocelyn a glissé plus sur ma droite.
Il appelle et fait du rattling mais le gros « buck » ne semble plus vouloir bouger. J'ose à peine respirer. Jocelyn, en se décalant un peu, arrive en face d’une belle trouée dans laquelle l’orignal se présente plein travers à 15 mètres et me chuchote qu’il me faut venir le rejoindre pour pouvoir tirer. Etant à découvert, ce que Jocelyn ne sais pas, je ne peux pas bouger sans être vu et lui fais signe que je ne veux et peux pas bouger. Pour moi, Jocelyn s’était décalé pour me tourner l’orignal et j’attendais qu’il me présente son flanc pour armer. Jocelyn insiste, je suis perdu, je ne sais plus quoi faire, alors qu’il insiste encore je me résigne à bouger et me décale d’à peine 10 cm à droite avec un pas de côté très lent. La sanction est immédiate, l’orignal fait volte-face très rapidement et s’enfuit dans la végétation. Je suis dégoûté et j’ai l’affreux pressentiment que je viens de manquer l’occasion du séjour. J’aurais dû tenter d’armer, peut-être l’orignal aurait amorcé son demi-tour, j’aurais peut-être eu l’occasion de tirer et Jocelyn aurait compris que j’avais une fenêtre de tir… je ressasse toutes mes erreurs dans ma tête, je n’ai vraiment pas assuré, je m’en veux terriblement. Jocelyn me dit de ramasser ma flèche et que ce n’est pas fini, nous allons tenter de le retrouver. Nous partons sur ses traces et Jocelyn continue ses calls et casse des branches. Après plusieurs centaines de mètres, il s’arrête et me chuchote que l’orignal est devant nous, le temps de l’apercevoir au travers des arbres serrés, il redémarre pour s’enfuir, cette fois, il a compris et nous ne le reverrons pas. Nous retournons aux quads alors que la nuit tombe.
Le lendemain, le temps change, c’est l’arrivée de la pluie et d’un vent tournant qui vont durer quelques jours perturbant notre chasse et faisant chuter progressivement les températures durant les jours suivants. Nous apercevrons une martre perchée dans une épinette, j’arriverai à l'intéresser un moment avec des imitations de cris de souris, technique que ne connaissait pas mon guide. Pour une fois, c’est moi qui lui ai enseigné quelque chose.
Le soir, sur le chemin du retour, j’apercevrais mon premier castor en ballade sur un lac au bord de la piste. Nous finissons par décider de tenter de chasser sur un nouveau secteur et de laisser le Chenevert à Gorges et Pascal son guide.
Le 29 septembre au matin, il a fait une petite gelée et le beau temps est de retour. Nous partons en pickup sur la piste et rejoignons le départ d’un sentier qui rejoint un grand lac. Nous avançons tranquillement sur ce dernier sans voir d’orignaux et arrivons à une trouée du bois donnant sur le lac. Le paysage est magnifique, la brume s’élève du plan d'eau dans les rayons du soleil levant.
Nous nous avançons tranquillement vers le lac en quittant le chemin. Le sol est marqué de nombreuses empreintes plus ou moins fraîches. Nous longeons la limite de la végétation pour nous camoufler un peu puis nous nous postons derrières quelques arbustes pour que Jocelyn commence à appeler. Rapidement, un son étrange se fait entendre dans la bande boisée à note droite, à plus d’une centaine de mètres. Je regarde Jocelyn qui me chuchote qu’il s’agit d’un orignal. Il lui répond et le son retentit à nouveau mais, cette fois, je reconnais un call de femelle. Jocelyn « jase » un peu avec elle puis ce sont 2 femelles qui nous répondent. Le son semble se rapprocher un peu quand un mâle nous répond de l’autre côté du lac avant de donner un grand coup de tête dans un arbre, émettant un son proche d’un coup de feu. Jocelyn reprend ses appels et attaque un peu de rattling. Les craquements dans le bois nous permettent de suivre la progression du mâle mais il ne semble pas vouloir venir vers nous et les bruits finissent par cesser.
Nous tentons donc de nous avancer en rejoignons la pointe du lac qui alimente un ruisseau. Les femelles finissent par se taire et s’éloigner. Nous passons le cours d'eau et le descendons à la recherche des orignaux et tombons sur une zone où tous les bouleaux et trembles ont été abattus par les castors au pied de la colline de gauche, proche de l’eau. De nombreuses coulées fraîches et une hutte à castor au milieu de l’eau attestent d’avantage de la fréquentation des lieux.
Nous faisons demi-tour et constatons qu’un vieux sentier longe le lac dans les épinettes, le mâle a dû passer par là ce qui lui a permis de s’éclipser sans bruit. Nous partons relever la carte d’une trailcam posée près d’une saline juste un peu plus loin au bord du chemin et constatons qu’un beau mâle est passé là il y a quelques jours. Nous rentrons pour ce matin et de reviendrons nous poster ce soir, près de la saline où les appels de Jocelyn ne feront répondre qu’une femelle que nous n’arriverons pas à approcher.
