Ce matin, nous récupérons un peu de notre sortie en forêt et nous nous réveillons sans mettre le réveil. Notre matinée sera calme, après déjeuner, j'en profite pour tirer quelques flèches et préparer mon matériel pour notre chasse de ce soir. Xavier va m'emmener chasser le long d'une piste forestière. En fin de matinée nous partons pour Kourou ou nous achetons des sandwichs et quelques frites avant de partir pour la chasse. Nous mangeons en route et arrivons à destination vers 14h30. Nous nous préparons tranquillement et faisons nos points GPS.
En plus de mon matériel, je prends une grande bouteille d'eau dans mon sac à dos et 2 barres de céréales. Nous nous sommes donné rendez-vous vers 23 heures au pick-up. Xavier va chasser sur la gauche de la piste et moi sur la droite. Il fait très chaud, le soleil est brûlant. Je pars donc vers la forêt mais dois longer un peu la piste car un talus abrupt, surmonté d'un mur végétal, me barre l'accès à la jungle. Un peu plus loin, je rejoins un petit ruisseau qui rejoint la piste et je profite de cette ouverture relative pour rentrer en forêt en le longeant un moment avant de monter sur le flanc de la colline à sa gauche. La forêt est maintenant assez claire et permet une visibilité à quelques dizaines de mètres. Je progresse très doucement en m'arrêtant souvent pour observer un moment.
Le sol est très sec et couvert de feuilles mortes, ma progression peine à rester silencieuse. Un mouvement furtif attire mon regard dans une petite clairière baignée de soleil. Je me fige et observe, un gros lézard se débine à environ 15 mètres et monte sur un tronc pourri tombé au sol. Il le longe un instant puis saute au sol et s'éloigne tranquillement au milieu des feuilles mortes. Je continue ma progression et tombe sur un champignon parasite poussant sur le tronc d'un arbre à environ 1,5 mètres du sol. Il ressemble beaucoup à notre langue de bœuf métropolitaine mais en version macaron.
Le secteur est très vallonné et j’enchaîne les montées et les descentes. Il fait très chaud, je profite de certaines pauses pour boire un peu de la bouteille d'eau que j'ai prise dans mon sac à dos. Arrivé en haut d'une colline, je tombe sur un fruit étrange de couleur jaune et verte, en forme de larme allongée et légèrement courbée, c'est la première fois que je vois un tel fruit. Il n'est mangé.
Je cherche un peu autour de ce dernier et tombe sur d'autres fruits qui eux ont été en partie mangés de frais. L'un est mâché sur tout un côté.
L'autre porte des traces de dents d'un rongeur.
Je décide de rester posté un moment à cet endroit mais, ne voyant rien venir, je finis par noter l'endroit sur mon GPS et continuer mon chemin. Je butte très vite sur un énorme chablis. Un énorme arbre est tombé, entraînant d'autres arbres dans sa chute et créant un mur impénétrable de 40 à 50 mètres de long. Je contourne donc cet obstacle et tombe sur un grand tronc tombé au sol en limite de la descente de la colline, au bord de ce grand chablis et décide de me poster un instant, assis sur ce tronc, dos au chablis.
J'ai une bonne vision de la pente clairsemée devant moi mais pas le moindre mouvement pendant de longues minutes.
Je décide de repartir en descendant la pente de la colline et arrive tranquillement au niveau d'un ruisselet couvert de végétation. L'air est plus frai tout à coup, de nombreuses coulées très marquées serpentent dans la végétation et rallient toutes un terrier d'environ 20 cm de diamètres, à moitié caché par des branchages de l'autre côté du petit cours d'eau. C'est très certainement le terrier d'un tatou et j'hésite à rester posté près de ce dernier mais, le tatou est nocturne et la nuit ne sera pas là avant plusieurs heures et je me décide à poursuivre mon chemin. Je traverse le ru et me fraye un passage au travers d'une végétation très dense tout en remontant la pente très raire pour arriver au sommet de la colline suivante.
Arrivé en haut, je domine une vallée encaissée parcourue de nombreuses coulées. Je descends doucement en faisant des pauses pour observer puis arrive au fond de la vallée ou un petit ruisseau prend naissance dans une gorge encaissée de 3 à 4 mètres. Je descends dans cette gorge où descendent plusieurs coulées bien marquées et cherche un poste pour rester un moment à l'affût. Après plusieurs hésitations, je jette mon dévolu sur un promontoire terreux d'environ 1,5 mètres et surmonté de vieilles souches et troncs pourris. De ce poste, j'ai une bonne vue à ma droite sur le départ du ruisseau.
et sur les pentes des 2 versants.