Le lendemain, nous retournons sur ce secteur sans voir ni entendre d’orignal, seul un castor, dans la zone des bouleaux abattus, donnera l’alerte durant plusieurs minutes en frappant violemment la surface de l’eau de sa queue, projetant de belles gerbes d’eau dans les airs. Le lendemain, sachant que Pascal et son client ont entendu 2 orignaux mâles hier au Chenevert, nous repartons sur le secteur en espérant les croiser. Nous nous garons au départ du sentier et nous nous préparons avant de commencer à suivre le chemin. Nous n’avons pas fait 100 mètres que nous tombons sur des traces toutes fraiches de 2 orignaux qui semblaient venir droit sur nous par le chemin avant de faire demi-tour. Nous suivons les traces et trouvons la rentrée au bois sur la gauche du chemin. Jocelyn me poste contre le bois à gauche et se décale plus en arrière sur la droite du chemin avant de commencer à appeler. Immédiatement, un mâle nous répond à environ 70 ou 80 mètres. Je regarde vers Jocelyn qui me chuchote de me préparer. Il poursuit ses appels et le mâle semble venir vers nous mais la femelle qui s’éloigne tranquillement se met à donner de la voix pour le rappeler à elle. Il se ravise pour la suivre. Jocelyn insiste et le mâle qui nous répond semble hésiter mais sa femelle ne le laisse pas partir et le rappelle sans cesse. Jocelyn décide de partir en poursuite pour tenter de les rapprocher. Nous rentrons dans le bois, Jocelyn casse des branches et appelle en avançant mais les animaux s’éloignent tranquillement en donnant de la voix. Nous n’arrivons pas à réduire la distance et finissons par arriver au bord d’une gorge encaissée au fond de laquelle coule bruyamment un petit ruisseau venant du lac plus en amont. L’obstacle est difficile à franchir et les animaux gagnent du terrain. Nous décidons de rebrousser chemin et de presser le pas pour tenter de les recouper à la swamp où j’ai entendu mon premier orignal. Nous reprenons le chemin pour recouper plus loin à travers bois et rejoindre la butte granitique où nous nous asseyons pour attendre. A peine assis, Jocelyn me fait signe qu’il a entendu quelque chose sur le penchant d’en face à notre gauche puis se ravise. Il me dit, en plaisantant, que nous commençons à entendre des orignaux partout mais rapidement le bruit reprend. Le sous-bois d’épinettes craque. Nous nous levons et Jocelyn appelle. Immédiatement, un mâle nous répond sur la droite puis un autre sur la gauche. Après avoir répondu, le mâle de droite casse du bois et s’enfuit comme s’il savait que ce call n’était pas normal. Jocelyn continue à caller et les craquements s’intensifient. Mon cœur bat à tout rompre, je cherche du mouvement au travers des épinettes quand j’aperçois une énorme masse sombre perchée sur de longues pattes claires qui descend le talus et biaise droit sur moi. Je n’en reviens pas, un orignal vient d’un pas rapide sur moi mais je ne vois pas sa tête. A force de regarder, je finis par la voir mais ne vois pas de bois. Je ne veux pas y croire et cherche encore mais je dois me résigner, il s’agit d’une femelle sur laquelle je n’ai pas l’autorisation de tirer. Elle se rapproche de plus en plus et commence à pousser des espèces de couinements saccadés avant de venir se planter plein travers à environ 20 mètres devant moi. Sa zone vitale bien dégagée entre 2 épinettes. Elle reste là pendant plusieurs minutes en regardant autour d’elle sans nous voir. Jocelyn imite des cris de petit mâle et fait un rattling timide pour provoquer le mâle resté en arrière dans les épinettes. Je suis prêt au cas où il viendrait en arrière de la femelle mais il ne se décide pas à bouger et la femelle fait demi-tour pour revenir vers les épinettes et remonte le talus pour disparaître. Nous suivons un moment à l’oreille leur progression bruyante avant que le calme ne revienne. Il ne sert à rien de les poursuivre, nous ne pourrons pas les rattraper et ne ferons que les pousser au loin. Nous rentrons, pour ce matin.
Les jours suivants ne donnent rien. Le 3 octobre au matin, nous repartons chasser au Chenevert pour prospecter plus en avant sur le sentier. Nous avançons tranquillement sans appeler jusqu’à la saline quand une belle gélinotte se débine sur la droite du chemin, au sommet du talus qui le borde. Je n’ai pas encore fléché ce bel oiseau et demande l’autorisation de le tirer à mon guide qui acquiesce. J’encoche une flèche équipée d’une lame car je n’ai pas équipée de flèche pour les oiseaux depuis le tir des tétras. La gélinotte se débine et s’arrête régulièrement pour nous observer partiellement cachée derrière un tronc. J’arme mon arc et aligne ma visée dans sa direction, elle s’avance encore un peu et s’arrête entre des baliveaux, à environ 10 mètres, suffisamment dégagée pour me permettre de tenter une flèche. J’essaie de viser assez haut pour ne pas exploser les muscles pectoraux et décoche. La gélinotte touchée au dos s’effondre dans un nuage de plumes et ma flèche se fiche, 2 mètres derrière dans un tronc de bouleau tombé au sol. Elle n’est pas morte mais ma flèche lui a coupé le dos et une aile, elle se débat au sol sans pouvoir s’enfuir et je me précipite pour l’achever avant de récupérer ma flèche. Après quelques photos souvenir, je la mets dans mon sac à dos avec mon repas de midi avant que nous nous remettions en marche.
Un peu plus loin nous quittons le sentier pour rentrer dans la forêt. Nous trouvons de nombreuses traces mais pas de cervidé en vue. Le vent n’arrête pas de tourner en sous-bois. En fin de matinée, nous nous dirigeons vers un petit lac repéré sur la carte, l’eau d’un bleu magnifique nous apparaît entre les épinettes et je m’avance jusqu’au bord du plan d’eau. En tournant la tête à droite, j’aperçois une grosse masse noire à environ 300 mètres au bord du lac dans une zone de végétation basse arbustive et herbacée. Je reconnais vite un magnifique ours noir en maraude qui cherche sa pitance dans la végétation. Le vent souffle fort de l’ours vers nous, j’essaie de le montrer à Jocelyn mais il disparaît dans la végétation un moment, nous surveillons la zone et il finit par réapparaître un instant puis disparaît à nouveau. Je demande à Jocelyn si je peux tenter une approche pour m’amuser mais il me dit que l’ours va me détecter et s’enfuir malgré le vent soutenu.
Je laisse tomber et nous partons nous poser sur une plagette à l’autre bout du lac pour prendre notre repas de midi. Le secteur est marqué de nombreuses traces d’orignaux et de quelques traces d’ours.
Un vieux barrage de castor recouvert d’herbe barrait, avant que l’eau ne creuse un passage en dessous, le ruisseau partant du lac. Ce soir nous terminerons, sans sucés, cette journée par un affût sur la zone où nous avons vu la femelle l’autre jour.
Les jours de chasse se suivent mais les orignaux restent cachés et le dernier jour, je demande à Jocelyn de partir sur le lac Suzie pour une partie de pêche aux dorés et aux brochets pour nous changer un peu les idées. Il me conduit de poste en poste, nous prospectons les zones d’herbiers, c’est lui qui ouvre le bal en capturant un brochet de taille moyenne. Je réussi en suite à ferrer 4 petits brochets à la cuillère ondulante dans peu de temps et c’est le froid sur le lac qui nous fait rentrer.
Le lendemain, Serge me propose d’aller faire une petite chasse avec lui, le temps est exécrable, il pleut et le vent n’arrête pas de tourner, nous partons chasser un « bucher » (zone de coupe à blanc de la forêt) mais malgré les indices de présence nous ne trouvons pas les orignaux. Sur le retour vers la voiture nous tombons sur des tétras qui se débinent et s’envolent devant nous, j’avais pris une flèche équipée pour leur tir au cas où et Serge me donne l’autorisation de tirer. L’un d’eux se débine plein travers en traversant le sentier à environ 10 à 12 mètres, j’encoche, arme et tente de viser la tête pour ne par l’abîmer. Je décoche et l’atteint au cou, il tombe sur place.
Je le récupère. Serge bifurque dans le bois sur une très grosse coulée très marquée. Un peu plus loin, je trouve un crâne de castor au sol et le ramasse pour le montrer à Serge, c’est alors qu’il m’explique que nous somme sur une zone d’appâtage à l’ours et me montre un affût dans un arbre et le tas de rondins sous lequel est déposée la nourriture. Nous étions en fait sur le sentier des ours. La vision de ce site propre sans bidon ni sac plastique me réconforte un peu avec ce mode de chasse de l’ours à l’affût. Mon rêve serait de le chasser à l’approche mais 2 semaines de chasse dans ce biotope m’ont fait comprendre qu’apercevoir un animal, aussi gros soit-il, dans cette forêt dense est très difficile. Je reviendrais certainement m’essayé à cette chasse à l’ours à partir d’un affût au sol puisque je ne suis pas à mon aise dans les arbres. Mon séjour se termine ainsi, sans orignal mais riche de grands enseignements et de nouvelles amitiés. Le temps n’a pas été avec nous mais c’est aussi ça la chasse, on ne peut pas garantir la réussite. Cette chasse m’a donné des émotions comme je n’en avais jamais eu à la chasse. Les québécois sont des gens extraordinairement gentils, leur accueil est sans égal. Un grand merci à mon guide Jocelyn qui m’a fait vivre une aventure magique, prenant le temps de m’expliquer sa façon de chasser, de m’enseigner à caller avec un cône en écorce de bouleau que nous avons fabriqué ensemble dans les bois et avec qui j’ai beaucoup rigolé, à Serge et son épouse Brigitte pour leur accueil et leur gentillesse et enfin à Donya, notre cuisinière, qui a su nous régaler tout au long de ce séjour.
Alex