La fraîcheur du ruisseau est agréable mais elle va de pair avec les moustiques qui m'assaillent. Le temps passe et la luminosité commence un peu à baisser, il est 16h30. Malgré la beauté du lieu et toutes ces coulées qui me donnent espoir, je me décide à quitter mon poste et longe le ruisseau qui serpente dans le fond de la combe quand un mouvement rapide attire mon regard sur un crabe de terre rouge qui a perdu ses pinces et une partie de ses pattes très certainement à cause d'un prédateur. Je tente de la prendre en photo mais il me fuit et finit par se réfugier entre les rochers où il s'immobilise un instant
avant de se réfugier sous un bloc de pierre. Le lit du ruisseau devenant difficilement praticable, je remonte sur la berge de gauche parcourue par de nombreuses coulées qui se concentrent entre le ruisseau et le pied de la pente raide sur une bande de quelques mètres de large. Je tente de les suivre mais elles rentrent rapidement dans un très gros chablis couvert par la végétation. Je suis contraint de remonter un peu sur le talus abrupt pour contourner ce mur infranchissable. Beaucoup de coulées descendent vers ce refuge. Le chablis contourné, je redescends vers le bord de l'eau ou la terre meuble et humide est marquée de nombreuses empreintes qui ne semblent pas vraiment fraîches. Les petites empreintes sont difficilement reconnaissables mais les traces du gros tapir sont encore bien visibles.
Je me pose un moment en observation, à l'écoute de la forêt, mais rien ne vient. Un peu plus loin, le chant puissant d'un grand tinamou se fait entendre et je décide de tenter de m'en rapprocher. Je progresse doucement quand un vrombissement très caractéristique me fait stopper met. Un colibri très sombre avec des reflets violets métallisés passe près de moi puis se stabilise en sur place au-dessus d'un petit trou d'eau et effectue plusieurs plongeons rapides
avant de partir se poser sur une branche en face de moi, à quelques mètres, de l'autre côté du ruisseau avec une rapidité incroyable. Je l'observe un peu, il se secoue bruyamment et lisse ses plumes avant de partir en un éclair.
Ce même bruit se fait entendre un peu plus loin et je finis par apercevoir un autre colibri de la même espèce posé un peu plus loin en aval du ruisseau et aussi occupé à sa toilette. Alors que je l'observe sans bouger, le premier colibri revient se baigner avant de repartir se percher au même endroit que tout à l'heure pour refaire sa toilette. Je reste un petit moment à observer ses 2 petits oiseaux que je réussirai à filmer un peu avant de poursuivre mon chemin alors que le tinamou se refait entendre.
Je continue à longer le ruisseau mais dois passer côté droit pour éviter un petit chablis. J'aperçois alors une magnifique mygale noire avec des rayures dorées aux articulations des pattes, elle est plus grosse que ma main ouverte à l'entrée de son terrier mais le temps d'attraper mon appareil photo, elle rentre à couvert et malgré mes tentatives de la faire ressortir en introduisant une herbes dans son trou, elle restera cachée. Je continue à avancer tout doucement en surveillant bien les 2 côtés du ruisseau où la vallée s'élargie. La luminosité baisse de plus en plus vite. Le tinamou se fait encore entendre sur ma gauche mais il est encore à 50 mètres environ. Je progresse encore un peu le long du cours d'eau quand je l'aperçois sur ma gauche à environ 30 mètres. Je me fige et accroche mon décocheur mais le temps de calculer comment l'approcher, il se débine et je tente de le suivre mais il disparaît très rapidement. Je le cherche un moment mais le fait décoller et le perds définitivement. Je quitte le ruisseau pour une zone clairsemée où la visibilité est bonne à plusieurs dizaines de mètres. Je tombe sur une magnifique coulée large qui doit être celle d'un tapir. Je décide de me poster là en attendant la nuit. Je me bats avec les moustiques qui m'assaillent alors que des chants de tinamous se font entendre un peu partout dans la forêt, ils doivent être près d'une dizaine.
La nuit tombe vite, je sors mon sifflet à tapir et commence à appeler de façon espacée de plusieurs minutes en tendant l'oreille. Après quelques appels, je reste immobile à l'écoute pendant environ 15 minutes puis reprends les appels avant d'attendre encore un moment. Rien ne venant je décide de me remettre en mouvement dans la nuit noire. Je mets ma frontale et l'allume. Je jette un coup d'œil à mon GPS qui m'indique que je suis à presque un kilomètre de la voiture. Il me reste un peu moins d'un demi-litre d'eau. Je décide de commencer à rentrer en contournant, par la droite, la montagne à ma gauche. Je commence à avancer mais la forêt qui semblait claire de jour ne me permet qu'une visibilité très réduite dans le faisceau de ma frontale renvoyé par les troncs. J'essaie de trouver un passage le plus facile possible mais la forêt devient très dense et progresser silencieusement devient très compliqué, les obstacles s'enchaînent et je m'énerve vite. Je décide de rentrer vers la piste pour tenter de chasser en la longeant. Je progresse en consultant mon GPS, les montées et descentes très raides se succèdent ainsi que les arbres au sol et les passages impénétrables. Je dois régulièrement éteindre ma frontale pour que les guêpes qui attaquent ma frontale se calment et ne me piquent pas. Petit à petit, je me rapproche de la voiture et décide de boire mon reste d'eau. Alors que je descends dans une zone encombrée, je glisse et tente de me rattraper à un petit arbuste. Immédiatement une très vive douleur au niveau de l'articulation du majeur de ma main droite me fait lâcher l'arbuste. Mon doigt me fait énormément souffrir et j'éclaire l'arbuste pour comprendre ce qui m'a piqué. J'aperçois alors d'énormes fourmis noires, environ 3 cm de long, sortant d'une petite fourmilière au pied de l'arbuste, montant et descendant frénétiquement sur le tronc.
Je viens de me faire piquer par une fourmi "coup de fusil" dont la piqûre de son dard est réputée pour infliger la même douleur qu'une blessure par balle.
La chasse prend maintenant une mauvaise tournure, j'ai très mal et je galère pour avancer mais petit à petit mon GPS m'indique que la voiture se rapproche. En chemin, je croise de nombreuses petites bêtes nocturnes sur la végétation.
Petit à petit, j'arrive à environ 25 mètres de la voiture et, me pensant sorti d'affaire, je range mon GPS après avoir contrôlé ma direction. Je marche un moment sans tomber sur la piste et contrôle alors mon GPS. Horreur, je suis reparti en arrière, je suis maintenant à 200 mètres de la voiture. J'essaie de faire demi-tour mais la distance s'amenuise puis réaugmente, je monte et descends dans des gorges profondes, les pentes raides se succèdes, je trébuche régulièrement et chute même plusieurs fois, galérant à passer les chablis, à traverser les ruisseaux et m'épuisant à tourner en rond. L'énervement montant, je commence à perde mon sang froid à tourner en rond. Je n'ai plus d'eau et la fatigue se fait sentir, les pentes successives et les obstacles ont raison de mon endurance et alors que je trébuche, je chute lourdement au sol, ma flèche rabat de force mon repose flèche révolution avec un craquement anormal. Je me relève, contrôle mon repose flèche, il semble fonctionner. Je remets ma flèche au carquois et me remets en marche avec mon GPS à la main mais dès que je le quitte des yeux, je m'éloigne de la voiture, c'est un vrai cauchemar. Je suis pris dans une sorte de grand creux et que je descende, remonte, quoi que je fasse mon GPS semble devenir fou. La direction qui me rapproche de la voiture m'en éloigne après quelques mètres.
A force de tourner, je rejoins un ruisseau qui semble se diriger vers la piste, la pente et descendante et j'en déduis qu'il s'agit de celui suivi en entrant dans la forêt. Je décide de le suivre mais, rapidement, la distance se remet à croître. Je me dis que c'est parce que la sortie sur la piste est plus à gauche que la voiture et que le cours d'eau dois serpenter mais la pente se met maintenant à remonter et mon GPS affiche plus de 300 mètres de la voiture. De plus, je ne cesse de franchir des chablis que j'escalade pour ne pas trop dévier de mon cap et la fatigue physique comme le manque d'eau se font de plus en plus sentir. C'est alors que je constate que j'ai perdu 2 de mes flèches sur mon carquois qui ont dues tomber en s'accrochant dans la végétation, lors du passage des obstacles. Les chutes se multiplient et je finis par décider de me poser un moment. Je pose mon sac à dos au sol, me déshabille un peu en enlevant ma tenue 3D qui me tient très chaud et la range dans mon sac à dos puis m'assois un moment pour me calmer et reprendre mon souffle. Je suis trempé de sueur, mes chaussures sont pleines d'eau à cause d'une chute dans le ruisseau. J'essaie de réfléchir un peu en pensant à ceux que m'attendent chez moi et en me disant que je ne peux pas rester ici, mon doigt me fait encore très mal.
Je mange une barre de céréale et après 15 minutes de pause, je reprends mon GPS en main et contrôle la direction à suivre puis cale ma boussole. Cette fois, je vais avancer pas à pas, le nez rivé sur ma boussole pour tenter de garder mon cap. Je me relève, remets mon sac à dos, attrape mon arc et me remets en marche tout en contrôlant mon cap tous les 3 à 5 mètres et m'aperçois très rapidement que, dans cette forêt très dense, il est impossible de garder un cap à cause des obstacles et que ce qui semble être une ligne droite n'en est pas une mais, en recalant très régulièrement mon cap, je commence à revenir vers la voiture. Non sans mal, j'arrive enfin à 15 mètres de la piste mais me retrouve face à un mur de végétation infranchissable. Je décide de tenter de le longer vers ma gauche espérant retomber sur le ruisseau et je finis effectivement par le trouver 40 mètres plus loin. Je commence à le suivre pour enfin déboucher sur la piste où je retrouve la voiture.
Je suis exténué après plus de 3 heures à chercher mon chemin dans un relief de collines abruptes parsemées d'obstacles. Je pose mes affaires dans le pick-up pour m'apercevoir que je n'ai plus qu'une flèche à mon carquois. Je bois et mange un peu avant de me poser dans le véhicule pour attendre Xavier. Au bout d'un moment, une lampe frontale débouche sur la piste à 50 mètres devant la voiture, je sors pour l'attendre. Xavier arrive, il n'a rien pu flécher non plus mais a vu plus d'animaux que moi, il a notamment tenté d'approcher un beau caïman dans un trou d'eau mais ce dernier a disparu avant son arrivée et fait décollé un hocco. Il me montre les quelques photos qu'il a prises. Il est tombé sur des traces de pécaris sur une souille où il avait chassé deux pécaris trois ans plus tôt lorsqu'il chassait encore au fusil et a pu photographier un petit pian "quatre yeux".
En posant son arc, il remarque que la fibre optique de son viseur est sortie de son logement. Je lui dis que ce n'est rien de grave et que je peux lui réparer ça.
Nous discutons un peu de notre chasse, la douleur de la piqûre s'estompe peu à peu. Sur le retour, nous surveillons les bordures de la piste à la recherche de gibier. A part quelques lucioles qui me font parfois croire voir un œil et un engoulevent au gros yeux rouges, rien en vue quand nous apercevons un très gros tatou au milieu de la piste. Xavier s'arrête brusquement à environ 15 mètres de m'animal qui semble fouiller le sol avec son museau. Le temps de sortir de la voiture, d'encocher, d'allumer le pin's de mon viseur et d'armer, le tatou démarre et trottine vers la bordure de gauche. Je tente d'aligner ma visée mais n'arrive à caler mon viseur qu'au moment où il rentre dans les hautes herbes. Je décoche au juger mais je ne pense pas l'avoir touché. Je m'approche doucement, n'ayant pas d'autre flèche, je ne peux pas réencocher et alors que j'arrive à l'endroit du tir pour chercher ma flèche, suivi par Xavier, je fais démarrer le tatou juste devant nous, dans les hautes herbes. Il fonce vers la forêt et disparaît en un éclair. Nous cherchons un moment ma flèche et c'est Xavier qui finit par la retrouver sans manquer de me taquiner sur mon tir manqué.
Je tente de réencocher mais mon repose flèche révolution ne veut plus rester en position de maintien de la flèche et il me faut de nombreuses tentatives pour le bloquer. Il semble que ma chute de ce soir l'ait bien endommagé. Nous repartons, après un bon moment, un autre tatou est repéré sur la piste, il est plus petit que le premier. Je parviens à me préparer un peu plus vite que pour le premier mais le tatou démarre et part vers la gauche de la piste. Je lui jette une flèche alors qu'il arrive à la végétation. Il disparaît dans les herbes et en ressort immédiatement pour retraverser la piste et rentre dans la forêt en gravissant avec peine un petit talus. Son demi-tour et sa démarche bizarre me font penser que je l'ai touché et je pars à sa recherche mais ne trouve pas une seule goutte de sang ni sur la trajectoire de sa fuite ni sur ma flèche. C'est encore manqué. J'ai à nouveau toutes les peines à caler mon repose flèche qui risque de me lâcher avant la fin du séjour. Nous ne verrons ensuite qu'un gros pian avant de rejoindre la route goudronnée où je quitte mon poste pour rejoindre Xavier dans la cabine. Nous finissons de rentrer pour aller nous coucher. En route nous verrons un autre gros pian sur le bord de la route.
Alex